Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
28 janvier 2013 1 28 /01 /janvier /2013 15:48

NOUS TRAPEZANT LE BARNUM
Notes sur la Préface de "Chair et sang", de C.K. Williams, traduit et présenté par Claire Malroux, Orphée/La Différence n°155, pp.7-16.

 

Dès le début de sa préface (intitulée "La voix dans la voix") Claire Malroux évoque le "problème de la voix , de l'origine et du rôle de la voix". C'est que, dès que l'on dit poème, l'on dit "voix", exclamation, déclamation, ou cette voix que l'on dit intérieure et qui constitue ce brouhaha incessant qui tourne dans la tête poissons et couteaux.
Dans la page suivante, l'auteur précise qu'il y a entre C.K. Williams et William Carlos Williams une commune "conception de la chose à dire". Message donc. L'objet poétique viserait par cet usage singulier de la langue que l'on appelle justement poésie - l'être - c'est-à-dire le nom de l'être - qui constitue à la fois un signifié et un référent, et que nous appelons, par défaut, chose, "chose" qui se trouve dans chacun de ces instants que notre conscience peut saisir.

 

Elle évoque, page 9, une "conscience douloureuse" : Ce qui n'est guère étonnant quand l'on évoque le vivant d'un poète. Il semble que la "conscience douloureuse" soit au poète comme au chat ses puces. C'est agaçant tout de même. Je suppose qu'il doit bien exister des poètes qui ont vécu heureusement avec une conscience heureuse. Moi, qui ai tendance à la mélancolie, je sens bien, je sais bien, je vois bien, que cette mélancolie ne m'aide guère à vivre, et ne m'aide à écrire que par complaisance. J'ai assez de lucidité pour m'agiter sans mélancoliser le panier à pensées, et n'ai nul besoin de ce que l'on nomme cette "anxiété sociale" qui m'handicape, me ralentit, me brûle à petit feu.

 

Page 10, elle évoque un tournant dans la pratique poétique de C.K. Williams qui, à la fin des années 70, si je comprends bien, à modifié son approche en n'abordant plus "de plein fouet" les question politiques ou sociales - ou ses propres obsessions - et donc a ainsi renoncé au message explicite.

 

Page 11, Claire Malroux définit la poésie de C.K Williams comme une mise en oeuvre d'une "sorte d'espace mental" recomposé. Autrement dit, le poème aurait pour but la résurgence, l'évocation de la saisie consciente du passé, et donc la "vie mouvante" de cette conscience. Exercice phénoménologique que le poème qui mime, en le recomposant, le travail de la conscience.

 

p.12, une citation (je ne peux pas résister à son fumet) :

 

our poor angel
he must be of burying his face
in our hot mouths breathing
in maggots...

 

C'est tiré de I Am the Bitter Name (1971) et ça dit que "notre pauvre ange", i doit être bien écoeuré dégoûté "d'enfouir son visage dans nos bouches chaudes, de respirer des asticots."
L'ange et la charogne : c'est la fable du monde. Pourquoi les anges ont-ils des ailes ? Pour ne jamais être en contact avec cette vallée de vers, je suppose.
Claire Malroux fait, à propos de cette citation, référence au sprung rhythm de Gerard Manley Hopkins (c'est vrai que ça sonne rythmique comme du Hopkins). J'avoue mon ignorance quant à une définition précise du "sprung rhythm", sauf que le compositeur François Nicolas a traduit cette expression par "rythme abrupt".

 

Autre élément qui donne à penser, celui d'une "voix qui se dérobe sans cesse quand le poète parle" (p.14), comme si le poète était celui qui cherche sa voix, et qui, surtout, ne la trouve pas, puisque justement le poème est le résultat de cette quête perdue d'avance d'un absolu du langage, qui permettrait de rendre compte de tout ce qui semble affluer à la conscience et qui reste "sur le bout de la langue", entre les dents, un aveu, un désir qu'on ne saurait dire.
D'où la réïtération. D'où l'architecture. D'où reproduction et publication des séquences.

