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26 août 2013 1 26 /08 /août /2013 05:31

HISTOIRE DE FAIRE CROIRE
En cogitant sur le poème "Nous autres", de Henri Michaux.

 

1.
La personne utilisée est fréquente. Elle fait foule. C'est par elle qu'il s'exprime, le narrateur. C'est plein de bouches, tout ça partout, de bouches, bouches, bouches, auxquelles l'encre donne langue.

 

2.
Il constate que ce n'est pas facile tous les jours. Ontologiquement pas facile. Que l'être, c'est essentiellement de l'échec. Du pas réalisé. De l'inabouti. De l'impasse. De l'autre.

 

3.
Au départ, c'est plein de pas possibles. Puis, on finit par en trouver, du possible. Mais il est tout troué, mité. Il file, il grogne, il griffe, il a des cornes, il vous prend tout, il vous transpire, il vous tanne, vous déserte, vous égratigne, vous hausse les épaules, vous désosse, vous édente, vous attrape, vous rape, vous pique vos sous et dis que dis que dis que que que que, que que que.

 

4.
Ces dadas ne sont pas des tartes aux pommes. Ces dadas ne sont pas des autres déçus. Ces dadas ne sont pas des fantômes flottants ; ils ne hennissent pas dans la flûte des airs. Ces dadas ne se prennent pas pour de grands écrivains. Ils ne croient pas qu'on les lise. D'ailleurs, on ne les voit pas. Ils passent dans leur miroir sans tain, leur miroir si souple qu'on le sent à peine passer, sur sa peau comme un souffle.

 

5.
Bien sûr, c'est au nom du sens que nous affirmons que rien n'a de sens, et c'est au nom du réel que nous affirmons que tout est illusion. Mais il faut bien un Menteur. Mais il faut bien un Truqueur. Le Diable a plus d'une langue.

 

6.
Dieu, lui, ne dit rien. On parle à sa place. On lui secoue la tête de bas en haut et de haut en bas, de bas en haut et de haut en bas, de bas en haut et de haut en bas, histoire de faire croire.

 

7.
Où sont-ils arrivés, ces gens que trimbale le pronom "nous" ? Ils en sont aux autres. Aux autres qui préparent leurs pièges d'autres, pour les faire trébucher, ceux du nous, pour les aimer, ceux du nous, les accueillir, les intégrer, les scolariser, les reproduire, les ceux du nous, pour les rallier à leur humanisme de bon aloi. Celui qui fait regretter les grands massacres. Celui qui, en vertu du "Si vis flouzem, oseillam, fricum, para bellum", vend des choses qui volent, qui roulent, qui rampent, qui filent, qui fusent, et qui explosent dans l'ailleurs, dans l'autre, là-bas.

 

8.
Elle, quand on la regarde, nos yeux tombent. C'est pour ça que nul, jamais nul, ne la voit, jamais.

 

9.
C'est qu'il y a tant d'entrées, et de sorties, et de trous, et de glissements, et de à la dérobée. Comment voulez-vous marcher droit ? Funambule aveugle sur un fil qui n'existe que parce qu'on y croit.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 26 août 2013

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