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19 mai 2013 7 19 /05 /mai /2013 12:50

LE DIABLE EN SA LANGUE

 

1.
Qui croit en moi, franchement, je doute de son existence.

 

2.
Autrement dit : les autres doivent pas trop exister, puisque j'existe.

 

3.
Où l'on voit que le français est une langue propice à ontologiser le réel autant qu'à le penser cynique.

 

4.
Si Dieu parle la langue des humains, il doit jacter en anglo-américain, en broken english aussi, aussi un peu en chinois. Mais pas en français... une langue de raisonneur, ça, le français, une langue de sceptique.

 

5.
Paraît qu'il y en a qui réprouvent qu'à l'avenir, dans nos universités, certains cours pourraient être donnés en langue étrangère, et plus particulièrement en anglais. Je ne vois pas le problème. Outre que cela pourrait faciliter la compréhension de certains étudiants étrangers qui manient souvent mieux l'anglais que le français, si dans certaines matières, l'anglais est plus apte à cerner certaines problématiques que le français, eh bien allons-y. Ainsi, j'admets tout à fait qu'un cours qui porte sur la mondialisation financière soit donné en anglais, puisque toute la malignité financière est essentiellement anglo-saxonne. Laissons aux voleurs la langue des voleurs et le français au philosophe.

 

6.
Donner un cours de cuisine française dans une autre langue que le français, c'est certainement condamner son auditoire à une pâle copie de notre art culinaire.

 

7.
Je ne doute pas que cela soit en grec que l'on ait le mieux parlé d'Alexandre, de même que c'est en latin que, certainement, l'on a le mieux pensé César. Sans le grec, sans le latin, Alexandre et César ne sont jamais que des bouts de viande agressifs, des parasites. Le grec et le latin ont doté ces animaux d'une si grande perspicacité que l'écho de leurs syllabes continue à courir le monde.

 

8.
Je ne crois pas à la domination du monde par la Chine. En effet, ils n'arriveront pas à nous imposer leur langue, et donc, ils n'arriveront pas à nous imposer leur culture. Leur mode de pensée nous sera toujours étranger. Tout ce qu'ils arriveront à faire, c'est à nous faire adopter certains éléments de leur cuisine, et quelques philosophèmes plus ou moins amusants. Nous autres, Français, qui répugnons à parler l'anglais, qui ne parlons allemand qu'avec des pincettes, et qui nous moquons si salutairement du monde, je ne nous vois pas bredouiller asiate. Ils seront obligés de nous jacter en angliche ; on les comprendra pas ; et s'ils ne se mettent pas à apprendre le français, on les roulera dans la farine, c'est clair comme de l'eau de roche.

 

9.
Etant donné que le chinois restera toujours pour nous du chinois, si la Chine veut dominer le monde, elle ne pourra le faire qu'avec une toujours plus grande agressivité économique.

 

10.
César est une émanation du latin, comme Napoléon une émanation du français. Une langue peut se juger aux personnages qu'elle sécrète. Autrement dit, l'Histoire d'un peuple est l'expression de l'évolution de sa langue. Je me demande quel despote plus ou moins éclairé couve la langue chinoise.

 

11.
Si le diable a mille demeures, Dieu n'a qu'un seul palais.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 19 mai 2013

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26 avril 2013 5 26 /04 /avril /2013 00:20

SINON IRAIT-ON

 

1.
Fleuri de, les tombes, sinon irait-on ?

 

2.
Sans espoir, plus d'âme, comme si... Bah le langage a plus d'un paradis.

 

3.
L'aphorisme dans sa forme la plus sèche, pierre, caillou, os de poulet, moustache de tigre qui troue l'estomac, couteau court.

 

4.
Je ne doute pas que certains ont cru pouvoir d'un seul aphorisme égorger Dieu.

 

5.
Si nous n'avions plus de Dieu à nier, c'est là que réellement nous serions désespérés.

 

6.
"Ni dieu, ni maître" est une devise qui tire toute sa puissance de la puissance des dieux et des maîtres. C'est une devise vampire, une devise parasite. Une formidable bouche d'ombre.