 

La préface souligne que pour le poète, la "disparition de la conscience", "dans son sens (...) le plus pointu de perception" mais aussi dans son sens d'éthique du réel, n'est rien moins qu'un "désastre cosmique". C'est que sans conscience, vous pouvez rien faire, même pas des frites. C'est bien embêtant.

 

Dans le dernier paragraphe, cette définition intéressante de la poésie comme d'une "boîte de Pandore du langage". C'est que le langage parle une autre langue, une langue étrangère, que nous comprenons sans la comprendre jamais tout à fait, et que des étants s'en échappent, du langage, qui viennent nous trapézer le barnum à cogitations, et envahir le réel donc, le travailler au corps. C'est qu'en farfouillant dans les entrailles du sens, il se pourrait bien, en effet, qu'on lise quelque chose d'inouï, quelque "chose à dire", quelque avenir, quelque conjugaison du temps.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 28 janvier 2013

Partager cet article
Repost0
27 janvier 2013 7 27 /01 /janvier /2013 11:34

ET POUR TOUT DIRE A SA PLACE
De quelques fragments tirés de "Gerard manley Hopkins, poèmes et proses", traduits par Pierre Leyris, Points/Seuil P1791.

 

1
"Sweet flowers I carry, - sweets for bitter."
(Gerard mankey Hopkins, For a picture of St. Dorothea)
De douces fleurs : doux pour amer.

 

J'aime ce glissement du doux à l'amer. Petite surprise qui dit bien que les choses ne sont pas ce qu'elles ont l'air d'être, ou plutôt que le regard de l'observateur change le réel qui semble pourtant si intangiblement lui-même.

 

2.
"Nor fruit, nor flowers, nor Dorothy."
Ne vois fruit, fleur, ni Dorothée.

 

Evidemment, s'il n'y a plus ni fruit, ni fleur, ni Dorothée, c'est qu'il est fini le poème. Et le narrateur se demande si elle tenait "un coing" ("Had she a quince in hand ?") ; mais non, sots nous sommes, vu qu'c'est "lune pleine" qu'elle tient comme ça dans son coin de ciel, Dorothée.

 

3.
"To fields where flies no sharp and sided hail"
(Heaven-Haven, A nun takes the veil)
Aux champs que nulle grêle acérée ne fustige

 

L'épithète "acérée" pour la grêle est bien trouvée. Les griffes du ciel.

 

4.
"Elected Silence, sing to me"
(The Habit Of Perfection)
Silence élu, chante pour moi

 

Demander au silence qu'il chante pour vous, c'est comme demander à l'invisible de se montrer, ce qui pour un croyant, n'est-ce pas, est signifiant.
Ce qui me fait penser à ce début du morceau The Musical Box du groupe Genesis (Play me old King Cole) où il me semble bien qu'il est question plus ou moins de fantôme.

 

5.
"And you unhouse and house the Lord"
Le Seigneur enclore et déclore

 

C'est que Dieu est en-soi et pour-soi. C'est qu'il n'existe pas, mais que son être est absolu.

 

6.
Dieu, on a beau le prier, i répond pas souvent. C'est qu'il n'existe pas. Donc, il s'en fout. Du coup, je me demande si Dieu ne s'est pas suicidé en se jetant par la bouche de Nietzsche.

 

7.
"... se détachent en noir contre les feuilles...."
(p.39, Pages de journal, 1869-1870)

 

Ce qui se détache ainsi, ce sont les "rameaux", ça fait vaisseau, navire, nef à insectes, pucerons, coccinelles, araignées qui grimpent donc aux "agrès d'un navire" comme trapézistes en l'air.

 

8.
p.40. "Cet automne aussi, mon regard a été soudain captivé par la disposition des feuilles qui poussent dans les allées et les avenues : je l'ai remarquée d'abord sur un orme, puis sur les tilleuls."

