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6 février 2009 5 06 /02 /février /2009 17:03

FASCINATIONS RIMBALDIENNES 1

"CETTE IDOLE"

Cette idole, yeux noirs et crin jaune, sans parents ni cour, plus noble que la fable, mexicaine et flamande ; son domaine, azur et verdure insolents, court sur des plages nommées, par des vagues sans vaisseaux, de noms férocement grecs, slaves, celtiques. (Arthur Rimbaud, Enfance, I, in Illuminations)

Les phrases de Rimbaud belles comme des paysages suggérés par la musique, étranges comme les mélodies.
Les "plages nommées" par des "vagues sans vaisseaux" sont donc plages rêvées puisque justement la mer est vide mais pourtant chargée de navires imaginaires, de terres d'invasion aux "noms férocement grecs, slaves, celtiques".
Le poète semble évoquer des civilisations oniriques, guerrières peut-être, bateaux des gravures illustrant les épopées, les contes et légendes, plages où débarquèrent les hommes du Nord, terres où affluèrent les peuples de l'Est.
Ainsi, "cette idole" est-elle aimée, "yeux noirs" des latins, des indiens du Mexique, des habitants sous le soleil, et "crin jaune" des saxons, des germains de Flandres, des guerriers du brouillard, "cette idole" déchue de sa principauté, "sans parents ni cour", prince en exil, - mais c'est un lieu commun -, et donc plus "noble", étrangement plus "noble" que la "fable" que l'on tisse à son propos et dont on fait merveilleux manteau pour habiller son histoire désormais légende.
"Cette idole", fille de Charles-Quint, l'Espagnol et le Flamand, "cette idole" sans palais a pour "domaine" l'insolence de "l'azur" et de la "verdure" et cette insolence est grande effectivement qui ose s'affranchir de toutes les familles, de toutes les cours, - avec ou sans roulement du r -, s'affranchir de tous les palais et des distances pour filer jusqu'à la mer.
A y songer, c'est la trajectoire de Rimbaud lui-même,de ses Ardennes hantées des anciennes brumes de l'Est, de ses forêts sombres et de ses gens "taiseux" à l'illusion de "l'Alchimie du Verbe" - qui nommant les choses leur donne une existence -, puis au franchissement des mers vers ce qui va "férocement", dit-il, l'inconnu de l'Afrique, Aden-Arabie, la terra incognita.

Patrice Houzeau
Rosendael, le 16 novembre 2005

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