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4 février 2013 1 04 /02 /février /2013 07:18

JUSQU'AUX DENTS

 

"Chu d'dans
En plein d'dans jusqu'aux dents
L'drame c'est que même en voulant pas êtr'dedans
C'est pareil chu d'dans
Jusqu'aux as jusqu'aux dents"
(Malcel Sabourin, Robert Charlebois, "Le grand fatal c'est d'être dedans").

 

1.
Nous nous cramponnons aux choses comme si elles existaient.

 

2.
Exister, c'est insister sur le fait que nous ne sommes pas encore morts.

 

3.
Sans doute passons-nous une bonne partie de notre vie à choisir les pièges où nous nous laissons prendre.

 

4.
On a beau se dire que c'est l'état d'esprit qui influe sur l'état des choses, parfois le Bonaparte qui cavale dans notre tête est perclus de rhumatismes.

 

5.
Le rôle de l'administration est de confirmer que tout devrait fonctionner correctement maintenant.

 

6.
La psychanalyse a fait de nous des golems qu'un jeu de mots actionne ou immobilise. Nous sommes les machines du langage.

 

7.
Je peux comprendre que l'on considère le Logos comme Dieu. Tous les énoncés à l'oeuvre dans le monde, lâchés dans nos bouches comme autant d'anges et de démons.

 

8.
Les gens n'aiment pas la littérature ; ce qu'ils aiment, ce sont les histoires. C'est la nostalgie des contes et légendes qui travaille le public.

 

9.
La lucidité est une manière de se fasciner pour la vérité. Et c'est ainsi qu'arrivent les accidents.

 

10.
Nous ne voulions pas nous mettre dedans, et nous sommes mis dedans, jusqu'aux dents, jusqu'à la langue.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 4 février 2013

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3 février 2013 7 03 /02 /février /2013 21:59

CELA M'EST NECESSAIRE
De quelques bribes de La nuit remue, de Henri Michaux.

 

"Quant aux livres, ils me harassent par-dessus tout. Je ne laisse pas un mot dans son sens ni même dans sa forme.
  Je l'attrape et, après quelques efforts, je le déracine et le détourne définitivement du troupeau de l'auteur.
  Dans un chapitre vous avez tout de suite des milliers de phrases et il faut que je les sabote toutes. Cela m'est nécessaire."
(Henri Michaux, Une vie de chien).

 

1.
"des créations mentales" : Les créations mentales doivent être étroitement surveillées en raison de leur forte propension à aller tenter le réel et, disons-le tout net, à vous mettre dans l'embarras car, n'est-ce pas, quel scandale !

 

2.
"Sa beauté déjà disparaissant" : il faut être d'une grande jalousie pour ne pas regretter le déjà déclin de sa beauté, ou d'un grand orgueil.

 

3.
"Le loup a peur du violon." : il est vrai que la musique de chambre surtout a de quoi en effrayer plus d'un, surtout si vous avez du goût pour les grands extérieurs où nul orchestre ne s'aventure.

 

4.
"car c'est le plus souvent une tête" : Oui, le plus souvent, mais quelquefois, c'est juste un bec qui tombe du ciel et vous cloue. Ou alors un oeil qui tombe du ciel et vous damne. Ou alors une pluie de dents qui tombe du ciel et vous dévore vivant, puis de moins en moins vivant, et de moins en moins entier, jusqu'au définitif moins de vous.

 

5.
"une mer sans eau" : Cette formule tirée du poème Vers la sérénité exprime assez cette sensation de houle, de rythme décalé que l'on ressent parfois, au creux de l'après-midi, quand on pense que la terre est encore loin.

 

6.
"Tout en moi prend son poste de combat" : Autre formule intéressante, tirée du poème Colère, qui fait du corps littéralement un "corps d'armée", une militance.

 

7.
On ne peut pas siffler son oeil comme on siffle son chien. Rien à faire, dès qu'il est ouvert, il chasse ce qui dans le réel ne cadre pas tout à fait, ne peut pas rester ignoré, doit être absolument présenté à la conscience, afin de subir un examen rapide, un coup d'oeil, et dans certains cas, une garde à vue.

