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6 octobre 2016 4 06 /10 /octobre /2016 10:05

QU'ON S'PROMENE PARTOUT AVEC SON REEL A SOI

Notes isolationnistes sur le poème « Le jardin mouillé » de Henri de Régnier.

HENRI DE REGNIER : LE JARDIN MOUILLÉ

« La croisée est ouverte ; il pleut

Comme minutieusement,

A petit bruit et peu à peu,

Sur le jardin frais et dormant.

Feuille à feuille, la pluie éveille

L'arbre poudreux qu'elle verdit ;

Au mur, on dirait que la treille

S'étire d'un geste engourdi.

L'herbe frémit, le gravier tiède

Crépite et l'on croirait là-bas

Entendre sur le sable et l'herbe

Comme d'imperceptibles pas.

Le jardin chuchote et tressaille,

Furtif et confidentiel ;

L'averse semble maille à maille

Tisser la terre avec le ciel.

Il pleut, et les yeux clos, j'écoute,

De toute sa pluie à la fois, 

Le jardin mouillé qui s'égoutte

Dans l'ombre que j'ai faite en moi. »

(Henri de Régnier, « Les Médailles d'argile »)

1.

« La croisée est ouverte ; il pleut

Comme minutieusement,

A petit bruit et peu à peu,

Sur le jardin frais et dormant. »

(Henri de Régnier)

« La croisée » c'est pas une fille qui part avec une croix pour chaipaoù, c'est la fenêtre qu'on peut voir dedans ce qu'il y a dehors.

Quand la croisée est ouverte il peut faire froid et le vent peut venir tout bousculer avec ses mains de vent qui paume et brise.

Quand « il pleut comme minutieusement » ça veut dire qu'il y a une petite pluie qui tombe aussi minutieuse qu'une aiguille de couturière.

La pluie quand elle tombe « comme minutieusement », elle fait pas beaucoup de bruit qu'elle est à pas de loup pis « peu à peu ».

D'ailleurs elle fait tellement pas de bruit qu'elle réveille même pas le « jardin frais » comme une rose « et dormant ».

Si la pluie le réveillait en chutant d'eau bruyante le jardin s'réveillerait et râlerait bien la traiterait de catin au moins la pluie.

Non la pluie elle est délicate et Régnier écrit qu'elle « éveille » l'arbre « feuille à feuille » lui susurre doucement qu'il est l'heure.

2.

« Feuille à feuille, la pluie éveille

L'arbre poudreux qu'elle verdit »

(Henri de Régnier)

Ecoutez moi cette musique du yod d'la feuille éveillée qui pleut et va frapper le tronc de « l'arbre poudreux ».

Quand je dis qu'il est l'heure évidemment c'est pas le même temps que pour nous c'est le temps des arbres qu'on dirait d'la durée.

L'arbre il est poudreux ça veut pas dire qu'il porte la perruque à nos aïeux ou qu'il sniffe de la coke non ça veut dire aut'chose.

L'arbre il est poudreux comme si ses branches avaient moulu chaipas et qu'il s'rait plein de la farine de l'air.

Tout cas la minutieuse le « verdit » l'arbre que si ça se trouve il va courir la gueuse à feuilles dans la campagne à clé des champs.

3.

« Au mur, on dirait que la treille

S'étire d'un geste engourdi. »

(Henri de Régnier)

Après y a des treilles qu'on dirait de belles endormies qui s'étirent car elles sont plus endormies qu'elles se réveillent à la prélasse.

4.

« L'herbe frémit, le gravier tiède

Crépite et l'on croirait là-bas

Entendre sur le sable et l'herbe

Comme d'imperceptibles pas. »

(H. de Régnier)

Des fois on dit que « l'herbe frémit » que pourtant elle regarde pas des films d'épouvante quoique d'l'épouvante y en a plein l'herbe qu'c'est plein d'cadavres d'animaux mais je crois pas que c'est ça qui la fasse frémir.

Y a même du « gravier tiède » qui « crépite » que la pluie elle imite le bruit de l'être sur le gravier qui vient hanter les alentours.

L'être c'est essentiellement de la hantise on fait comme si mais on le sait bien qu'nos caboches sont de vraies fabriques de spectres.

Du reste, n'est-il pas que rien ne sert jamais vraiment et que tout est nécessairement vain et plus ou moins réel ? dit-il en mangeant du camembert.

L'être hante les alentours com s'il est ché lui mes il l'est pas (il exagere) nous on finit tout hanté filosofe énerfé qon boit trop d'café.

Nos caboches elles machinent du spectre d'la musique d'os du clavier à cadavres et derrière la rose l'inquiétude d'un sourire.

Des fois dans sa caboche on s'fait d'la cocasse polyphonie où s'glissent les fragments de fanfares lointaines qu'on dirait du passé.

5.

« Le jardin chuchote et tressaille,

Furtif et confidentiel »

(Henri de Régnier)

Des fois comme dit le poète « le jardin chuchote » comme s'il y avait quelqu'un et pourtant il y a que moi même qu'ça « tressaille ».

Le jardin le poète i dit qu'il est « furtif et confidentiel » comme un espion, l'espion des roses et des ronces.