 

Je cite cette phrase en entier dans sa traduction car ce "regard captivé par la disposition des feuilles" trahit un oeil qu'il me semble reconnaître, l'oeil du mélancolique, du guetteur de signes, du percepteur de synchronies. Je dis "signes" et non pas "symboles" : Dieu n'est pas un feuillu ; il n'est pas constitué de feuilles mortes, pas plus que d'allées et avenues en automne. Le signe indique seulement qu'il y a un référent, cependant que le symbole traduit un rapport de sens entre signifiant et référent. Qu'il y ait quelque chose plutôt que rien n'implique nullement qu'il y ait un rapport de sens en soi entre l'être-là et l'être-autre, entre explicite et implicite, entre visible et invisible. Ils s'impliquent mutuellement, comme l'ombre trahit la présence, mais n'ont de sens que dans le filet de la conscience, où ils se prennent comme poissons. Toute raison est un mensonge grossier. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de sens, je dis seulement que la raison de Dieu n'est pas la raison des hommes, et qu'aucune n'implique l'autre, même si elles se fréquentent assidument.

 

9.
Ce n'est pas le réel qui est sérieux, c'est la souffrance.

 

10.
A l'expression "projet existentiel" je préfère "cercle existentiel". Nous passons notre existence dans un cercle que nous tentons d'élargir jusqu'à le briser. Tout projet d'existence se définit par sa négativité. Nous sommes ce que nous refusons d'être.

 

11.
p.41. "... la forte gelée qui a suivi dans la nuit les a candis de givre."

 

L'épithète "candis" signale le traducteur éclairé. J'aime beaucoup, qui fait penser au sucre candi, aux fruits confits. Ici se mêlent deux connotations hétérogènes (la cristallisation qui résulte de l'action de "candir", et la blancheur héritée du latin candidus, a, um). Ici, ce sont les "arbres imprégnés d'eau" que la "forte gelé" a candis comme sucre.

 

12.
p.42. "Même alors, je ne pouvais comprendre pourquoi ce morceau de bois encombrait ainsi l'Apôtre."

 

Curieuse notation d'un rêve de demi-sommeil, étant donné que c'est aussi sur un "morceau de bois" que le Christ...

 

13.
p.43. "...et souvent il semble que nous ayons l'oeil collé contre elles - j'entends dans le temps même du rêve."

 

Hopkins indique un temps relatif, un temps autre, "le temps même du rêve", et l'abolition de l'espace qui, pour lui, caractérise "les images de rêve" qui "paraissent (...) être plates comme des tableaux, et souvent il me semble que nous ayons l'oeil collé contre elles", tellement collé que c'est l'oeil qui provoque l'image, de même que la conscience provoque le réel. J'entends ici "provoque" dans tous les sens du terme. A partir du moment où Dieu a mis les mots dans la bouche des humains, il devait bien s'attendre à être remis en cause, en question, en doute, et pour tout dire, à sa place.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 janvier 2013

Partager cet article
Repost0
27 janvier 2013 7 27 /01 /janvier /2013 08:47

VOILA QUI VOUS RECONFORTE LE GRINCEMENT
 

Fantaisies fragmentaires à propos de "Meurs pas on a du monde", chef d'oeuvre de San-Antonio/Frédéric Dard, Fleuve Noir n°103.

 

1.
p.65. "Mais j'égare, disperse." : et même zut.

 

2.
p.115. "Je parle un peu triste..." : On dirait le début d'un vers de la fin du XIXème, début du XXème, genre décadent picolo :

 

"Je parle un peu triste et mon âme se lézarde,
Quand je te vois si gauche et si pleine et hagarde,
Gerber ton vin rouge dessus la place blanche,
Car il a neigé, vois-tu ; t'as de grosses hanches."

 

3.
p.149. "Et la visite de la vieille dame." : Je suis certain que ça lui coulait tout seul, à Frédéric Dard, ce genre de réminiscences.