 

8.
La musique dans les rêves n'est pas neutre. Elle prend parti. Elle est d'une ironie mordante. Il y a la chanson des disparus. Il y a le piano des inquiétudes. Il y a la chanson qui vous fait rire et dont vous ne comprenez pourtant pas les paroles, mais qui vous plait tant que vous voulez la retrouver, que vous courez dans les rues, dans les maisons, dans les journées lointaines, dans les heures ouvertes comme des fruits et d'où sortent des sons, toutes sortes de sons, des drôles de sons vraiment.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 3 février 2013

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3 février 2013 7 03 /02 /février /2013 14:50

BIEN RECORDS
De quelques bribes du Pantagruel de Rabelais.

 

1.
"bauffrer" : dévorer, bâfrer, s'en mettre goulûment plein la lampe, goulaffrer ; moi, quand je fus môme, j'aimais bien me goulaffrer de gauffres, et de crêpes aussi ; c'est ce dont je me recorde car il m'arrive d'être assez bien records. Vous me direz que ça vous fait une belle alouette, mais sachez qu'être bien records, c'est avoir bonne mémoire, et n'est-ce point qu'en anglais un enregistrement se dit "a record" ou est-ce que je suis pas assez bien records pour m'en souvenir ? D'ailleurs, ja long temps a (il y a longtemps déjà) - il me semble que le rythme de cette indication temporelle est plus heurté en français moyen qu'en français moderne, mais vous me direz qu'on s'en moque, et vous aurez raison, cependant que je finis ce que je voulais dire, que d'ailleurs, ja long temps a, les records étaient des galettes de vinyle sur lesquelles étaient gravées toutes sortes de chansons et de musiques, et que ma préférence allait vers les musiques chevelues, improbables, électriques, et j'aimais bien leurs pochettes aussi.

 

2.
"troys teigneux et un pelé" : manière plaisante de dire qu'il y a trois pelés et un tondu, c'est-à-dire pas grand monde. Ce qui me fait penser à Tif et Tondu, les héros du journal Spirou.

 

3.
"y eust demeuré quelque espace" : espace de temps, cette manière de souligner le lien entre l'espace et le temps est délicieuse ; il me semble toujours que la structure mentale des habitants d'une époque apparaît plus clairement dans ce genre d'expressions.

 

4.
"ilz en estoient chargez comme un crapault de plumes": remarquez que, de nos jours, les crapauds se mettent plutôt des anneaux dans les oreilles, sur le nombril, dessus la langue (au risque de l'avaler et de s'outrepasser à l'étouffée fatale).

 

5.
"gros veaulx de dismes": lourdauds dit la note ; y en a, c'est vrai, on dirait des gros veaux, des boursouflés du bavoir. Y a même des fois, avec ce genre de gros veaulx, pour qu'ils vous fichent la paix, faut savoir faire l'âne.

 

6.
"vous sçavez que en toutes compaignies il y a plus de folz que de saiges et la plus grande partie surmonte tousjours la meilleure" : c'est encourageant, surtout quand on regarde les courbes démographiques.

 

7.
ouyant le cri du feu : ça sent le roussi. Dans un film policier de William Friedkin (To Live and Die In L.A., 1985), y a un atelier de fabrication de fausse monnaie qui flambe, la bande-son fait entendre des voix qui montent des flammes, comme si les esprits du mal quittaient par le feu ce lieu maudit. Le titre français du film, c'est Police Fedérale Los Angeles. Le film met en scène le duel entre deux policiers et un faussaire particulièrement habile, malin et assez psychopathe. L'intérêt du film, c'est qu'il montre en quoi le trafic de fausse monnaie est aussi malsain, trouble et violent que n'importe quel trafic.

 

8.
"Missaire Bougrino" et ses serviteurs ; en général font grand' messe.

 

9.
"qui furtivement me crocquoit mes lardons" : crunch miom miom ; c'est qu'il faut faire attention à ne pas laisser traîner ses lardons partout. Même chose pour son ombre, sa femme, ses chats, ses chiens, ses chevaux, son nom : le réel est un vol permanent.

 

10.
"faire quinaud" : confondre, mettre le doigt sur une contradiction avant qu'elle puisse s'échapper, ne vous laissant dans la main que la queue du raisonnement.