6.

« L'averse semble maille à maille

Tisser la terre avec le ciel. »

(Henri de Régnier)

L'averse c't'une tisseuse elle vous coud si bien la terre et le ciel qu'vous y voyez goutte.

L'image de la tisseuse elle a été préparée par l'adverbe « minutieusement » que ce qu'il écoute Régnier c'est la métaphore qu'il file.

Que ce que Régnier écoute qu'il en a « les yeux clos », genre son réel à lui, c'est la métaphore qui file comme la pluie.

Qu'on s'promène partout avec son réel à soi pour voir s'il correspond au réel qu'ils font les autres.

Des fois qu'on reste tout seul qu'on s'écoute les yeux clos se mouiller le jardin genre qu'on s'bricole quelque isolationnisme ontologique.

7.

« Il pleut, et les yeux clos, j'écoute,

De toute sa pluie à la fois »

(Henri de Régnier)

Des fois quand on écoute les yeux clos on s'endort que vaut mieux avoir les yeux ouverts des fois qu'il y en aurait un qui profiterait pour.

J'aime bien l'expression « de toute sa pluie à la fois » que parfois je me souviens qu'elle pleurait bouh ouh ouh de toute elle à la fois.

Parfois quand on est méchant c'est comme si un voleur s'était introduit et avait allumé la lumière dans not' citrouille.

8.

« Le jardin mouillé qui s'égoutte

Dans l'ombre que j'ai faite en moi. »

(Henri de Régnier)

Des fois il y a l'ombre qu'on se fait en soi elle nous fait des ombres chinoises là, dedans, qu'on comprend pas parce que c'est du chinois.

Que son réel à soi, ça peut finir par nous faire une ombre là, dedans, façon tache d'on n'sait quoi qui s'allonge s'allonge et nous envahit.

Patrice Houzeau

Hondeghem, le 6 octobre 2016.

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13 octobre 2013 7 13 /10 /octobre /2013 10:04

LA DEMOISELLE DU CARREFOUR ET AUTRES
Notes en parcourant le Lancelot,de Chrétien de Troyes, édition de Jean-Claude Aubailly, GF-Flammarion n°556.

 

1.
Dans le Lancelot de Chrétien de Troyes, le roi, "vis li est qu'il doie voler, / tent le fet sa joie legier." Il vole, l'oiseau à couronne, il est tout ailé zélé, il vole vers son cher ami.

 

2.
Le vers 2421 : "Molt a a feire et molt a fait" a un bel air de résumé de la condition de bien de nous autres. On en a déjà beaucoup fait, hein, et bien, il en reste beaucoup à faire. Eh oui...

 

3.
Dans le Lancelot de Chrétien de Troyes, on dit "grant oiseuse" quand on carabistouille, et on débat "de neant" car on jacte pour ne rien dire.

 

4.
Il y a aussi une "pucele l'anbleüre" qui vient "sor une fauve mure". C'est qu'elle arrive sur d'la mule fauve et allant l'amble.

 

5.
Quand quelqu'un  "deus jorz, que ne manja ne but, / tant qu'an cuida qu'ele fust morte", c'est qu'elle s'a prostré, sans boire ni manger, que du coup on croit qu'elle a défunté.

 

6.
Des fois, le chevalier, il passe la porte et "si voit les espees venir" comme s'il les attirait, dis, le chevalier, les épées.

 

7.
Des fois, il y en a un qui dit :
"Je sui qui veul passer au Pont."
Alors on lui répond :
"Tu ? Tu ! Comant l'osas panser"
Passer le Pont, çui avec une majuscule, y en a, j'vous jure, i manquent pas d'air.
Du coup, je pense à la chanson "The Bridge Over Troubled Water", qui n'a rien à voir mais que j'aime bien.

 

8.
Un "destrier crenu", c'est un "cheval à longue crinière", un chevelu dada. J'imagine quelque pucelle à longue chevelure montant un destrier à longue crinière et passant entre les arbres à longues feuilles, sur un long chemin et dans un long récit que je ne lirai pas, car je n'aime pas lire les longs récits, cependant que j'aime bien imaginer quelque pucelle à longue chevelure montant un cheval à crinière longue.

 

9.
Je me demande si c'est vrai ce que l'on me conta jadis en cours, qu'il y eut un roi pour clamer, "Le Rwai, c'est mwai", ce qui fit rire tous ceux qui l'entendirent, car alors déjà l'on disait roi, et non point rwai, moi, et non point mwai.

 

10.
Dans le Lancelot de Chrétien de Troyes, on peut avoir "en un quarrefor / une dameisele trovee". C'est curieux de trouver, chemin ferré faisant, après avoir "tant par la forest erré", de trouver "une demoiselle à un carrefour", qui semble là pour "et la terre vos" nomer, "et le chevalier qui l'en mainne." Le carrefour, c'est un noeud dans le temps, et en choisissant son chemin, on le dénoue. Que le carrefour ait ici un porte-voix, et que ce porte-voix soit une demoiselle, indique assez que ce n'est pas le réel lui-même qui enseigne, mais ce que l'on comprend de ce réel.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 13 octobre 2013

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13 octobre 2013 7 13 /10 /octobre /2013 07:54

OBSERVATION DU PUZZLE AVANT QUE LE MEURTRE SOIT COMMIS

 

"Ah ! c'était toujours un spectacle de le voir regarder les choses autour de lui."
(Gaston Leroux, Le Parfum de la Dame en noir, Le Livre de Poche policier n°587, p.213)

 

1.
Rouletabille fume la bouffarde.

 

2.
Rouletabille se demande où est le cadavre.

 

3.
Dans Le Parfum de la Dame en noir, on reconnaît cette voix, car on avait entendu cette voix-là. L'absence de l'adverbe déjà donne quelque intelligence au verbe entendre.