 

4.
p.89. "Régale-toi, l'aminche." : Je retrouve, au détour d'une page, le mot "aminche", que je n'entends plus guère. Un mot d'hier. Je me demande s'il y a des milieux où l'on emploie encore le mot "aminche". En fait, j'ai m'impression que je ne l'ai jamais entendu, ce mot. Que je l'ai surtout lu. Il me semble que Gai-Luron, l'impassible toutou du crayon à Gotlib, disait ça, "Salut les aminches". Ou me gourge.

 

5.
p.159. "être déguisé en rillettes de la Sarthe" : Citer San-Antonio, c'est risquer le tribunal pour plagiat à chaque instant, tant il y en a, d'épatantes trouvailles. Ici, l'expression suppose une mort violente et écrasante comme le plat de la main du Destin sur la mouchette près de la tartine.

 

6.
p.104. "les éponges ravagées par le tabagisme" : On imagine bien les noirâtres, suintantes. Et dire qu'on se promène avec ça, nos pommes fumigènes, y a de quoi dégoûter les belettes, surtout si comme moi, vous avez le chicot en péril et la comprenette aléatoire.

 

7.
p.135. "un quasi-silence inquiétant" : Ce qui est inquiétant, c'est ce quasi. Son sixième sens de héros du Fleuve Noir doit lui faire entendre l'inouï son de la lame de couteau qui brille étrangement au clair de la lune, laquelle fume tranquillement des blondes à la fenêtre, en attendant le chevalier.

 

8.
p.159, San-Antonio "raccroche vilainement" et ça fait "ploum paf !". Franchement, des bigophones qui ploument et pafent, j'en connais pas. Remarquez que c'est inspirant :
 

"Elle m'en dit des vertes, Paulette, et ploum paf !
Raccroche vilainement, me laissant tout paf."

9.
p.143. "- Une voiture sans serpents, de préférence." : Ce qui vous en dit un peu sur l'un des épisodes du palpitant. Franchement, ça fait rêver, non ?

10.
Sur la quatrième de couverture du chef d'oeuvre dans son édition de poche, on voit deux squelettes en plastoc attablés dans un décor dans le genre auberge in the cambrousse avec cuivres, buffets, saucissons pendouillants, tout ça rustique, en vrai bois comme dans les magazines où l'on voit de jolies, belles, époustouflantes maisons, jardins, cheminées, poutres apparentes, et tout ce qu'il faut pour se rêver une autre vie. J'écris ça pour les lecteurs les moins fortunés, qui lisent du Sana jauni acheté deux euros aux puces et qui se morfondent du genou dans leur chambre de bonne. Que ces lieux de rêve et de bonne bouffe soient déjà peuplés macchab, voilà qui vous réconforte le grincement.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 janvier 2013

Partager cet article
Repost0
26 janvier 2013 6 26 /01 /janvier /2013 20:40

ENTITES VAGUES
De quelques bribes tirées de Les Chants de Maldoror, de Lautréamont.

 

1.
"que des entités vagues" : Des fois, les autres, on se dit qu'ils sont hantés par des entités vagues, des ensembles flous, des boules de gomme, des aliens en chewing-gum, et pourtant, ils sont si précis, les autres, si indiciblement précis.

 

2.
"en ayant l'oeil sur lui" : Au fond, nous nous méfions de Dieu. C'est si vrai que nous ne pouvons vivre qu'en gardant un oeil sur lui.

 

3.
Lorsqu'on a l'oeil sur quelqu'un, se peut-il que cet oeil soit le mauvais ?

 

4.
"Je relevai la tête, comme la proue d'un vaisseau soulevée par une vague énorme" (Chant Troisième) : C'est sans doute qu'il est propulsé par une lame de fond, cézigue. Attention à l'écumante, i va peut-être gerber, et rendre ses noyés.

 

5.
"les sentiments de votre pensée" : Est-ce que la pensée est si sentimentale ? Est-ce que ces fameux sentiments ne seraient pas le feuillage qui masque le char d'assaut.