 

11.
"et sembloit bien un homme qui feust ravy en haulte contemplation" : Dans les pommes mystiques, le bonhomme, dans le cosmos à transcendance.

 

12.
"de grand hahan": avec effort. Le signifiant mime l'effort. Je ne résiste pas à la tentation de citer le texte de Rabelais :
" Thaumaste, de grand hahan, se leva, mais en se levant fist un gros pet de boulangier, car le bran vint après, et pissa vinaigre bien fort, et puoit comme tous les diables." (Rabelais, Pantagruel, XIX).

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 3 février 2013

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3 février 2013 7 03 /02 /février /2013 12:31

PI Y'AVAIT LE TRAIN TCHOU TCHOU TCHOU
De quelques bribes tirées du répertoire de Robert Charlebois

 

"Y'avait les ongles de Fu Man Chu
Y'avait ses yeux gros comme des choux

Pi y'avait le train tchou tchou tchou
Qui me coulait le long du cou
Qui me descendait le long du cou
Qui me descendait le long du dos"
(Glaude Gagnon / Robert Charlebois, Fu Man Chu)

 

1.
"Je veux l'écrire dans le ciel" : sa chanson, dans Le Mur du son ; oui, mais pour écrire dans le ciel, faut une plume d'ange, ou alors on écrit de l'invisible sur du pas palpable, avec une main perdue, qu'on se retrouve tout défenestré, cassé, brisé, émietté, alouetté mort.

 

2.
"j'ai le coeur plein de larmes" : ça s'appellerait-y pas un larmier ? ça me fait penser à çui-là qui, sous prétexte qu'on ne peut tondre un oeuf, refusa de s'attaquer au boeuf. Ses affaires périclitèrent.

 

3.
"je grelotte entre mes draps rayés": faut prendre un grog, ça fait suer la maladie, ou alors c'est qu'une donzelle vaudou vous a jeté un sort avec sa musique d'intruments carnivores.

 

4.
"avec un coeur en plein milieu des yeux" : et quand ça vous bat la chamade, on a l'impression qu'un alien cherche à sortir de votre front, n'est-il pas ?

 

5.
"Après avoir perdu son temps" : après avoir perdu son temps, en général, on perd encore son temps, c'est qu'on prend vite l'habitude, et puis le pli est fait ; ça commence par une lézarde en soi, qui laisse filtrer un mince filet de temps, puis la lézarde vire à la brèche, s'agrandit, s'élargit, devient meurtrière, trou, fenêtre, gouffre, et puis le temps emporte tout et vous perd, totalement.

 

6.
"ouvrir la porte pi sortir" : bin oui, vous allez pas rester devant la porte ouverte, à regarder le temps passer dans la rue.

 

7.
"Un moteur gris dans le brouillard" : il a perdu ses belles rayures et, dans la jungle des villes, il court après son tigre.

 

8.
"Y'avait ses yeux gros comme des choux" : Cette comparaison potagère m'interroge, m'interpelle, me saisit, m'ontologise le questionnement, me phénoménologise le culinaire, et m'impose de vous demander, ô puissances des Grands Appétits : existe-t-il une recette de chou farci à la Fu Man Chu ?

 

9.
"Refaire les étoiles et l'espace" : faut se lever de bonne heure car les divinités cosmiques sont des joueurs fabuleux, des professionnels de la prodigieuse mistoufle.

 

10.
Peel : c'est une station de métro à Montréal - on trouve ça mentionné dans la chanson Fais-toi z'en pas ("Prendre le métro descendre à Peel") ; c'est rigolo que la dame à bottes de cuir des Avengers in Colors ait le même nom qu'une station de métro de Montréal. C'est rigolo si l'on veut. En fait, on s'en fout. Et puis, elle fait ce qu'elle veut.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 3 février 2013

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3 février 2013 7 03 /02 /février /2013 10:33

D'UN OEIL MEFIANT
De quelques bribes de "La nuit remue", de Henri Michaux.

 

"Voici déjà un certain temps que je m'observe sans rien dire, d'un oeil méfiant."
(Henri Michaux, Le Honteux interne)

 

1.
"Roue, ne m'écrase pas."
- je vais me gêner, tiens !