 

4.
Rouletabille est quelqu'un à qui rien n'échappait. Comme Hercule Poirot, comme Sherlock Holmes, c'est un collectionneur de détails.

 

5.
Le détective divise le réel en pièces d'un puzzle que le romancier assemble tant bien que mal. Il m'arrive de me demander si Agatha Christie et Conan Doyle cherchent à résoudre les même énigmes que leurs personnages.
D'autant plus que les faits et gestes de ces consciences consciencieuses sont rapportés par des intermédiaires bien moins lucides. Ils sont bien gentils, le capitaine Hastings et le docteur Watson, mais enfin, ils n'ont inventé l'eau chaude.

 

6.
Dans Le Parfum de la Dame en noir, une femme passe avec son parfum comme on passe avec son ombre.

 

7.
Il y a aussi quelqu'un qui ne se décide pas à revenir de chez les Patagons. Comment peut-on ne pas se décider à revenir de chez les Patagons ? Comment même s'être un jour décidé à partir chez les Patagons ? Il a dû y être obligé.

 

8.
Dans Le Parfum de la Dame en noir, Mrs Edith s'écrie, "en éclatant de rire :
"La Dame en noir ! Elle vous a donc tous ensorcelés!..." Ce qui est vraisemblable, puisque des dizaines d'années plus tard, nous nous fascinons encore pour cette étrange aventure. Enfin, certains d'entre nous. Ceux qu'elle a ensorcelés. Quant aux autres, il y a pour eux bien d'autres envoûtements.

 

9.
Dans Le Parfum de la Dame en noir, comme dans Le Mystère de la Chambre jaune, il y a des problèmes de "clef" et "d'appartement". Y être ou ne pas y être, telle est vraiment la question.

 

10.
C'est "dans le soleil de midi" que "Larsan avait tué", et non pas dans "l'horreur d'une profonde nuit." Ainsi le crime est clair.

 

11.
Mrs Edith, des fois, "à son mari", elle vient de "trouver une figure blafarde". Ce qui semble l'amuser follement. Cette femme-là, elle doit se passionner pour les histoires de revenants.

 

12.
Dans Le Parfum de la Dame en noir, on n'insulte pas le destin, on "insulte au destin".

 

13.
Rouletabille, son "poste d'observation", il "ne l'avait point quitté". Rouletabille est d'ailleurs lui-même un poste d'observation.

 

14.
Dans Le Parfum de la Dame en noir, il y a une "plainte sourde, lointaine comme la vie qui s'en va, proche comme la mort qui vient". C'est dans cet entre-deux que se situe la littérature. Elle regarde la vie s'éloigner (c'est comme ça, le temps passe, nous sommes bien peu de choses...) et constate que la mort se radine, des fois plus vite que prévu.
J'en profite pour noter que Cioran m'a tout l'air de quelqu'un qui regrette et la médiocrité qu'il y a à vivre et le scandale qu'il y a à mourir.

 

15.
Rouletabille a de la "lenteur" dans ses "prolégomènes".

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 13 octobre 2013

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5 juin 2013 3 05 /06 /juin /2013 07:53

EN ATTENDANT QUE MOUSSE LES BOUFFE
En parcourant le recueil "Car l'adieu, c'est la nuit", Emily Dickinson traduit par Claire Malroux, Poésie/Gallimard n°435, édition bilingue. Les citations ici faites sont entre guillemets ou en italiques.

 

1.
"This Consciousness that is aware
Of Neighbors and the Sun"

 

Conscience, reluque le relatif des voisins, des circonstances, et se tient face aux signes de ce qui persiste, soleil, espèce d'absolu.

 

2.
"Death sets a Thing significant
The Eye had hurried by"

 

Ce qui, traduit par Claire Malroux, donne :

 

"La Mort donne un sens à l'Objet
Sur quoi l'Oeil eût glissé"

 

L'objet, un oracle qui s'ignore. De ces oracles, le réel en est bourré à craquer. La dramaturgie historique leur compose des répliques... grain à moudre... l'aboli présent, le passé, a assassiné le témoin gênant.

 

3.
"I dwell in Possibility"

 

Habiter le possible... qui ne devient pas d'autre possible...

 

"- Et l'inspecteur ?
- Ah l'inspecteur... eh bien, il inspecte."
(Bout de dialogue entendu dans le film Le Château des quatre obèses, de Yvan Noé, France, 1939).