 

6.
"comme la paille qu'emporte le vent" : Ce qui fait qu'elle dut demander une autre paille au serveur. Pendant ce temps, les arbres balançaient leur palme, sous le ciel calme ; on entendait passer la rue.

 

7.
"Je saisis la plume qui va construire..." : Ouatch ! Costaud, avec ses petits bras, la plume ! On croirait pas qu'elle soit si bâtisseuse, la plume, à la voir si jolie, si élégante, au bout de la longue main d'un écrivain pas toujours si musclé.

 

8.
"en distillant la bave de ma bouche carrée" : Couché, Isidore ! Ducasse ! (les oreilles).

 

9.
"...quand la migraine envahit mes tempes, après être revenue du théâtre..." : En général, le théâtre arrange pas la migraine. Franchement, le paracétamol, c'est quand même plus efficace que Claudel.

 

10.
"Une lanterne rouge, drapeau du vice, suspendue à l'extrémité d'une tringle, balançait sa carcasse au fouet des quatre vents, au-dessus d'une porte massive et vermoulue." (Chant Troisième) :

 

Les phrases de Lautréamont sont des porte-rêves, ou des porte-cauchemars. "balançait sa carcasse au fouet des quatre vents"... J'imagine bien l'écorché suspendu à quelque croc, et qui, aux yeux de tous - pour qu'on comprenne bien - balance sa carcasse au fouet des quatre vents.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 26 janvier 2013

Partager cet article
Repost0
25 janvier 2013 5 25 /01 /janvier /2013 22:45

SERIE OR
En feuilletant le Serie Or de Fluide Glacial n°61, "La Compile d'hiver 2012-2013".

 

1.
"Ben d'après toi tu te trimballes quoi dans le tiroir en ce moment ?!" (Gaudelette, "Les Ratés", p.26) : Evidemment, c'est pas très élégant de signaler ainsi l'état d'une femme enceinte. Le lexique vulgaire traite surtout du quotidien, du concret. La vulgarité rapelle ainsi au réel qu'il n'est que ce qu'il est, du bêtement réel. Il est d'ailleurs difficile d'écrire de la philosophie - cette manière de prendre le réel au sérieux, sinon au tragique - en usant d'un registre trop familier. La transcendance y répugne.

 

2.
"dissonantes orgies tribales" (p.41) : Cette périphrase désigne le jazz ; c'est le personnage du dessinateur Blotch, que l'on doit au dessinateur Blutch, qui l'emploie. Blotch est un dessinateur de presse du début du XXème siècle, un réactionnaire imbu de sa personne et de cette consternante mauvaise foi que l'on attribue aisément à ceux qui se sont fait une position dans le monde. Pour lui, le jazz ne peut être qu'une "musique de nègre", rien d'autre.

 

3.
(Julien & Mo/Cdm, "Sale Défaite", p.40) :
"Alors, Roger, qu'est-ce que t'en penses ?"
"- Et toi (là mate la)". (Je me suis toujours demandé ce qu'il y avait de si intéressant à mater, note de l'auteur).

 

4.
"Ou que j'aille, ses yeux me suivent... partout !!" (Tronchet, "Jean-Claude Tergal", p.35) : Y a comme ça des gens qui croient qu'ils ont des yeux qui les suivent partout. Je me demande si parfois, ils se disent pas qu'il faut les, ces yeux, les, pour qu'ils ne puissent plus me voir, plus me voir, plus me voir.

 

5.
Si vous ne pouvez plus vous voir - même en peinture - achetez des lunettes.

 

6.
"Que la force soit avec vous" (cité in Coyote, "Parlez-moi d'humour", p.49): Bel exemple de volontarisme américain.

 

7.
"Mais bien sûr, pour qui tu me prends ?" (Edika, "Le Maffioso", p.17) : Phrase banale qui souligne à quel point les gens ont le souci de rester eux-mêmes.
" - Tu n'a pas inventé l'eau chaude !
- Evidemment, pour qui tu me prends ?"

