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30 septembre 2009 3 30 /09 /septembre /2009 09:06

SOLITUDE DE RITA

Notes sur La femme du magicien, album d'illusions formidables, vivaces et terribles de François Boucq d'après un récit de Jérome Charyn (Casterman, 1994)

Page 42, case 5 : A la table des affreux, un combat de scorpions dans une boîte en carton.

Page 54 : Conversation de policiers dans le fast-food où travaille Rita. Question de la serveuse, Nancy, - c'est ce qu'indique son badge - Hello My name's Nancy - :
- "Il y a encore eu du grabuge cette nuit ?
- "Ouais, dans Central Park, on a trouvé un cadavre pas piqué des vers..."

Pages 60-61 : Solitude de Rita dans son vestiaire puis face à la blague de mauvais goût que lui font ses collègues : dans la chambre froide, une pièce de viande, - os, côtes, viande rouge avec chapeau, imperméable hors d'usage, - beaucoup des objets dessinés par François Boucq ont l'air ainsi, "hors d'usage", périmés et terribles -, et cette pancarte : "Kiss me Baby".
Remarque de Nancy :
- "Dorothée, viens voir ! Rita vient de découvrir une nouvelle victime du sadique de Central-Park !"
Nancy et Dorothée énormes, rappelant que les Etats-Unis sont le pays de la surconsommation, du surpoids,  de la surenchère. Entre ces deux pièces-là aux dents évidentes, Rita passe, menue, seule, muette. D'ailleurs, elle n'a plus rien dit depuis plusieurs pages, plus rien dit depuis sa dernière métamorphose en loup, rien dit depuis qu'elle a posé cette question à l'homme dans l'ombre, cette question-clé pour porte condamnée :
- "Edmond ?!! C'est toi, Edmond ?

Solitude de Rita à chacune des pages de ce récit non pas désenchanté, - il y a de la charogne magique, de l'enchanteur pourrissant dans cette histoire -, non pas désenchanté mais plutôt "désillusoire". Dans cette partie médiane de la page 61, un "strip" de trois cases :

1) Dans la voiture de police, l'inspecteur Velvet Verbone, profil droit, élégant comme un détective de roman anglais, maniéré presque à la façon d'un Hercule Poirot, jette un coup d'oeil sur un illustré :
- "C'est vous qui lisez ces trucs là ?
- C'est mon gosse qui me les refile pour quand je poireaute" répond le policier.

2) Un extrait de l'illustré : une séquence de lutte entre un homme affolé et un loup-garou. Les quelques cases citées, se présentant comme un exemple de culture populaire américaine, semblent "authentifiées" par des dialogues en anglais. Cet extrait de récit bon marché, en noir et blanc, primaire, travail de studio pour publication de consommation courante, en apparaissant ainsi dans un récit  particulièrement travaillé, original, sophistiqué, semble prouver que l'enjeu de l'enquête ne serait jamais qu'une légende idiote, une mômerie, un prétexte, une illusion.

3) Séparée du profil droit de l'inspecteur Verbone, Rita, de trois-quart face, sur son lieu de travail, - le "fast-food" -, jette un coup d'oeil elle aussi sur quelques croquis abandonnés sur une table : en quelques traits, ils esquissent le visage de la serveuse.

Solitude de Rita au centre de la case 7 de la page 61. Elle se trouve dans un bout de rue qui tient de l'impasse, de la bordure de fabrique, du passage entre les rues passantes, les artères principales, et les quartiers pauvres aux locations étroites, étriquées, accumulées du centre-ville.

Page 63, case 8 : Un scorpion dans la boîte à sucre que l'inspecteur Verbone tend à Rita.

Les illusions sont des choses mortes. Evidemment.

Post-scriptum
: Des mêmes Boucq et Charyn,  je vous conseille le formidable, vivace et terrible aussi Bouche du Diable (Casterman éditeur).

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 21 octobre 2007

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