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28 août 2012 2 28 /08 /août /2012 06:06

ME FICHENT LE TOURNIS AVEC LEUR TOUR DU MONDE

Notes sur Voyeur voyageur, d'André Doms.
Les citations sont entre guillemets.
(Le Taillis Pré, Belgique, 2012)

Le passé, de la chair dévorée par le poisson du temps

"n'en demeurent que mots, dont je m'évertue au poème."
(Penne d'élu)

Le passé, c'est plein de choses encore qu'on a, mais différemment ; sont toutes changées, et d'une autre étoffe, celle du passé justement. Elles ont un air de pas revenir que ça peut vous flanquer du mou dans la boîte à âme ; un drôle de micmac ontologique, ça, le passé, une embrouille de temps qui passe... de temps dont on se souvient que y a quelque chose suffit d'y penser un peu et on a le tournis... un peu très étrange que ce que l'on vit, c'est déjà du passé... on m'enlévera pas ça de la caboche que le présent, c'est qu'illusion... qu'en fait, le futur nous aspire à c't'heure... en général, quand j'écris ce genre de drôlerie, j'éclate de rire ; remarquez comme il m'en faut peu ! et donc, y a le passé & tout ça dans son sac au passé : visages et jardins, rues et scoubidous, tournicotons de tous les côtés & tourniquet de la musique... Comme toute chose une manière, la musique, d'en imposer au réel... vois un peu ce que j'sais faire avec mes dix doigts... une manière ainsi d'être avec l'autre :

"Tempérament, état d'esprit ? Je joue dur une sonate du jeune Beethoven. Elle, casque d'or, s'assied auprès." (Sonatine)

Une manière de frapper, de marquer le réel, à la jouer juste, l'étrange rythmique du temps, jouer dur ou faux ou ayant l'air inspiré du pianiste qui balance son corps comme si une divinité le tenait, comme l'araignée au bout de son fil promenée dans l'espace entre nos doigts et le sol. Beethoven & Casque d'or, la rencontre est plaisante ; elle vaut son poids de notes sans doute. De même qu'une foule de bruns ténébreux prennent des poses dans les mémoires des femmes, les hommes ont dans les cartons à souvenirs mignonnes frimousses et d'impassibles Casques d'or. J'admire cet art d'épargner à la préposition un complément à vrai dire inutile... trajet de la foudre, aller au plus vif, ne pas encombrer la page, penser que le lecteur n'a pas tout son temps. C'est que lire est une humilité. Les jeunes gens - à des souvenirs fait songer ce recueil Voyeur voyageur, autobiographie en éclairs, passages du passé dans la mémoire - et donc aux jeunes gens :

"L'inconnue, l'inconnu m'en imposent."
(Gravure 4)

On est tout épaté d'un rien alors... une façon d'être, un détail, pli des lèvres, prestance & manière de regarder, tics de langage, on s'en épate facile, on s'en intimide ; les autres, ça
a une façon de bricoler le réel que ça vous fait comme si le monde soudain était pas ce monde où jusque là vous avez grandi, mais un autre monde, un nouveau monde, plus moderne & plus imposant aussi, d'autant que c'est pour vous maintenant le temps de la bohème, temps

"Bâtard, saucisson, délice et déraison."
(Rue Saint-Augustin)

Le temps de l'endurcissement à se frotter à l'épique d'endurance des heures de cours... un truc ça, les études, aucune nostalgie... moi, les études, quelle barbe!... les examens ah vraiment pénible pour ma pomme distraite qui retient rien ou si peu... c'est un signe ça j'suis sûr... de paresse surtout... C'est qu'fainéant j'suis... pas fier de l'être mais lucide... faut pas que l'on m'en demande de trop... Par exemple, voilà du fatigant pour moi : les autres, ils ont cet air si content de se voir et d'en passer du temps ensemble... moi, ça me saoule... vrai j'pige pas... alors vous pensez si déjà j'suis saoulé à l'idée de manger avec quelqu'un, passer un diplôme pour moi, c'est himalayesque... et puis voyager, tenez... pour moi un supplice... les gens adorent ça, aller voir ailleurs... moi non... quel souci! faut préparer tout un tas de trucs et veiller à un tas de machins ; rien qu'aller à Lille, moi ça m'ennuie... pourtant c'est à côté de chez moi quasi, mais rien à faire... et dire qu'y en a qu'ont fait le tour du monde ; pour quoi faire, mon Dieu, le tour du monde ? Ils me fichent le tournis avec leur tour du monde.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 28 août 2012

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