 

8.
BORK (Edika, "Le Maffioso", p.17) : Onomatopée intéressante car je connais fort peu de choses qui font bork ! Je connais des gens qui beurkhent, des ordinateurs qui buggent (i paraît que le Bug est au départ un démon japonais, ou chinois peut-être, ou alors c'est encore une carabistouille de la radio), mais des choses qui borkent, je vois pas trop ; ça doit être une traduction étrangère.

 

9.
Je me demande s'il lui arrive de borker, le Blotch de Blutch.

 

10.
Guignol : bois dont on fait du singe.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 25 janvier

Partager cet article
Repost0
24 janvier 2013 4 24 /01 /janvier /2013 11:36

DE L'EVIDENCE IMMEDIATE

De quelques bribes de l'essai "Le Mythe de Sisyphe", d'Albert Camus.

 

1.
"m'arranger de l'évidence immédiate" : L'expert, par définition, est celui qui ne s'arrange pas de l'évidence, qui va chercher dans les entrailles du référent ce qui est invisible dans l'énoncé.

 

2.
"où il imaginait un but à sa vie" : Comme quoi, ça relève bien de l'imaginaire, le projet existentiel.

 

3.
"une infinité d'éclats miroitants" : C'est que le réel est fondamentalement brisé, un miroir brisé, où nous nous mirons brisés.

 

4.
"par le consentement qu'il suppose" : C'est le suicide, que Camus oppose à la révolte . On consentirait à sa propre mort par sa propre main. Ou est-ce qu'on ne peut faire autrement. Ne consent-on jamais qu'à ce que nous ne pouvons plus choisir ?

 

5.
C'est il y a bien longtemps que tu as choisi que tu tournerais à gauche plutôt qu'à droite. Simplement, tu ne le savais pas, et, arrivé au carrefour, tu crois choisir.

 

6.
"même contre moi" : c'est dans ce "même contre moi" qu'on se construit, et souvent donc dans le "même".

 

7.
Je crois aux preuves. Les archives apportent des preuves que quelque chose fut, et que les archives actualisent. Nos villes sont fondées sur ce passé qui n'existe pas. L'apprenti boulanger qui travaillait de 22 heures à 9 heures du matin, puis était envoyé aux livraisons, a existé. Les archives attestent de son passage. Faire de l'Histoire, c'est examiner des attestations. C'est le rôle de l'administration d'attester du présent.

 

8.
"Outre qu'il y faut la vocation" : Ah ça, si vous avez pas envie, vaut mieux éviter. Des fois, on finit par ne plus avoir envie de rien. C'est bien embêtant.

 

9.
Est-ce que l'humanité disparue, les lois de la physique resteraient telles quelles ? Je ne sais pas. Je tends à penser que c'est l'oeil qui fait la loi. Ce que nous tenons pour loi universelle n'est peut-être que la lecture partielle d'une réalité infiniment paradoxale. Ce qui n'empêche pas son efficacité.

 

10.
"l'instrument de cette connaissance" : L'autre, un "instrument de cette connaissance". Nous apprenons par les autres que nous sommes singuliers, ce qui parfois renforce nos singularités, et parfois tend à les masquer.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 24 janvier 2013

Partager cet article
Repost0
24 janvier 2013 4 24 /01 /janvier /2013 08:59

J'OUVRIS LA PORTE ET ENTRAI

 

De quelques bribes du roman "Le Meurtre de Roger Ackroyd", d'Agatha Christie, traduit par Miriam Dou-Desportes, Le Livre de Poche Policier n°617.

 

1.
"et en détacha quelque chose" : Nous en détachons des choses, avant que nous-même, la camarde nous détache, tout à fait, de tout.

 

2.
"d'un air un peu froissé" : Le temps, i fait pas qu'à nous pomper l'existence, il nous froisse l'air aussi.

 

3.
"et aussi avec les filles de service" : Ah bon.

