UN BIENTÔT PRESENT
Baudelaire note dans ses Fusées que : « Le prêtre est immense, parce qu’il fait croire à une foule de choses étonnantes. » Le politique lui aussi fait « croire à une foule de choses étonnantes. » La récurrente remise en cause des institutions semble ainsi faire écho à l’anticléricalisme virulent qui occupa une part importante du XXème siècle. Le retour du bâton, ou de la crosse, a pris la figure des intégristes, des créationnistes, des partisans du retour à l’ordre moral. On peut aussi se demander comment se manifestera le retour de l’Etat ? Peut-être dans le fichage généralisé de la population, un contrôle de plus en plus étroit, au nom du bien public, des destins particuliers.
La modernité est un devenir. Le présent des contemplations, cet éternel retour des sidérations, appartient au passé. Le présent n’existe donc pas, sauf pour les addicts aux béatitudes, les zélateurs de l’aliénation au temps et à l’espace.
Qui cherche à s’identifier totalement à son espace et à son temps aliène son devenir à des contingences qui sont déjà aussi grotesques qu’une mode du passé.
« Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d’effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible »
(Baudelaire, L’Horloge, vers 3-4)
La personnification ici induit « l’effroi ». Le monde en est hanté, de ces figures personnifiées ; et le générateur des spectres, c’est l’humain. Ainsi, le réel est tissé d’êtres immatériels, de figures de style – ici l’être douloureux – qui expriment cet « effroi » au « cœur » de l’humain, cette permanence de la nuit, que nous avons la politesse, - politesse parfois un peu sotte -, d’occuper de divertissements lumineux jusqu’au vertige.
Du reste, le futur est un bientôt présent. Ce qui nous effraie, ce n’est pas tant l’horreur des espaces infinis que l’épouvante de la durée finie. Le temps, c’est de l’espace fermé.
Nous agitons les fantoches des personnifications. Hou ! Hou ! Le fantôme !... Le fantôme !... Hanté, tout ça du réel, spectral, fantomal, fatal comme l’aiguille à son heure, hanté de masques… Ah Maîtres du Ballet des Ombres que nous sommes… Dans la Haute couture des invisibles, la douleur, qui n’est pas pure mécanique, mais une mise en crise de la conscience. C’est ça, qui nous le flanque, le fatal sentiment des scoumounes maudites, les froids du cœur qui vous la glacent dans les veines, l’herbe rouge du cœur… c’est que nous sommes pleins d’une nuit aussi, et déjà venue.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 30 octobre 2009