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19 novembre 2009 4 19 /11 /novembre /2009 06:14

TOUT S’EMPRESSE, TOUT PART.

« Tout s’empresse, tout part. La seule Iphigénie 
   Dans ce commun bonheur pleure son ennemie. »
(Racine, Iphigénie, V, 6, vers 1785-1786)

La tragédie à son dénouement. C’est qu’elle n’existe que par son dénouement, la tragédie. C’est l’heure critique qui intéresse le tragique. Et, comme nous l’avons appris au lycée, la tragédie peut être comprise comme une « action saisie au plus près de la crise ».
Au contraire de la comédie donc, suite de mots d’esprit, de piques, de pointes, d’effets, qui ont pour but de révéler les grotesques en d’en faire rire le public. Et peu importe le peu d’intérêt et l’invraisemblance des fins de la plupart des comédies de Molière : l’essentiel est dans le rire au spectacle de l’avare s’agitant, de la précieuse ridicule minaudant, du malade imaginaire s’emportant, du bourgeois se gonflant en gentilhomme.
Le tragique a d’autres fins. Il exige le sang promis. Il dans ce « tout s’empresse, tout part » du récit d’Ulysse qui clôt  la pièce. Il est dans ce monde qui va reprendre son cours, dans ces Grecs qui vont reprendre la mer et ces Troyens qui vont les combattre ; il est dans l’alliance du roi Agamemnon et du guerrier Achille ; il est dans le regard que Clytemnestre tourne vers le ciel (« Par quel prix, quel encens, ô ciel, puis-je jamais / Récompenser Achille, et payer tes bienfaits ! ») ; il est dans ce réveil après le cauchemar, cette lumière retrouvée parce qu’il est aussi dans le sacrifice, le sang versé, la mort donnée.
Certes, ce n’est pas Iphigénie qui meurt, mais son double, « l’autre Iphigénie », Eriphile, et Iphigénie n’est pas la tragédie du Roi des Rois, n’est pas la tragédie de la fille d’Agamemnon, mais la tragédie de celle qui ignore sa généalogie et qui ne peut apprendre d’où elle vient sans mourir (cf II, 1, les vers 428-430 : « Un oracle effrayant m’attache à mon erreur, / Et quand je veux chercher le sang qui m’a fait naître, / Me dit que sans périr je ne me puis connaître. ») . C’est ce que comprend Iphigénie sans doute qui « pleure son ennemie » ; c’est ce que comprend Iphigénie, la rescapée, « la seule Iphigénie », l’unique désormais.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 19 novembre 2009 

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