 

7.
L'opium du peuple, on l'a remplacé par une autre fumerie, l'héritage des coupeurs de têtes.

 

8.
Cioran ne cite jamais les noms des gens qu'il critique. Il a raison. A quoi bon citer des noms déjà oubliés.

 

9.
"car ce qui n'inquiète pas est malhonnête" : je tire ce bref du film Les Godelureaux de Claude Chabrol. C'est le perturbant Ronald (interprété par Jean-Claude Brialy) qui dit ça, dandy comme pas deux, dis donc (d'ailleurs, s'il y a d'l'idem, c'est qu'il y a plagiat). Bernadette Lafont y joue aussi ; elle est Ambroisine, la jeunesse en son apparaître, la jeunesse qui fait comme si, qui sait quand même, mais qui fait comme si, magnifique Bernadette Lafont.

 

10.
Ce n'est pas par paresse que je compose des aphorismes, c'est par mépris des complications narratives, c'est par mépris de ce qui fait des histoires.

 

11.
Coin désert et qui grignote, grignote la pièce, la fenêtre, les arbres, la rue, la ville, le ciel, laissant les passants dans le vide. Alors, ils s'en aperçoivent et tombent dans une note.

 

12.
Contre Dieu, évidemment pas d'autres dieux, que la langue, la matière même des dieux.

 

13.
Les dieux ne s'entretuent pas ; nos guerres leur suffisent.

 

14.
Ce que toute convivialité commémore, c'est l'avénement de l'assujettissement de tous par tous.

 

15.
Est-ce par ruse que le politique accepte de passer pour un guignol ? Les chansonniers se moquent de lui ; les intellectuels le méprisent ; le pilier de bistrot lui crache dessus; le plus sot des enseignants s'estime supérieur à ce président tellement inculte et vulgaire. Pendant ce temps-là, le politique dans l'ombre.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 25 avril 2013

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23 avril 2013 2 23 /04 /avril /2013 08:55

JALOUSIE DES DIEUX
Pierres en lisant Humain, trop humain de Nietzsche.

 

1.
Pas même un bon élève, la foudre bonnet d'âne.

 

2.
Au compte, dettes et bénéfices, encaissés néant.

 

3.
Dans la nature la plus solitaire, à parcourir le loup.

 

4.
Racine en nous, jusqu'à en vomir les feuillages.

 

5.
Pour nous sans intérêt, la plus grande partie du monde, avec dedans notre mise sauve.

 

6.
Le paradoxe, serpent monstre dans l'océan, tête pensante.

 

7.
Arriver, c'est échapper au labyrinthe.

 

8.
La mort délie les labyrinthes comme nous dénouons nos lacets. Elle tire sur le coeur.

 

9.
Au secours des gens, dans la foule la hache, mains tranchées, jambes coupées.

 

10.
La foudre éparse, mouvement d'humeur, éclat d'un rire imprévisible, monnaie d'une pièce.

 

11.
Composer des aphorismes, c'est animer les épars d'un golem de pierre fracassé.

 

12.
Voix dans un brouillard, du grec s'en échappe, la langue qui revient.

 

13.
Qui console et rend meilleur, le pain donné.

 

14.
Les arbres dans la langue, bras, jambes, torses, têtes, tout s'y met à hurler. La fée aux cheveux qui sifflent passe dans la forêt.

 

15.
Les dieux sont sans audace et nous jalousent.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 23 avril 2013

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22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 20:01

PAR UNE PETITE MORT
En lisant De l'inconvénient d'être né, de Cioran.

 

1.
"quand on rumine" - c'est-y pas qu'on ruminerait le réel comme si nous étions des vaches.

