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26 septembre 2009 6 26 /09 /septembre /2009 12:24

LE 9 SEPTEMBRE, UN APRES-MIDI

« C’était le 9 septembre, un après-midi comme tous les autres. » (Agatha Christie, incipit de Les Pendules, Club des Masques, traduction de Th. Guasco).

Temporalité : « C’était le 9 septembre, un après-midi… ». Le récit est une inscription dans le temps. Nous couvrons de signes les pages du passé et actualisons sans cesse ce qui est destiné à passer, ce qui passe, de telle sorte que l’écriture est une abolition du présent.
Intuition : Bien des paradoxes de la physique quantique s’expliquent peut-être par l’absence de présent. Rien n’est stable et tout est en devenir.
La littérature, une sisypherie que c’est, la littérature : une quête, mot à mot, ligne à ligne, page après page, d’un présent qui n’existe pas. De temps en temps, dans ce flux incessant de signes, un chef d’œuvre, une cristallisation de la durée.

Identité : « comme tous les autres ». L’inscription du récit dans le passé renvoie soit à l’événement, soit à l’égalité des indifférenciations. Le roman est le surgissement de l’événement dans l’indifférenciation ; il constitue l’historique de la tension entre permanence et bouleversement, entre immanence et transcendance. Ce n’est donc que formellement qu’il y a « situation initiale ». Ce que l’on appelle situation initiale, c’est la pérennité du non-événement, du sans-histoire.
Peut-on croire à cette pérennité du sans-histoire ? : Difficilement puisque ce qui est égal à lui-même nécessairement s’use, décline, disparaît. Les « peuples heureux » ne pourraient ainsi faire autrement que d’instituer la reproduction comme l’événement moteur de leur civilisation. La multiplication des consciences pérennisant la nécessité de l’être à persister dans son existence.

Mais il est que la régulation de l’espèce étant combattue par la culture, la multiplication des corps implique la multiplicité des consciences. Ainsi, les progrès des civilisations dépendent de ce « croissez et multipliez-vous » des monothéismes. On pourra cependant objecter que des phénomènes culturels comme la vendetta, le conflit social, la lutte des classes, les crises économiques, les révolutions, les guerres, dépendent, tout autant que les progrès éthiques, de cette multiplicité. Les peuples semblent se reproduire afin d’engendrer progrès et conflits.
Le monde ne cesse de se remplir, comme si le dessein inconscient des peuples était de saturer l’espace, habiter l’inhabitable, faire nombre. On ne peut donc tout à fait exclure que l’espèce humaine agit ainsi contre son propre intérêt et se prépare, au mieux, à assujettir toute conscience à la loi du plus grand nombre possible ; au pire, à survivre dans l’état de guerre généralisé induit par la croissance des probables de la jalousie.

La « main invisible du marché » qui auto-régulerait les échanges mondiaux, me semble contredite par la jalousie inhérente à toute conscience : je veux être plus puissant que toi car je te perçois comme voulant être plus fort que moi ; je dois donc te voler ce temps que je n’ai plus, ce présent invisible qui me manque toujours plus, car je l’ai perdu, ce temps présent, à devenir toujours plus puissant. C’est ainsi que les grenouilles, à force de se remplir d’air, finissent par éclater.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 26 septembre 2009

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