 

2. "C'étaient des loups." : d'où ce goût de poil que j'ai encore dans la bouche.

 

3.
"Et ils prirent encore mes éclairs." : Je passe mon temps à refaire des éclairs que les hommes me piquent ; prométhée, j'vous jure, c'est pas un métier !

 

4.
"Carcasse, où est ta place ici" : L'écho de l'assonance console de la désespérance. Quand je dis désespérance, c'est parce que ça rime avec beurre rance. N'allez pas chercher minuit à ma porte.

5.
"une espèce d'évidence écumante" : sans doute, pseudo-phénoménologiquement parlant, s'agit-il ici de la mer, celle aux paupières salées et aux bestioles à nageoires qui s'entredévorent ; mais certains humains ont ce don aussi d'être des espèces d'évidences écumantes ; et pourtant, ils ne disent rien, vous regardent avec des yeux tranquilles, ont cet air calme des gens qui surmontent humblement, mais vous, avec vos yeux en dedans, vous le voyez bien, qu'ils sont habités.

 

6.
"J'ai déjà dit que dans la rue je me battais avec tout le monde" : C'est que, depuis que je suis vent, j'ai les parapluies en horreur ; je les combats tant que je peux ; je me mets debout et je les boxe, les gifle, les retourne, les déchire.

 

7.
"des pensées en écho déferlent en lui" : ça s'appelle une tempête d'échos, une eschoade. Je dis eschoade, parce que ça rime avec marmelade, évidemment.

 

8.
J'aime les philosophes. Ils disent ce que je voudrais dire, et que je ne comprends pas.

 

9.
Il faut être réaliste, on ne peut caresser la pluie dans le sens du poil - sauf celui de son chien mouillé - et encore moins à rebrousse-poil - on risque de se faire mordre.

 

10.
A force de regarder le réel "d'un oeil méfiant", il finit par prendre ombrage, par se renfrogner, par vous jeter des regards à la dérobée, des regards qui en disent long sur les sorts, et sur le hareng aussi avec lequel il compte vous hypnotiser, en le balançant au bout d'une corde longue longue longue fxée au mur nu nu nu par un clou sans fin sans fin sans fin.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 3 février 2013

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3 février 2013 7 03 /02 /février /2013 09:20

COMME AUTANT DE DRAGONS TERRASSES
De quelques bribes de La nuit remue, de Henri Michaux.

 

1.
"labyrinthe" : le mot est employé plusieurs fois dans les écrits d'Henri Michaux. Bien sûr. Comment pourrait-il en être autrement à partir du moment où il emploie le mot gong ? Je me demande quel genre d'histoires on peut écrire dans un labyrinthe ? Des histoires tordues, des histoires qui se perdent, qui paument leurs personnages en cours de route, qui en changent donc, comme on change de cheval et de chemise, des histoires éventrées.

 

2.
"quand je reviens, il n'y a plus rien" : dès qu'on prend cinq minutes pour soi, ça ne loupe pas, le réel en profite pour se faire la malle.

 

3.
"barbrissant et ramoisant" : j'y vois une tête de vieux chevalier à barbriche (je dis bien barbriche, sinon j'aurais dit barbiche, mais le mot barbiche ne peut ici rendre compte du caractère barbrichant de la pilosité chevaleresque) et rossinante aussi, et qu'est au bord d'un étang, et qui se souvient avec mélancolie de tout ce temps passé, de tout ce temps guerrier, de tout ce temps qui va ramoisant en lui des branches qui vont de plus en plus loin.

 

4.
"On entendait en gong bas" : évidemment, le son gong bas donne l'idée du son gong bas, que l'on peut supposer entendre dans le fond du poème, et que le poète a voulu signifier en écrivant qu'on entendait en gong bas.

 

5.
"D'abord rien a changé" : ensuite ce fut the Big Bordel. C'est ce que je disais, le réel n'en fait qu'à notre tête.

 

6.
"il garde son air habituel" : et cependant comme il avait changé. Mais comme il était incomparable, il était difficile de se faire une idée.

 

7.
"je le déracine et le détourne" : je me demande ce que l'on peut déraciner et détourner, - un roman d'Annie Degroote ? un oiseau migrateur ? un potager oratoire ? un prince en exil ? un planté là à les regarder passer ?