 

2.
Remarquez que ce qui nous distingue des vaches, c'est que nous avons inventé les trains.

 

3.
"Pour que le monde existât", il a fallu que Dieu fasse un grand effort d'imagination, un effort surhumain.

 

4.
L'imparfait du subjonctif est la plus belle preuve du scepticisme universel dont est capable la langue française.

 

5.
L'humain n'atteindra jamais le songe qu'il fait de lui-même, mais c'est ce songe qui le sauve de l'auto-destruction.

 

6.
Les événements sinistres nous distraient tant qu'ils ne nous concernent pas personnellement. Sinon, on appelle cela des soucis, des chagrins, des épreuves.

 

7.
Entre nos tracas des trains, entre nos fracas des freins, ce qui ne veut rien dire, mais qui m'amuse.

 

8.
Ce que nous aimons, c'est moins une pensée que l'atmosphère qu'elle induit. Le bouddhisme en atteste, qui agit comme un tranquillisant devant l'évidence qu'exister c'est lutter.

 

9.
Je l'ai toujours su, mais je n'ai jamais rien dit est, selon les cas, l'aveu d'une hypocrisie ou l'éloge de la discrétion.

 

10.
Quand on fréquente les vérités d'un peu trop près, on risque d'éprouver la tentation du doute, si ce n'est du mensonge. De là sans doute toute religion.

 

11.
"Je crois l'entrevoir" : la foi est un absolu qui n'entrevoit pas ; il n'y a que les sceptiques qui entrevoient, qui croient voir.

 

12.
"en commençant par la mort" : c'est même comme ça que commence toute existence, par une petite mort.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 22 avril 2013

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22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 10:32

L'HUMAIN CE SUICIDE
En lisant Cioran, "De l'inconvénient d'être né", folio essais n°80.

 

1.
Se vouer à la médiocrité, c'est échapper au ridicule d'avoir du génie dans un monde qui a fait de la stupidité une valeur marchande plus rentable encore que la matière grise. (cf Cioran, De l'inconvénient d'être né, p.69 "Celui qui redoute le ridicule...")

 

2.
Contrairement à ce que pensent les tenants de la décroissance, de la "frugalité joyeuse", l'aspiration au bonheur est un concept aussi abstrait que les théories productivistes qu'ils combattent. Entre cette fameuse aspiration au bonheur et les utopies périlleuses qu'ils cherchent à nous vendre se tient une zone d'ombre, irrationnelle et pleine de cris et de chuchotements, et qui, quoique confuse et imprévisible, constitue la matière des véritables aspirations individuelles.

 

3.
Autrement dit, ce qui se trame dans l'inconscient relève plus du chien fou que de l'honnête homme.

 

4.
Quoi qu'on fasse, on le fait "face à dieu", en tout cas, face à ce dieu que l'on appelle l'autre, fût-il absent. (cf Cioran, De l'inconv., p.69 "Ne dure que...")

 

5.
Nous fuyons le réveil puisque notre songe est bien plus efficace. (Cioran, p.112, "Des années et des années...")

 

6.
La conscience, ce vide qui se remplit d'elle-même. (cf Cioran, p.113, "L'érosion de notre être...")

 

7.
Ce n'est pas tant que "rien ne mérite d'être pensé", c'est que le langage nous permet de faire la liste exhaustive de toutes les pensées induites par sa mise en oeuvre. Bien sûr, nous justifions ce systématisme par la quête de l'absolu (Dieu, le Beau, le Vrai, le Juste, etc...) (cf Cioran, p. 140 "Dieu est ce qui survit...")

 

8.
L'humain, ce suicide sophistiqué de la nature. (cf Cioran, p.94, "En permettant l'homme...")

 

9.
La raison est le masque de la folie.

 

10.
Les mots sont si puissants qu'ils ont permis à une espèce de tubes digestifs à mâchoire et deux pattes de se rendre maîtres d'un monde radicalement hostile.