 

4.
"The Nerves sit ceremonious, like Tombs"

 

Jamais lu ça auparavant, ce rapprochement des "nerfs" et des "tombes"... Nerfs compassés... des nerfs pleins de cérémonies, de rituels, de sourd réel.

 

5.
Le maître est celui qui devient sa maîtrise, tous les possibles de sa maîtrise.

 

6.
"Some rumor of Delirium"

 

La rumeur des délires... Au loin, les éclats, les rires, les ivresses... les soubresauts des corps... dans une peinture berlinoise des années 30, juste avant que l'araignée à croix gammée leur tombe dans la tête.

 

7.
Il y a un joli poème d'Emily Dickinson où la narratrice imagine qu'elle est morte pour la Beauté... "I died for beauty" qu'elle dit. Aussitôt flanquée dans ce que le poème appelle une "Chambre" (a Room), voilà qu'elle se met à discuter avec un défunté tout frais arrivé lui aussi dans sa pour l'éternité sa Chambre, que cézig est mort pour la Vérité :

 

"He questioned softly "Why I failed" ?
"For Beauty", I replied -
"And I - for Truth -"

 

Ce parlant cadavre fait aussi remarquer que Beauté et Vérité ne faisant qu'Un, ils sont donc alors frères nous sommes... We Bretheren are", He said -".

Et voilà ces deux âmes ad aeternam causant, échangeant des souvenirs d'outre-tombe en attendant que mousse les bouffe, eux, leurs lèvres et la pierre de leurs noms :

 

"We talked between the Rooms -
Until the Moss had reached our lips -
And covered up - Our names -"

 

8.
"Had I not seen the Sun
I could have borne the shade"

 

Qui ne connaît le soleil, supporte l'ombre... qui n'a jamais vu le soleil aime l'ombre... et puis qui a vu le soleil, parfois, il préfère l'ombre, surtout si c'est la sienne et qu'elle s'amuse bien, à remuer sur les murs.

 

9.
"He fumbles at your Soul
As Players at the Keys -"

 

Tout tripotés qu'on est, triturés, tatonnés, titillés, turlupinés... nos âmes, pianos à virevoltes pour les longs, les si longs doigts d'on ne sait qui exemple !

 

10.
C'est entre le qui et le quoi que se tient la différence entre le croyant et le sceptique.

 

11.
"I know that He exists."

 

Savoir qu'il existe, c'est avoir foi en sa foi... Ceci dit, une foule de peut-être peut s'y glisser dans ce He.

 

Notes :
Cf édition Poésie/Gallimard n°435.
"This Consciousness that is aware / Of Neighbors and the Sun" (p.220) ; "Death sets a Thing significant / The Eye had hurried by" (p.185) ; "I dwell in Possibility" (p.142) ; "The Nerves sit ceremonious, like Tombs" (p.114) ; "Some rumor of Delirium" (p.108) ; "I died for beauty" et toutes les autres citations du bref n°7 (p.138) ; "Had I not seen the Sun / I could have borne the shade" (p.296) ; "He fumbles at your Soul / As Players at the Keys" (p.144) ; "I know that He exists." (p.112).

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 5 juin 2013

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12 mai 2013 7 12 /05 /mai /2013 20:58

SON ÂME SE PENCHAIT
Notes sur Dernière évasion de Tatave Wacheux, de Nicolas Wallart, éditions Henry, 2011.

 

1.
"La silhouette d'un chien efflanqué poursuivait celle d'un cavalier faisant corps avec sa monture."
(Nicolas Wallart, Dernière évasion de Tatave Wacheux, p.45)

 

Donc, un ouah-ouah maigre filochait un quidam à dada.

 

2.
Page 42, y a du style indirect libre ("Il pouvait se vanter d'être libre !"), ce qui doit avoir affaire avec le titre ("Dernière évasion"). L'auteur précise que nul ne pouvait le voir, son personnage, rapport à ce que, portant une "cognée à l'épaule" et qu'il "n'y avait même personne pour apercevoir" ladite cognée. L'auteur précise aussi qu'il "traversait comme dans un rêve un quartier ancien, par certains côtés à l'abandon." Voilà qui fait songer. Le "quartier ancien", c'est la persistance du passé, son entêtement à perdurer dans un présent qui galope. Dans le syntagme "par certains côtés à l'abandon", je relève la géométrie un peu délabrée du coin. Le côté étrange, c'est que le personnage traverse cela "comme dans un rêve". On comprend après qu'à ce moment là, "sa place était sûrement dans un lit". C'est donc nocturne. Peut-être est-il somnambule ? Peut-être rêve-t-il qu'il traverse comme dans un rêve un quartier ancien ? D'où peut-être le "par certains côtés à l'abandon" comme si son rêve éludait une partie du décor. Peut-être donc dort-il, rêve-t-il cette "cognée à l'épaule" ? Ailleurs, dans le je ne sais où de celui qui ne sait pas.
- "Mais enfin, Houzeau, c'est pas ça du tout ; vous avez pas lu le roman ?
- Non."

 

3.
"afin que le destin entrât directement sans frapper."
(p.64)
Le destin frappe. C'est le verbe qui le caractérise le mieux. Sinon, il favorise. Ici, c'est le deus ex machina des fictions qui le favorise, le destin, en laissant la croisée grande ouverte, par où il viendrait "le souffle glacé du Seigneur de la Mort". Mélancolique, c't'affaire.