 

8.
"non seulement j'étais les fourmis, mais aussi j'étais leur chemin" : du coup, ça me grattait, gratouillait, picotait, fourmillait partout. J'ai fait ce qu'il faut faire dans ces cas-là : j'ai acheté un tamanoir.

 

9.
"le même appel à l'être" : le même sois et tu sauras. Par ailleurs, vous appelez l'être et c'est un autre qui vient, même que parfois, c'est personne.

 

10.
une "défaite continue" : le narrateur comme quoi il connaîtrait une "défaite continue". Outre que l'existence est une longue construction qui finit par tourner en défaite continue, si ce n'est en la vieillesse est un naufrage, que l'on songe aussi que l'on ne peut faire sans défaire. Ainsi se font et se défont les visages, et les marionnettes, et tous les géants qui sortent made in caboche pour aller s'écraser dans le réel comme autant de dragons terrassés.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 3 février 2013

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2 février 2013 6 02 /02 /février /2013 20:04

SUR CHAQUE CHOSE
De quelques bribes des Poésies d'Henri Thomas.

 

"Voici les jours où j'aperçois sur chaque chose
la marque obscure du prochain délabrement"
(Henri Thomas, Sésame)

 

1.
"le moteur fonce dans la nuit" : il court après son tigre.

 

2.
"le carnet reste dans la boue" : du coup, pour l'appeler, la fille de la véranda, ça va pas être facile, surtout qu'à tous les coups, c'est encore un présent de narration, ça ; le carnet, il est même plus dans la boue, il est retourné au néant, et vous, vous mangez des frites, en buvant une bière, même qu'il pleut.

 

3.
" j'étais homme, je suis..." : ah non ! je veux pas le savoir, pas de confidences, s'il vous plait !

 

4.
"l'esprit plein des débris" : miettes du passé tombées des lèvres du Grand Engouffreur de cités. Le Grand Engoulevent quoi. Le croque-tours.

 

5.
"mon bonheur est couleur de fable" : d'ailleurs, c'est une fable.

 

6.
"une rue assez tranquille" : no blood today.

 

7.
"mémoire obscure" : on n'y reconnaît pas grand chose, labyrinthée, la mémoire, on y avance à tatons, entre des demi-visages, qu'on essaie de se visionner entier, ça cauchemarde dans la mirette, picasso l'oculaire.

 

8.
"la pierre aveugle et douce" : imaginez une pierre avec des yeux et dotée d'un caractère de cochon ; vous n'avez pas fini de la revevoir à la figure.

 

9.
"la nuit qui meurt" : heureusement, elle râle pas trop. Elle ressasse simplement. Je dis ça parce que des fois, on lit de ces trucs sur la nuit, qu'c'est un ressac, une plus loin, une plus proche, une intérieure, une brûlure, ah bah... non, la nuit, elle ressasse, une vieille, la nuit, une grogne.

 

10.
"le vieil été" : tout ridé comme un pruneau sec, tout antique, très vieux grec, vieux mur et fromage de chèvre. Fait carte postale, ça comme expression "le vieil été".

 

11.
"cette flamme qui prend / aux broussailles du langage" : l'inconscient sans doute, le désir qui brûle tout, fout le feu partout, que ça vous fait des poèmes incandescents, tout braiseux, lyriques et inflammables.

 

12.
"le galop des jours et des nuits" : dadas du temps, manège des heures, on tourne en rond en vieillissant et toutes ces sortes de clichés.

 

13.
"les vignes du silence" : le vin que l'on en tire lie les langues.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 2 février 2013

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2 février 2013 6 02 /02 /février /2013 10:22

GLISSER LA PLUME DANS SA POCHE
De quelques bribes tirées du roman "Le Meurtre de Roger Ackroyd" d'Agatha Christie, traduit par Miriam Dou-Desportes, Le Livre de Poche n°617.

