LE DIABLE EN SA LANGUE
1.
Qui croit en moi, franchement, je doute de son existence.
2.
Autrement dit : les autres doivent pas trop exister, puisque j'existe.
3.
Où l'on voit que le français est une langue propice à ontologiser le réel autant qu'à le penser cynique.
4.
Si Dieu parle la langue des humains, il doit jacter en anglo-américain, en broken english aussi, aussi un peu en chinois. Mais pas en français... une langue de raisonneur, ça, le français, une langue de sceptique.
5.
Paraît qu'il y en a qui réprouvent qu'à l'avenir, dans nos universités, certains cours pourraient être donnés en langue étrangère, et plus particulièrement en anglais. Je ne vois pas le problème. Outre que cela pourrait faciliter la compréhension de certains étudiants étrangers qui manient souvent mieux l'anglais que le français, si dans certaines matières, l'anglais est plus apte à cerner certaines problématiques que le français, eh bien allons-y. Ainsi, j'admets tout à fait qu'un cours qui porte sur la mondialisation financière soit donné en anglais, puisque toute la malignité financière est essentiellement anglo-saxonne. Laissons aux voleurs la langue des voleurs et le français au philosophe.
6.
Donner un cours de cuisine française dans une autre langue que le français, c'est certainement condamner son auditoire à une pâle copie de notre art culinaire.
7.
Je ne doute pas que cela soit en grec que l'on ait le mieux parlé d'Alexandre, de même que c'est en latin que, certainement, l'on a le mieux pensé César. Sans le grec, sans le latin, Alexandre et César ne sont jamais que des bouts de viande agressifs, des parasites. Le grec et le latin ont doté ces animaux d'une si grande perspicacité que l'écho de leurs syllabes continue à courir le monde.
8.
Je ne crois pas à la domination du monde par la Chine. En effet, ils n'arriveront pas à nous imposer leur langue, et donc, ils n'arriveront pas à nous imposer leur culture. Leur mode de pensée nous sera toujours étranger. Tout ce qu'ils arriveront à faire, c'est à nous faire adopter certains éléments de leur cuisine, et quelques philosophèmes plus ou moins amusants. Nous autres, Français, qui répugnons à parler l'anglais, qui ne parlons allemand qu'avec des pincettes, et qui nous moquons si salutairement du monde, je ne nous vois pas bredouiller asiate. Ils seront obligés de nous jacter en angliche ; on les comprendra pas ; et s'ils ne se mettent pas à apprendre le français, on les roulera dans la farine, c'est clair comme de l'eau de roche.
9.
Etant donné que le chinois restera toujours pour nous du chinois, si la Chine veut dominer le monde, elle ne pourra le faire qu'avec une toujours plus grande agressivité économique.
10.
César est une émanation du latin, comme Napoléon une émanation du français. Une langue peut se juger aux personnages qu'elle sécrète. Autrement dit, l'Histoire d'un peuple est l'expression de l'évolution de sa langue. Je me demande quel despote plus ou moins éclairé couve la langue chinoise.
11.
Si le diable a mille demeures, Dieu n'a qu'un seul palais.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 19 mai 2013