 

11.
Être maître de ce monde, ce n'est pas en maîtriser la matière, ce n'est jamais qu'occuper un territoire hostile.

 

12.
Je souris encore à l'évocation de cet élève qui pensait que certes Napoléon était intelligent, bien sûr, évidemment, mais que chacun d'entre nous était, en raison des progrès de la science et des mentalités, plus intelligent que lui.

 

13.
L'erreur du scientifique à pipe et idéalisme du Mars Attacks de Tim Burton, c'est de penser qu'en raison de leur évidente avancée technologique - puisqu'ils voyagent dans l'espace - les Martiens étaient forcément civilisés, et donc pacifiques. C'est la même erreur que bien des pédagogistes commettent en confondant instruction et bonne volonté. On peut être savant et haineux aussi bien qu'inculte et brave type. Et je ne crois pas que la générosité s'enseigne.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 22 avril 2013

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21 avril 2013 7 21 /04 /avril /2013 16:10

LES VERITABLES BESOINS COMMUNS

 

"le temps viendra où naîtront des institutions destinées à servir les véritables besoins communs de tous les hommes" (Nietzsche, Humain trop humain, 476, Le Livre de Poche, "Les Classiques de la Philosophie", n°4634).

 

AVERTISSEMENT : On trouvera ce bref virulent &
Il l'est assurément c'est que je n'ai toujours
Pas digéré cette idée qui voudrait que le fait
De mourir pour des idées soit particuliérement
Héroïque alors que c'est complétement imbécile
Les idées n'étant jamais qu'une monnaie que le
Langage invente pour mieux se répandre et dans
L'être persister parasite perspicace selon une
Belle formule utilisée dans Starship Troopers.

 

Je lis dans Humain trop humain cette prophétie
Nietzschéenne selon laquelle "le temps viendra
où naîtront des institutions destinées à servir
les véritables besoins communs de tous les hom-
mes" tiens "les véritables besoins communs" je
Me demande de quoi il parle exactement l'autre
Là à moustaches des besoins de nature ou alors
D'on ne sait quels besoins qui ne sont que les
Preuves qu'une fois débarrassé des contraintes
Du travail l'humain ne sait que faire du temps
Qu'il a à passer on se demande pourquoi sur la
Terre qu'il s'est créé des virtuosités donc je
Me demande ce qu'ils sont comme si l'humain ne
Demandait qu'à exister en étant heureux Blague
A part tout n'indique-t-il pas que s'il aspire
Au bonheur l'humain ce n'est que parce qu'il a
Besoin d'un alibi pour laisser libre cours aux
Jalousies les plus diverses & cet humanisme de
Gentil n'est-il pas une bonne conscience qu'il
Se paie sur le dos des pauvres bougres qui ont
Cru de bonne foi que se sacrifier pour que les
Autres soient plus heureux légitimait l'humain
Le plaçait au-dessus du loup mézigue c'est pas
Demain la veille que je me sacrifierai pour un
Autre aussi ai-je la franchise de le dire & de
Me compromettre de moins en moins souvent à la
Fréquenter cette espèce fâcheuse qu'on appelle
Les autres On trouvera ces mots peu admirables
Peu sympathiques c'est que je l'ai dit déjà de
Si nombreuses fois que ma sympathie était fort
Peu universelle que je m'étonne toujours qu'il
Y ait des gens pour rechercher ma compagnie.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 21 avril 2013

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21 avril 2013 7 21 /04 /avril /2013 08:31

DES NOMS DE DIEU EN LISANT CIORAN

 

1.
Les brefs de Cioran relèvent du luxe de
La pensée évidemment ce sont pensées de
Bien nourri de blasé Pour qui n'a pas à
Manger n'a pas de toit pas de travail à
Quoi peuvent bien lui servir toutes ces
Aigreries déversées en ce beau français
Des classiques Il y a du Misanthrope de
Molière dans les brefs de Cioran il y a
Du seigneur qui crache dans la soupe Ce
Crachat est certes élégant mais souvent

Est-il si dérisoire face aux combats de
L'Histoire face aux luttes des peuples.