 

- y attacher un peu trop d'importance : c'est toujours l'auteur qui décide de ce qui est important ou pas ; heureusement, on n'est pas obigé de le suivre.
- prendre une mauvaise tournure : se dit d'une affaire, et dans le cas d'une énigme policière, pour qu'elle soit bien alambiquée, bien club des masques, il est nécessaire qu'à certains moments, l'affaire prenne une mauvaise tournure, sinon on s'ennuie.
- d'en donner les détails : pas trop tout de même, sinon on s'ennuie aussi, et puis on s'y perd, et d'ailleurs on s'en fout.
- un fauteuil un peu plus avancé : dans les demeures à mystères, j'ai souvent remarqué que les meubles ont tendance à prendre leurs aises avec la réalité, enfin, ce que l'on appelle réalité, et qui n'est que convenance.
- cacher son embarras : on s'embarrasse les uns les autres ; vivre en société, c'est gérer ses embarras ; c'est éviter de s'entremêler - il faut faire attention, un accident est vite arrivé, et, soudain, vous voilà avec deux têtes, trois yeux (elle est borgne), quatre pattes, quatre pinces et un nom composé à aller se cacher sous les pierres.
- un mystérieux inconnu : il s'agit donc de le nommer ; l'enquête est la mise au point d'une liste de noms. Ensuite, il s'agit de hiérarchiser les nomenclatures, d'en préciser leur légitimité, leur spécificité, leur éligibilité.
- les vivants et les morts : l'énigme est dans ce rapport entre les vivants et les morts.
- regarder respectueusement Poirot : c'est la moindre des choses quand on est en présence d'une telle pointure déductive.
- un regard aigu : qui coupe donc dans le réel, qui coupe et recoupe.
- un sentiment d'angoisse : rien que de très normal dans un roman policier que cette culture de la plante parasite qui, la nuit, vous pousse entre les doigts de pied, vous remonte dans les jambes, les reins et vient appuyer ses gants de lierre sur votre poitrine, comme si elle voulait vous ranimer, ou vous étouffer.
- la mauvaise habitude de ne pas terminer mes phrases : c'est quand le cogitif prend le pas sur l'énonciatif, qu'un essaim de pensées éparses coupe la route des syllabes. Ou que vous trouvez ça tellement évident, la fin de vos phrases que, n'est-ce pas ? ou que vos mots se font la malle et partent sur les chemins sourds de l'ailleurs.
- élucider davantage ce point : des points aveugles que l'on éclaire en sont-ils moins aveugles ?
- une fenêtre ouverte : l'assassin est-il passé par là ? Ou par la porte de derrière, ou par l'escalier dérobé, ou par l'entremise, ou par la dunette, ou par une meurtrière, ou par la gargouille, le miroir sans tain, la saucerfoule off sicrets, le chapeau de mon oncle sur la table basse de ma tante, l'oreille d'un sourd ? Mystère et carambar !
- Pong et Mah-jong : on joue beaucoup au Mah-jong dans Le Meurtre de Roger Ackroyd ; je ne connais absolument rien des principes de ce jeu ; ça participe de l'effet de bizarre.
- cet affreux petit Français ou Belge : pauvre Poirot !
- du "fussent mariés" : si les gens en viennent à se marier clandestinement, où allons-nous ?
- la visite d'un étranger : c'est toujours suspect car dans ces microcosmes qu'analysent les romans d'Agatha Christie, y a pas tellement de place pour les étrangers : il faut que tout se tienne. Les romans d'Agatha Christie sont des définitions d'ensembles problématiques à nombre restreint d'éléments.
- glisser la plume dans sa poche : j'aime bien cette expression; quand j'arrête d'écrire, c'est comme si je glissais la plume dans ma poche.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 2 février 2013

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1 février 2013 5 01 /02 /février /2013 21:59

DES NOSTALGIES DE NOSTALGIES
De quelques bribes de Jules Laforgue tirées des Complaintes et des "premiers poèmes".