 

4.
"ce flux de paroles" : Le réel est à flux et à mots.

 

5.
"Comment va la jeune fille, Docteur ?" : Question qui n'a de sens que ponctuellement, synchroniquement ; sinon, la jeune fille, bien sûr, elle va vieillir, s'user, et puis disparaître là où s'épuise toute chair.

 

6.
"Je croyais que vous le saviez" : Mais puisqu'on vous dit qu'on ne sait jamais, jamais, jamais.

 

7.
"mais la police va s'en occuper" : Est-ce toujours une bonne chose ?

 

8.
"je remontai en courant" : Cette expression toujours me rappelle le pantalon qui tombe et que l'on remonte précitamment. D'ailleurs, il me semble qu'en argot, le pantalon s'appelle "grimpant". Si on fait ça en courant, de s'armonter le grimpant, on finit souvent par chuter. C'est bon pour les viruoses des films comiques d'il y a longtemps qu'ils étaient muets.

 

9.
"rabattu sur ses yeux" : Il est très difficile de rabattre sur les yeux autre chose qu'un chapeau ; c'est un tour de force qu'à ma connaissance aucun rabatteur n'a jamais réussi.

 

10.
"et parut se désintéresser de la question" : Parut seulement, car il ne la perd pas de vue, la question, il la suit du coin de l'oeil, des fois qu'elle tournerait le coin de la conversation pour s'enfuir le long du buffet et passer par la porte pour ne plus revenir.

 

11.
"J'ouvris la porte et entrai" : Tant qu'à faire, autant entrer, si vous avez ouvert la porte, ou alors, c'est que vous êtes saisi par le spectacle (Ciel !), ou que vous vous apercevez que vous vous êtes trompé de porte.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 24 janvier 2013

Partager cet article
Repost0
24 janvier 2013 4 24 /01 /janvier /2013 08:56

ENCORE LES YEUX OUVERTS SOUS CE CIEL

 

De quelques bribes du "Théâtre complet de Sophocle", traduit par Robert Pignarre, Garnier Flammarion n°18.

 

1.
"aux lâches le soin de t'approuver" : Tchak ! ça c'est envoyé ! C'est que la vie demande du courage, je le sais, qu'j'ai peur d'un verre d'eau.

 

2.
"maintenant que la chance te sourit" : Ah ! le sourire de la chance dans un joli visage qui se dissipe soudain, voilé, floué, perdu.

 

3.
"Il m'en coûte" : Nous passons notre temps dans ce il m'en coûte. Exister coûte, et les dieux ne rasent pas gratis.

 

4.
"t'apporter une certitude" : Celle que tu vas crever, eh, pomme!

 

5.
"inventeur de stratagèmes" : En voilà un beau métier, et bien utile.

 

6.
"le coeur tendu par la crainte" : C'est ainsi que ça finit par casser, et voilà qu'vous êtes tout dégringolé.

 

7.
"n'a pas trouvé de vengeur" : Les superhéros sont restés dans les cases bariolées de leurs comics.

 

8.
"il faut se donner du mal pour réussir": C'est tout à fait vrai, ça ; on a beau dire, on n'a rien sans rien ; vivre, c'est se compliquer l'existence, sinon, on n'y arrive pas.

 

9.
"attendez en silence" : Attendre la camarde sans faire de vagues, c'est beaucoup demander, non ?

 

10.
"On a encore crié" : Faudrait peur-être arrêter de pincer votre petite soeur !

 

11.
"encore mes yeux ouverts sous ce ciel" : Vaut mieux, des fois que quelque chose en tomberait, du ciel. Vous me direz, on peut pas toujours se promener le nez en l'air, sinon on se télescope les poteaux, et les autres aussi, qui regardent pas toujours droit devant eux, surtout s'ils pensent qu'ils les ont encore, les yeux ouverts sous ce ciel.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 24 janvier 2013

Partager cet article
Repost0
24 janvier 2013 4 24 /01 /janvier /2013 08:51

AVEC LA VITESSE DE L'ECLAIR

De quelques bribes tirées de Les Chants de Maldoror, de Lautréamont.