 

4.
En préambule au roman, deux citations : la première nous rappelle que l'humain est un grand amateur de férocités (du reste, la société est bien faite, certains en font leur métier) et l'autre est courte mais exemplaire dans le genre emphatique :
 

"Tout un continent littéraire s'est abîmé dans l'océan des âges." (Maurice Lever, Le Roman français au XVIIème siècle, P.U.F, 1981).
 

"l'océan des âges" : fichtre ! zimaginez les raz-de-marée, le temps déferlant en vagues énormes, nous flanquant Napoléon, son dada et son fidèle Mamelouk dans une foire à la saucisse, ou une étape du Tour de France, ou encore un parking de supermarché ; zimaginez la cour à Louis XIV transtimée (de l'anglais "time") lors d'une séance de questions à l'Assemblée Nationale, ou, tiens, dans l'une de nos cités, où il s'en passe des choses disent les uns, mais non pas tant que ça disent les autres, cependant que tout le monde s'accorde pour éviter d'avoir à y mettre les pieds. Pour ce qui est du "continent littéraire", je ne doute pas un instant qu'il doit y avoir une masse pas possible de chefs d'oeuvre oubliés, eh oui, c'est comme ça, que voulez-vous, on est bien peu de choses, allez...

 

5.
"Tout un continent littéraire s'est abîmé dans l'océan des âges" : Sans doute la littérature de l'Atlantide.

 

6.
"Des caveaux monumentaux prolongent la vie d'humains..."
(p.26)
Gothique. Des fois, les prolongés, ils doivent se sortir les os et se promener dans le patelin. Ils font ça la nuit, bien sûr, quand la lune est à son plus mince sourire, ou alors quand elle est pleine comme un oeuf de serpent. Ce qui fait assez régulièrement des soudain devenus fous et des delirium tremens gratinés.

 

7.
A un moment, Tatave Wacheux écrit à sa soeur Lyse, pour la convaincre de ne point renoncer à ses voeux (elle veut se faire nonnette, si j'ai bien compris). Il évoque quelque "château de cartes intérieur". Une note nous apprend qu'il s'agit d'une "allusion faite au Château intérieur de Thérèse d'Avila." En dehors du fait qu'à l'intérieur de nous autres tous, c'est surtout très organique, l'expression "château de cartes intérieur" me plaît, qui rappelle combien parfois nos résolutions sont aussi solides que baratte de beurre en plein soleil.

 

8.
"en soulignant bien la réalité de leur passage sur Terre."
(p.28)
C'est aussi à ça qu'elles servent les épitaphes... Kilroy was here... si on doutait que ces morts fussent ces vivants.

 

9.
Si j'ai bien compris, pour signifier la mort qui vient, Nicolas Wallart, page 65, imagine que l'âme de son personnage s'installe au bord de ses lèvres et, "comme sur un rocher, ou encore l'arête d'une poutre", se penche. Si elle saute, c'est donc dans un gouffre, le néant, la dissolution dans l'air. Le propos est original. C'est pour ce genre de paragraphe que je ne regrette pas d'avoir acheté Dernière évasion de Tatave Wacheux, de Nicolas Wallart, Editions Henry, Montreuil-sur-Mer, 2011, avec une belle illustration de couverture signée Isabelle Clément.

10.
"- Donc, ce roman, Houzeau, vous ne l'avez pas lu ?
- Non.
- Pourquoi achetez-vous tous ces livres, alors ?
- Pour pouvoir en dire des bêtises."

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 12 mai 2013

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11 mai 2013 6 11 /05 /mai /2013 15:48

VERS UNE POESIE LISIBLE

 