 

- un ciel pluvieux (ça mouille, faut prendre un parapluie ; ça fait poétique du nord aussi, genre ciel pluvieux dans des carreaux sales.)
- une lune vagabonde (je me demande s'il y a eu un groupe de rock genre électrique à la Hendrix qui a jamais eu l'idée d'écrire un morceau bien énervé planant dont le titre serait Gypsy Moon.)
- des mondes errants (ça va bien avec la lune vagabonde : des mondes errants sous des lunes vagabondes ; l'univers est en expansion, fuyant le néant.)
- un oeil sacré (s'il est au beurre noir, c'est que vous avez été boxé par un évêque.)
- un noeud de vipères (ça peut toujours servir.)
- les sueurs de la nuit (aérez la chambre, et si vous avez partouzé avec des démones, appelez vite un exorciste, malheureux, et allez-vous confesser, mécréant !)
- éternellement aujourd'hui (et mon doigt dans l'oeil.)
- des jupes éphémères (surtout si elles décident de s'appeler Robert.)
- un Sphinx aux lèvres closes (et c'est à quelle heure, l'énigme ? C'est qu'j'ai pas que ça à faire, j'ai un destin, moi !)
- un vieil orgue (genre cacochyme, ou orgue à toux.)
- des prairies fugitives (ils courent, ils courent, les furets, et les vachettes, elles courent aussi, et les étangs, et les grenouilles, tout court on ne sait où jusqu'à la ville prochaine)
- du cosmiquement désespéré (c'est vraiment typiquement humain, ça, de mesurer son orgueil à l'aune du cosmos ; ou alors c'est qu'on doute de tout, et si le cosmos était un canular de scientifiques ?)

- un coeur insensé (on s'y retrouve pas, c'est la confusion, le bouchon sur le périphérique ; ça fume de partout ; c'est tout pollué ; les fantômes vont boire un coup en attendant que ça se passe.)
- des regards brûlés (ça, à force de lire des poèmes incandescents ou de reluquer les belles étrangères...)
- deux royaux cors de chasse (taïot ! taïot ! où ai-je mis mon couteau ?)
- du soleil en son sang (le soleil au sang est la friandise du soir de la géante nuit, très carnassière.)
- un très-au vent d'octobre paysage (là aussi, ça donne le ton, ah c'est pas Jules Laforgue qui irait délirer sur les animaux de la savane et les jungles héroïques bouffe-tout-cru)
- une tête-me-bout (ça s'appelle d'ailleurs une cafetière)
- une pipette de tabac (ça passe le temps ; le tabac est littéralement un passe-temps, un moyen de masquer l'asthénie)
- du dieu sous la peau (attention à la crise de foi)
- un cornet de gras papier (ah tiens, il a mangé des frites)
- des nostalgies de nostalgies (oui, mais alors là, on s'en sort plus !)

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 2 février 2013

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29 janvier 2013 2 29 /01 /janvier /2013 19:24

EN PARTANT
 

De quelques expressions de la pièce Antigone, de Sophocle, traduction de Paul Mazon, revue par Jean Irigoin. Livre de Poche n°6909.

 

1.
"parler suivant la raison" : il faut donc que la raison soit dotée de bonnes esgourdes, sinon, il se pourrait bien qu'elle n'entende pas ce que vous dites.

 

2.
"n'obtenir d'autre tombe que des chiens" : C'est évidemment être dévoré. Dans le cas présent, il s'agit des guerriers qui mourront au combat.

 

3.
"en m'en allant vers vous, je m'en vais vers les miens" : C'est Antigone qui parle ainsi, évoquant sa mort prochaine. On remarquera que la traduction emploie ici l'alexandrin.

 

4.
"avoir l'esprit qui se trouble" : comme un miroir que l'on aurait dans la citadelle à songer et qui se troublerait de la buée d'un esprit.

 

5.
"ne céder jamais à une femme" : Sauf si elle a une hache à la main, évidemment.

 

6.
"agir au yeux de tous les gens de sens" : Vaut mieux car si c'est pour agir aux yeux d'un tas de crétins, est-ce que cela en vaut la peine ?

 

7.
"faire déborder sa colère" : Tonneau, la colère, qui roule et tonne.

 

8.
"laisser aller ses yeux aux ténèbres" : Funèbre marelle où l'on jette des yeux, des têtes et puis le corps tout entier dans le néant.

 

9.
"avoir casques à crin de cheval" : Plutôt une chouette collection. Me rappelle une aventure d'Alix avec des vengeurs troyens, très joli.

 

10.
"laisser en partant" : Le "partant" est une zone spatio-temporelle où l'on peut laisser un certain nombre de choses et d'êtres que l'on n'estime pas utiles à la poursuite du parcours.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 29 janvier 2013

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