 

1.
"avec la vitesse de l'éclair": c'est ainsi qu'on foudroie, ou qu'on se ramasse.

 

2.
"Si vous trouvez un pou dans votre route", c'est que votre chemin est chevelu.

 

3.
"aux suggestions de mon caractère" : cet autre en nous qui, si on n'arrive pas à le discipliner, n'arrête pas de nous mettre des bâtons dans les roues.

 

4.
"Je serai pour toi un frère" : C'est le genre de choses qu'on écrit.

 

5.
"Il a voulu devenir un objet" : étrange chose !

 

6.
"une âme qui me ressemblât" : bon courage, car des âmes qui manient l'imparfait du subjonctif, c'est plutôt rare.

 

7.
"tandis qu'il est resté deux monstres" : Pince-mi et Pince-moi; ou Crabe-mi, ou Crabe-moi ; ou Belle et Zébuth.

 

8.
"les couches les plus lointaines de l'espace" : Les langes des bébés dieux.

 

9.
"savoir si la mortadelle était encore à la même place" : ou si un chien (des enfers rapport à ce qu'on est chez Lautréamont, ou un chien fou échappé d'une ferme lointaine) l'avait bouffée.

 

10.
"les moindres détails du chenil du Créateur" : les os surtout, les os.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 24 janvier 2013

Partager cet article
Repost0
24 janvier 2013 4 24 /01 /janvier /2013 06:04

SUR LES BORDS

 

Fantaisies sur quelques bribes du recueil "Chair et Sang", de C.K. Williams, traduit et présenté par Claire Malroux, Orphée/La Différence n°155.

 

1.
"s'interroger sur ces vers" (Claire Malroux) : C'est tout le problème de l'humain.

 

2.
"we fight for hours" : La querelle qui dure des plombes, un obligé de la relation, je suppose, une complication inhérente à l'état d'existant réflexif et relationnel.

 

3.
"the edges of my heart" : Moi aussi j'en ai, de tout petits lutins, qui se penchent sur le bord de mon coeur et versent des larmes de petits lutins, ou jouent du violon.

 

4.
"We hurt one another" : Du coup qu'on se querelle des plombes, on se heurte, blesse ; c'est drôle quand même comme les consciences peuvent être pointues, ciseaux, lames de fond.

 

5.
"I know that walk !" : Oui, mais des fois, on se goure, et c'est la démarche d'un, d'une autre. Ceci dit, vrai que les gens ont souvent des démarches si particulières qu'on les reconnaît immédiatement, que ça tient du presque rien, du je ne sais quoi, d'une trace de jadis dans le corps.

 

6.
"the ardent arpeggios of the horn" : Faut faire attention à pas se brûler quand on manipule les "ardents arpèges du cor". Je me demande si dans les dossiers mystérieux, dont on fait commerce à la téloche, y a eu des cas de combustion spontanée chez certains musiciens d'orchestre.

 

7.
"est un être de révolte" (Claire Malroux) : Ce qui n'est pas pratique dans la vie quotidienne, les gens qui se révoltent ; en fait, en général, ils sont bien embêtants, les révoltés, sauf s'ils sont très organisés, mais un être de révolte bordelique, c'est la plaie des résistances.

 

8.
"époque trouble et turbulente" (Claire Malroux): C'est l'actuel ; c'est la règle je crois, les époques troubles et turbulentes, le tissu social couvre ça plus ou moins efficacement, mais ça remue, on le voit bien.

 

9.
"So quickly, and so slowly" : Exactement l'impression qu'on a quand on passe son temps à courir après son temps, et qu'il vous échappe, vous laissant tout un tas d'affaires sur les bras que vous savez plus comment vous en débrouiller.

 

10.
"We didn't know" : De toute façon, on ne sait jamais.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 24 janvier 2013

Partager cet article
Repost0

Recherche