Entendu dire récemment par un éditeur songeur, que certains souhaitaient que les poètes, désormais, composassent de la poésie plus accessible, moins expérimentale, moins hermétique, et qu'en conséquence, les éditeurs de poésie (gens admirables) ne publiassent que du lyrique contenu par une juste pudeur (on écrit des sottises sentimentales, mais avec sobriété, on a sa dignité), avec dedans de l'humain, du paysage (avec vaches et arbres centenaires, témoins des travaux et des jours de nos anciens, dont traîne, au détour d'un vers, quelque chapeau déformé par les cruelles mains du temps, lequel passe, lasse, casse, agace car certes, vous fûtes chipie à couettes, mais vous voilà femme maintenant, et fichtre boudjî nom d'une pipe quel morceau ! - excusez-moi, je m'égare) donc de la poésie avec terroir, de l'urbain humaniste, du citoyen, de la poésie normale quoi, de celle qu'on pourra faire apprendre à des tas de mômes sans craindre la malice hermétique, laquelle, des fois, sous ses airs de Cassandre parle, vous flanque de ces jeux de mots d'un genre à l'manach Vermot que l'on s'en aperçoit toujours trop tard (ah quels comiques, ces hermétiques !). Ils espèrent, ces amis de la poésie pour tous, que le public viendra plus facilement à une littérature plus simple, plus lisible, plus décorative.
Je ne doute pas qu'en effet, si Picasso, au lieu de peindre des grands yeux tout décalés dans des visages qu'on dirait des masques mortuaires, de ces visages de terre cuite qu'on mettait dans les tombes, ou même qu'on dirait les divinités d'un monde parallèle, si Picasso, dis-je, avait peint de paisibles vaches observant d'un oeil plus aigu qu'on ne le croit (d'ailleurs, on dirait qu'elles vont parler) le promeneur solitaire et plein de profondes pensées, arpentant la terre de nos ancêtres (ceux qui se lançaient des noix de coco en poussant des cris aigus), et cheminant dans le chemin comme s'il avait quelque chose à y faire, cependant qu'au loin et le respect de la perspective, un ancien, le chapeau déformé par les mains cruelles du temps (qu'on ne voit pas, mais qu'on devine ; d'ailleurs, on dirait qu'elles vont parler), croque une pomme rouge de chez nous, ridée comme une vieille, parce que, s'il poursuivait une fille de ferme, ce serait répréhensible, et s'il buvait au goulot un litre de blanc, ce serait pas un exemple pour les enfants des écoles, voyons, gageons donc que si Picasso, au lieu de peindre Guernica - quelle horreur, tous ces corps torturés comme si on les massacrait ! - avait peint quelque scène d'un jour de foire agricole de nos provinces, avec les yeux en face de leurs trous, aux vaches, et chapeaux déformés par les mains cruelles du temps, il aurait été beaucoup plus lisible, plus exemplaire, plus moral, et même, osons le dire, plus normal.
Donc, sus à Char, haro sur le Michaux, boutons Breton, ardons Artaud, gardons un peu d'Eluard (des fois, on comprend ce qu'il dit), un peu plus d'Aragon (le parolier de Jean Ferrat), les chansons de Prévert, celles de Guy Béart (là, c'est épatant, on comprend tout) et écrivons des poèmes lisibles, des poèmes d'amour, d'amitié et du temps qui passe, des poèmes barbeliviens. Et c'est sûr, ça plaira tellement, qu'on va s'en mettre plein les fouilles, tellement qu'on en vendra, du lisible.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 11 mai 2013

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19 février 2013 2 19 /02 /février /2013 03:55

MAIS QUE FAIT CETTE JEUNE FILLE UNE HACHE A LA MAIN ?

 

En feuilletant "Seul dans la splendeur", poèmes de John Keats, traduits par Robert Davreu, Points n°P2099, édition bilingue, pp.106-121. Les citations figurent entre guillemets.

 

"This living hand, now warm and capable
(...)
I hold it towards you."
(John Keats)

 

"Cette main vivante, à présent chaude et capable
(...)
Vers toi, vers toi je la tends."
(traduction : Robert Davreu)

 

1.
"Make not your rosary of yew-berries,
Nor let the beetle, nor the death-moth be
Your mournful Psyche, nor the downy owl
A partner in your sorrow's mysteries"

 

Voilà du gothique à vous ravir l'âme et que le diable l'emporte. C'est que si l'humain se cherche dans la nature, il finit par se trouver, et même par se trouver dans la gueule du loup, dans les "baies de l'if", dans le "scarabée", dans la "phalène à tête de mort", dans le "hibou duveteux", voilà sa Psyché à mystères et à chagrins.

 

2.
"She dwells with Beauty - Beauty that must die"

 

C'est dans le fait que toute beauté est promise à la mort que s'enracine la mélancolie. Vaut mieux pas trop s'attacher à la beauté. Vaut mieux vivre dans une aimable médiocrité. La beauté coûte trop cher. La beauté coûte un bras. Coûte la peau. Coûte le goût.

 

3.
En écoutant Sheep de Pink Floyd (sur l'album Animals, 1977), je me dis que le cynique est peut-être bien celui qui a avalé son rire et qui le restitue.

 

4.
"Until they think warm days will never cease"

 

Et pourtant elle finissent par cesser, les chaudes journées, les fleurs et les filles, et puis vient l'hiver avec sa tête de je vous l'avais bien dit.

 

5.
"Think not of them, thou hast thy music too -"

 

Chacun trimballe son propre violon, sa propre guitare et en joue plus ou moins bien, plus ou moins juste, mais enfin, il la joue, sa musique ; et il ne sert à rien de regretter les musiciens de l'âge d'or, les "chansons du Printemps". Le tout, c'est qu'on vous reconnaisse au son, même si vous grincez, tant pis, qu'on vous reconnaisse au son.

 

6.
"The day is gone, and all its sweets are gone !
Sweet voice, sweet lips, soft hand, and softer breast,
Warm breath, light whisper, tender semi-tone,
Bright eyes, accomplished shape, and languorous waist !"

 

Eh oui, elle est partie. Et toi, mon vieux John, tu as 23 ans et tu vas pas faire de vieux os. La cracheuse va t'arracher les poumons et le reste avec. Le monde-dragon, tu l'as dans la gorge, et il te bouffe de l'intérieur, cependant qu'elles fichent le camp, les douces mains, les haleines chaudes et les tailles langoureuses.

