DE « LA FABLE QUI DORT »
Dans l’édition folio théâtre de La Balade du Grand Macabre de Michel de Ghelderode, j’entends que le rideau s’ouvre sur une chanson, une chanson désaccordeuse de silence :
« Silence, bientôt désaccordé : aux alentours éclate la musique suffoquée d’un accordéon, puis un chant d’homme que l’instrument accompagne sans beaucoup d’harmonie ni de mesure… » (Michel de Ghelderode, La Balade du Grand Macabre, didascalie, p. 25)
C’est donc dans la dysharmonie, la dissonance, la démesure que commence la Balade, par la voix « barytonnante » de Porprenaz et des paroles assez étranges, avec des majuscules partout, comme pour parodier le genre « Sainte Ecriture » et ce conseil :
« N’éveillons pas le Dieu qui dort. »
Usant du parallélisme, après avoir claironné que « Eve fut au Ruisseau et trouva le Miroir » - pour s’y trouver belle, pardi ! - cependant que cette pauvre pomme d’Adam « fut à la Vigne et trouva la Berlue », la chanson demande si par hasard, le « Paradis », ce bon vieux Paradis des catéchismes, ne serait pas « dans la Barbe du Père » et se termine, après « quelques hoquets », - comme son nom l’indique, Porprenaz est un soiffard – sur cet autre conseil :
« N’éveillons pas la Fable qui dort. »
La Fable, c’est Dieu ici sans doute, qu’il serait malvenu de réveiller, vu qu’il « reste immobile dans sa Barbe d’or », immobile soleil éclairant « les Sages et les Fous » qui « marchent sur la Planète ». C’est aussi le drame, la légende qui, réveillant ses figures, agitant ses masques, pourrait effrayer plus d’un mortel…
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 24 janvier 2009