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3 novembre 2009 2 03 /11 /novembre /2009 09:28

NECESSITES DE L’ÊTRE

Racines
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“Well, perhaps your feelings may be different,” said Alice; “all I know is, it would feel very queer to me.” (Lewis Caroll, Alice’s Adventures in Wonderland, Le Livre de Poche, Les Langues Modernes, p.104)
« - Enfin, peut-être réagissez-vous différemment, vous, c’est possible, repartit Alice ; tout ce que je sais, c’est que ça me ferait un effet parfaitement bizarre, à moi. » (traduction de Magali Merle).
Les effets « parfaitement bizarres », c’est ce que nous tenons, à tout prix, à éviter. Il est que nous nous sentons souvent étrangers au monde, de telle sorte que nous nous raccrochons aux visages connus, aux habitudes, aux coutumes, aux traditions, et à ce que, naïvement, nous appelons « racines ».

Tonnerre.
“Get to your places!” shouted the Queen in a voice of thunder,…” (Lewis Caroll, op. cit., p.184)
« A vos places ! hurla la Reine d’une voix de tonnerre » (traduction : Magali Merle)
Je suppose qu’une Reine sans autre précision ne peut hurler qu’avec « une voix de tonnerre ». Sinon, elle ne hurlerait pas, mais susurrerait d’une voix douce.

Corps. Objets. Choses.
“- at least I know I was when I got up this morning, but I think I must have been changed several times since then.” (Lewis Caroll, op. cit., p.102)
« - Qui j’étais quand je me suis levée, ça du moins je le sais, mais je pense que j’ai dû subir des changements répétés depuis lors. » (traduction : Magali Merle)
Nous sommes changements. Dès lors, nous n’aimons jamais quelqu’un pour ce qu’il est ; si nous aimons quelqu’un, c’est pour sa manière d’être changeant, manière d’être qui fait que, somme toute, nous trouvons la personne assez supportable en attendant.
Ce sont les objets que nous apprécions pour leur immuabilité. Ce que nous collectionnons, ce sont des objets voués à perdurer tels quels. Nous en avons reçu l’héritage, et nous cherchons à enrichir encore ce patrimoine. Ainsi, les objets nous dépassent-ils dans la durée. Le corps vivant change tout le temps : il ne fait que vieillir. Aussi, raisonnablement, ne collectionnons-nous pas les autres.
Entre les objets et les corps se trouvent les choses, fourmillement d’ombres indifférentes et imprévisibles jusqu’à l’hostilité. La force des choses est d’une puissance peu commune, et souvent dépasse l’entendement, de sorte que nous nous raccrochons aux objets et aux corps en attendant qu’elle nous rattrape, la force des choses.

Devinettes.
“Come, we shall have some fun now!” thought Alice. “I’m glad they’ve begun asking riddles” (Lewis Caroll, op.cit. p. 152)
« A la bonne heure, nous allons nous amuser à présent ! songea Alice. Je suis contente qu’ils se soient mis à poser des devinettes… » (traduction : Magali Merle)
Devinettes : énigmes pour rire. L’esprit s’en nourrit car toutes recèlent cette logique aussi implacable et cruelle que le regard d’une conscience surprise dans sa jalousie.
La grande surprise que nous réserve la logique, c’est son humanisation instantanée dès lors que l’humain s’en saisit. Une proposition paradoxale ou provocatrice, ou encore quelque syllogisme curieux, peuvent déchaîner des passions. C’est que l’humain, si irrationnel soit-il, tient à la logique comme à la prunelle de ses yeux. Son grand malheur est de confondre souvent justice et logique, logique et droit, et sans doute de croire que toutes les sciences dites humaines relèveraient, en fin de compte, d’une logique absolue.

Assez de.
“How are you getting on?” said the Cat, as soon as there was mouth enough for it to speak with.” (Lewis Caroll, op. cit. p.188)
« Comment ça va ? » dit le Chat dès qu’il y eut assez de bouche pour lui permettre de parler. » (traduction : Magali Merle)
Magali Merle note, à propos de cette proposition que « la trouvaille est digne d’un dessin animé de génie. » (ibid. p.188). La phrase suggère en effet l’apparition progressive d’une bouche, la magie créatrice du il y a permettant ainsi aux êtres de s’exprimer.
C’est que nous manquons toujours de quelque chose, de bouche, de tête, de mémoire, de présence d’esprit et nous ne pouvons agir qu’avec assez ; ce qui nous constitue en nécessiteux de l’être.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 3 novembre 2009

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