 

7.
"I cry your mercy, pity, love - ay, love !
Merciful love that tantalizes not"

 

T'as qu'à croire. Si tu penses que c'est en composant des odes et en roulant des yeux de poète à vision que tu vas arriver à la séduire, qu'est-ce que tu te goures, petit, qu'est-ce que tu te goures.

 

8.
"This living hand, now warm and capable
(...)
I hold it towards you."

 

Mais que fait cette jeune fille avec une hache à la main ?

 

9.
"And so live ever - or else swoon to death."

 

"Vivre ainsi toujours"... tu te mets le doigt dans l'oeil, ami poète... donc, reste plus qu'à t'évanouir dans la mort, comme une étoile qu'un trou noir finit toujours par rattraper.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 19 février 2013

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19 février 2013 2 19 /02 /février /2013 01:39

Y A POURTANT PAS D'QUOI RIRE

 

En feuilletant "Seul dans la splendeur", poèmes de John Keats, traduits par Robert Davreu, Points n°P2099, édition bilingue, pp.90-105. Les citations figurent entre guillemets.

 

"You cannot eat your cake and have it too"
(proverbe cité par John Keats, cf le poème "On Fame (II)")

 

"On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre."
(Equivalence proposée par Robert Davreu)

 

1.
"Why did I laugh ? I know this being's lease"

 

C'est risible en effet ; on vit comme si on n'allait pas de sitôt partir, et crack ! Idem pour un tas de soucis qu'on se flanque sur le paletot, car l'humain est oublieux de lui-même au point de se préoccuper de l'illusion de son bonheur.

 

2.
"The dragon-world of all its hundred eyes"

 

Bin voilà l'explication du mystère de la nuit à mille yeux, c'est le dragon-monde qui a fait des petits...

 

3.
"Misers of sound and syllable, no less
Than Midas of his coinage, let us be
Jealous of dead leaves..."

 

C'est bien comme cela que je l'entends moi aussi, la poésie, qu'on s'en met plein les oreilles de dans l'dedans de "sons" et de "syllabes", rythmes, rimes, un trésor à énigmes, qui ont pour modèle le bruissement des feuilles mortes dans une forêt où passe quelque cavalier solitaire.

 

4.
"I wandered in a forest thoughtlessly"

 

Et, évidemment, c'est quand on ne pense à rien, que le réel se rappelle à nous. Du reste, je ne sais pas si on peut longtemps ne penser à rien, et même si on peut ne penser à rien tout court. En admettant que l'on y arrive, c'est qu'on est mort, non ? Que le réel nous a vidé. Qu'on est tombé de cheval.

 

5.
"O pale-mouthed prophet dreaming"

 

Te voilà, spectre ! Attends, je m'en vais te faire goûter de mon épée ! Ah fichtre ! Le diable s'évapore et hélas, mes coups ne frappent que le vide !

 

6.
"That shadowy thought can win"

 

Je l'ai frangine de l'ombre aussi, la songeuse. C'est pour ça qu'ils se fréquentent, les autres, pour éviter que l'ombre continue à leur grignoter la cervelle. Mais faut se méfier, y en a des ils vont partout avec leur ombre de dedans, ils boivent un coup avec vous, sont serviables, même qu'ils étaient présents à votre mariage, bons voisins, bons collègues, rien à dire, sauf que, un jour, on le trouve, le poignard.

 

7.
"Who thinks they scandal her who talk about her"

 

Qui évoque convoque. N'allez pas vous plaindre après de la foudre.

 

8.
"The undisturbed lake has crystal space"

 

Exactement le genre de vers qui m'évoque les pochettes de disque pop/rock des années 70. Genre psychédélique la galette, un poil planante, avec du lac et de la brume qu'on s'étonnerait point, ma foi, d'en voir surgir un château de cristal, dis donc. Je me demande s'il y eut des groupes anglais à guitare électrique et claviers à la vache l'horizon pour mettre en musique du John Keats. Je l'entends déjà bricolé écho électronique le mot "space", "space", "space" façon "Animals" de Pink Floyd.

 

9.
A la télé, je regarde des clips de pop/rock. C'est très calibré, maintenant le pop/rock, très porté sur la mélodie, très chiant, qu'on se demande où elles sont, les ruptures de rythme, les surréalisteries, les effets sonores, les solos furieux, c'est lourd et ça cause d'amour, les chansons pop/rock de maintenant : ça n'a jamais été aussi consensuel, le pop/rock je crois, où alors ça copie pâle, ça plagie qu'on dirait des élèves qu'ont bien appris leur leçon. Ceci dit, je suis sans doute injuste, le pop/rock de la téloche n'a jamais été le plus intéressant, et y a sans doute des productions indépendantes, voire underground qui continuent à la nourrir, la flamme à dragon.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 19 février 2013

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18 février 2013 1 18 /02 /février /2013 18:44

WHILE I KISS TO THE MELODY

 

En feuilletant "Seul dans la splendeur", poèmes de John Keats, traduits par Robert Davreu, Points n°P2099, édition bilingue, pp.-76-88. Les citations figurent entre guillemets.

 

"While I kiss to the melody, aching all through !"
(John Keats)

 

"Tandis que de douleurs perclus, d'un baiser je dirai adieu à la mélodie."
(Traduction : Robert Davreu)

 

Remarque : je sais pas ce que ce que signifie au juste "aching all through", mais il mime assez mon état sonore actuel : je tousse, crache, éternue, une vraie dégoûtation.

