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27 janvier 2009 2 27 /01 /janvier /2009 11:21

APORIE DU NULLE PART

Elie ne pouvait pas rester immobile. Il marcha, hésitant, le chapeau rabattu sur les yeux, le col du pardessus relevé. En même temps, il avait la sensation qu'il n'était pas dans une vraie rue, ni dans une vraie ville.
(Georges Simenon, Le Locataire, folio policier, p.96).

Impossibilité de rester immobile, "il ne reste pas en place".
D'où la marche et son rythme ternaire ("Il marcha, hésitant, le chapeau rabattu sur les yeux,...").
Le rythme, dans l'économie de la phrase, précède la sensation d'étrangeté : "Il avait la sensation qu'il n'était pas dans une vraie rue, ni dans une vraie ville".

Dès lors, le rythme se rompt et ne fait plus entendre que de loin en loin les pas du passant.

Ce que le roman du XXème siècle rappelle dès qu'il le peut : rien n'a l'air d'être vrai. Tout est autre. Non seulement le "je" du narrateur, que Rimbaud différa dans l'altérité (1), mais la matière même de la représentation, de la description, cette étoffe dont sont tissés nos romans.
D'où l'aporie du "nulle part", l'utopie vide de sens :

Elie marchait vite, sans raison. Il n'avait pas envie de marcher. Il ne voulait aller nulle part.
(Georges Simenon, Le Locataire, p.97).

Nous arpentons le vide du sens. Seuls les événements nous entretiennent dans cette illusion épique de la réalité. Inoccupés, le monde devient aussi peu réel qu'un tas de déchets que l'on s'apprête à brûler. Alarmés, nous voyons bien que les voitures incendiées rappellent les livres : ce sont des signes que l'on tente d'abolir, des liens, des véhicules.

Note : (1) Arthur Rimbaud in "La Lettre dite du Voyant" : Je est un autre.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 9 novembre 2005

Commentaire
Aporie du poireau qui poirote: le temps perdu, l'attente trament le tissu de nos jours! JE est un autre, Jo est un neutre, la vraie vie est tailleur, elle coud nos habits sociaux et de fil en aiguille, ça défile en exil, au fond de soi, parmi les choses. Et même les gens!
Aporie du poireau qui poirote: on attend même l'apéro! Qui permet d'attendre le repas. Et puis ça recommence: douce brutalité du jour qui fait comme l'autre tandis qu'on fait pareil...
Posté par ruru, 09 novembre 2005 à 13:39

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