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17 novembre 2009 2 17 /11 /novembre /2009 14:27

CUIRE LA CHAROGNE

« Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
                    Comme afin de la cuire à point,
   Et de rendre au centuple à la grande Nature
                    Tout ce qu’ensemble elle avait joint. »
(Baudelaire, Une Charogne, vers 9-12)

Ce qui est en haut est donc bien en relation avec ce qui est en bas : le soleil brille aussi pour les chiens morts.
Le « comme afin » modère la finalité. C’est « comme si » le soleil avait pour but de cuire la charogne. Mais justement, ce n’est qu’un « comme si », une fantaisie poétique. En fait, le soleil ne fait que se conformer à sa qualité de soleil : il brûle.
Ce qui est « rendu au centuple », habituellement, c’est la monnaie de Dieu. Les bienfaits, dit-on, sont rendus au centuple par le Royaume de Dieu, lequel est sans doute le plus grand établissement de crédit qui soit jamais. Ici, l’ironie de la charogne, c’est que sa cuisson rend à la grande Nature, substituée à l’ordre de Dieu, « tout ce qu’ensemble elle avait joint ». Quoi donc ? Les amours, les nourritures, chair et terre, tout ce qui constitue l’ensemble des échanges du vif avec le réel.
Substituée à Dieu alors, la grande Nature des choses jointes, mêlées, fusionnées. La mort unit. Comme l’amour. Comme le sexe. Parodie de la préparation culinaire (cf « afin de la cuire à point »).

Remarque : j’aime bien l’expression « cuire la charogne » et je m’applaudis de cette trouvaille car j’aime à trouvailler et donc à m’applaudir. Cuire la Charogne ! Beau titre pour un polar visqueux à souhait ! - Et d’où qu’ils sont partis ? – I sont allés cuire la charogne de l’autre balance là, Tonio la Mickette, là…

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 17 novembre 2009

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