 

1.
"And a giggle at a wonder ;
Visage sage at pantomime"

 

C'est que la beauté n'est parfois qu'une illusion ridicule, et que la farce mérite aussi que l'on y réfléchisse.

 

2.
Ces temps-ci, je me suis refroidi. Rouillé, je grince en marchant, et m'aperçois combien l'univers m'est réellement indifférent.

 

3.
Il y a une intéressante citation de Milton en tête du poème "Welcome joy, and welcome sorrow" de John Keats, je cite :

 

"Under the flag
Of each his faction, they to battle bring
Their embryon atoms."

 

Des "embryons d'atomes" qu'on mène au combat, rien d'autre. Le reste, c'est de la littérature.

 

4.
"Dancing music, music sad"

 

La musique, qui est la plus élégante des balbutiantes, résume souvent nos âmes à ces deux états : l'envie de danser et la mélancolie. Entre les deux, il y a l'envie de se battre et la conversation.

 

5.
"With the whisper of heaven's trees"

 

Leurs feuilles sont donc bleues quand il fait beau, et noires d'orage, et mortes aussi, qui tombent quand elles n'ont plus rien à dire du vent.

 

6.
"Ye have left your souls on earth !"

 

Alors les humains les ont ramassées, et s'en sont fait leurs âmes à eux.

 

7.
"I had a dove and the sweet dove died"

 

Eh oui... Moi, j'avais un fromage, il est tout asticoté maintenant.

 

8.
"And the moon, whether prudish or complaisant"

 

Une prude, la lune, certainement... on la voit jamais à poil... elle se couvre toujours d'un voile, rarement totalement qu'on la voit... même pas ses yeux... même pas ses narines... même pas ses lèvres minces... même pas son sourire énigmatique... la lune, vous savez quoi, elle se fout de notre gueule, avec la complaisance des inaccessibles.

 

9.
"The old man may dream, and the planets may wink"

 

C'est sûr que ça change rien... les vieilles peaux peuvent bien rêver et les planètes battre des cils, on s'en va vers plus là, et l'univers s'étend à s'en faire péter l'élastique.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 18 février 2013

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18 février 2013 1 18 /02 /février /2013 18:26

BREF QUAND ON EST PLEIN DE LONGTEMPS

 

En feuilletant "Seul dans la splendeur", poèmes de John Keats, traduits par Robert Davreu, Points n°P2099, édition bilingue, pp.60-75. Les citations figurent entre guillemets.

 

"But the forgotten eye is still fast wedded to the ground"
(John Keats)

 

"L'oeil oublié toujours demeure fidélement rivé au sol"
(Traduction : Robert Davreu)

 

1.
"O thou whose face hath felt the Winter's wind"

 

Alors ils prirent les visages des gens de la vallée et en essuyèrent le vent d'hiver. Alors les gens de la vallée devinrent des sans-visages. Alors, ils leurs ôtèrent leurs noms, et les appelèrent "le peuple sans visage".

 

2.
"un accent musical mène vers un "coin étrange de l'Île" : Etrange, radicalement étrangère, la musique, une langue étrangère que l'on étudie sans la comprendre.

 

3.
"comme l'Araignée filer à partir de sa propre intériorité sa propre Citadelle" : Nous tissons des dédales, dans lesquels nous tentons de le pièger, ce si malin autre. Le plus curieux, c'est que cela suppose cette espèce "d'araignée intérieure", ce piège à loup de la conscience qui caractériserait chacun d'entre nous. Ainsi, ce que nous nommons "vie intérieure", "intériorité", "sensibilité", "âme" est, de fait, le plus subtil, le plus consciencieux des pièges.

 

4.
"tout cela n'est qu'une manière sophistiquée" : Evidemment ! La littérature est un luxe, une "manière sophistiquée" de passer le temps. Elle n'empêche pas les dictateurs de massacrer leur peuple, les escrocs d'escroquer, les tueurs de tuer, la racaille de se reproduire - excusez-moi de rappeler ainsi que je suis de droite - et les prêtres de raconter de pieux mensonges.

 

5.
"Four seasons fill the measure of the year"

 

Et, comme chacun sait, les saisons n'étant plus ce qu'elles sont, le temps outrepasse le temps.

 

6.
"Ay, on the shores of darkness there is light"

 

Pas de faux espoir, l'ami. C'est juste l'oeil du dragon qui s'ouvre.

 

7.
"There is a joy in every spot made known by times of old"

 

Bah ! phrase pour touriste, rien de plus.

 

8.
"But the forgotten eye is still fast wedded to the ground"

 

C'est même pour ça qu'on l'oublie, parce qu'on n'en voit pas la couleur.

 

9.
Black moon. Gorge tranchée. Sang noir.

 

10.
"When shapes of old come striding by, and visages of old"

 

C'est ce qui s'appelle être hanté, lorsqu'on est plein de shapes of old qui vous rôdent, et de visages of old aussi, bref, quand on est plein de longtemps.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 18 février 2013

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