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6 octobre 2009 2 06 /10 /octobre /2009 05:14

EROS AU FLEUVE
Notes sur le texte du fleuve de André Doms (édition l'arbre à paroles, collection « le buisson ardent », Maison de la Poésie d'Amay, 2001).

Page 2 :

« Le fleuve prend peur de
   sa géologie trop certaine,
   l'heure se grève,... »
   (André Doms)

Les vers, par l'enjambement qu'ils proposent, soulignent la syntaxe. En français, le complément d'objet de la forme «prend peur» a un air de complément du nom, à en déduire qu'on a toujours peur de quelque chose, que la peur n'est pas sans objet. On m'objectera la subjectivité de ma grammaire. Mais qu'est-ce qu'écrire, sinon rendre sa part la plus belle au sujet, cette part fût-elle largement inconsciente ?
Ainsi, pourquoi ces vers, et non d'autres, m'arrêtent-ils ?

- Pour ce mouvement critique peut-être : la prise de conscience qu'une « géologie » n'est jamais sûre, qu'aucune base n'est jamais si assurée qu'on le croit, quand bien même elle aurait tout l'air d'une science : le mot « géologie » n'est-il pas un mot savant ?

- Pour cette énigme aussi (« l'heure se grève ») puisque j'ai le goût des énigmes, ou plutôt je suis preneur de l'apparence énigmatique. Quel bel apparaître que cet être à part, là, dans le fleuve des pages. Ici, cette « heure » qui « se grève », c'est peut-être qu'elle s'allourdit, se charge d'affects, ou d'eau ?

Page 3 :

« Brève, l'eau tire un ciel
   qui s'accélère »
   (André Doms)

S'il y a un texte caché, une sous-jacence, voici qu'elle affleure : « brève, l'eau ».
C'est un bruissement que cette combinaison labiale (b) / liquide (r) [br] suivie de l'ancien mot eve qui désignait jadis l'eau. Et puis quel écho d'avec la page 2 : « l'heure se grève ».
D'ailleurs, le mot « ève » apparaît lui-même :

« Brève, l'eau tire un ciel
   qui s'accélère. Nos rives
   se resserrent. J'attise l'ève
   à la crête du temps. »
   (André Doms)

Echos. Une discrète musique anime ces vers :
- la consonne « v » : « brève », « rives », « ève »
- et cette assonance : « brève », « ciel », « accélère », « resserrent », « l'ève », « crête » : les sons s'ouvrent et se referment semblant mimer des reflets sur l'eau.

Nous avons, à ces deux brèves, donné pour titre « Eros au fleuve ». C'est que, le désir participe, dès les premiers vers du texte, à cette réflexion « du fleuve » (titre complément de propos) :

« ..., le fleuve est fuite
   d'échines où mon désir
   s'invente aux loups du vent. »
   (André Doms, p.3)

Le poème comme invention du « désir » ? Peut-être. La rêverie, à coup sûr, dans la « fuite » des « échines » sur lesquelles court cette meute des « loups du vent » que personne sans doute ne peut jamais tout à fait maîtriser.

Patrice Houzeau
le 5 mai 2008

Commentaires

Vous reprocher la subjectivité de votre grammaire ? vous n'y songez pas... c'est justement l'une des raisons qui font qu'on y revient!
Posté par marie, 06 mai 2008 à 08:02

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