 

Ce que je dis vaut peut-être pour toute
Philosophie exceptée la philosophie des
Droits celle qu'on dit politique et qui
Prépare si précisément les peuples à la
Tyrannie de tous par tous.

 

2.
J'apprécie l'emploi de la forme s'échiner

Que Cioran utilise dans cette proposition
"l'homme s'est échiné à croire" C'est que
La croyance ne va pas sans combat ni duel
De l'être avec l'être sans combat ni duel
De la conscience avec la conscience Qu'il
Est féroce lutteur lorsqu'il est question
De défendre des symboles qu'il est subtil
Alors l'humain à légitimer sa violence et
Qu'elle s'acharne & s'échine & se déchire
La si inventive si féroce humanité jouant
Dieu contre Dieu Dieu contre tous et même
Dieu contre soi.

 

3.
Je comprends Cioran comme celui qui est
Entré dans la chambre si bien gardée de
Dieu a constaté qu'elle était vide puis
En est ressorti dans un rire spéculatif
Dont il n'a pas cessé de nous détailler
Les éclats.

 

4.
Si j'écris si volontiers en vers justifiés
C'est que cette forme prouve assez que nos
Pensées ne procèdent que de l'habileté que
Nous avons à manier notre langue Qu'est-ce
Que Dieu ? Un jeu de mots Qu'est-ce que la
Religion ? Un exercice de virtuosité.

 

5.
Ne pouvant apporter d'autre preuve que
L'évidence que cela est nous concluons
Aisément que cela n'est pas ce qui est
Tout aussi douteux.

 

6.
Si c'est par le Logos que l'Être s'est fait
Chair faut-il en conclure que la langue est
Une entité omnipotente Dieu s'agite-t-il en
Nos bouches ? Et nous autres beaux parleurs
Ne serions-nous que les manifestations d'un
Langage inconnu ?

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 21 avril 2013

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20 avril 2013 6 20 /04 /avril /2013 03:46

CES MOUCHES EN VERS

 

1.
L'amour qu'on nous vend passe de carcasse en carcasse, une sorte de virus qu'on prend pour du consubstantiel, et qui finit d'ailleurs par faire figure d'essentiel, ou, en tout cas, d'alibi.

 

2.
"c'est le cas, par exemple, du célèbre fondateur du christianisme, lequel se tenait pour le Fils de Dieu et partant se sentait exempt de péché."
(Nietzsche, Humain, trop humain, 144, Le Livre de Poche, "Les Classiques de la Philosophie", n°4634, p.145).

 

Nietzsche évoque la figure du Christ comme celui qui se disant Fils de Dieu se croyait exempt de péché. Que le Christ se croyait lui-même prouve assez sa nature tautologique. Et son orgueil démesuré. L'orgueilleux est celui qui s'exempte. C'est d'ailleurs ce qui cause sa perte.

 

3.
"Faire de plusieurs cadavres en un instant
Un mort vivant"
(Serge Gainsbourg, Frankenstein)

 

Outre la tournure d'un beau classicisme, j'apprécie cette lucidité : de bouts épars du passé, nous bricolons quelque mannequin que nous appelons "Présent".

 

4.
Les politiques sont ces faibles (et ces fables) qui, selon l'expression de Nietzsche, "penchent à éterniser la convention acceptée une fois, la grâce qu'on leur a faite" de leur accorder notre confiance (cf Nietzsche, Le Voyageur et son ombre, 39).

 

5.
Au politique, ce n'est pas sa confiance qu'il convient d'accorder, mais sa défiance.

 

6.
"Je ne vois que toi
De mon hélicoptère"
(Serge Gainsbourg, Hélicoptère)

 

La narratrice de cette chanson dit bien que, malgré nos proximités, nous voyons nos amours de loin. Ce qui vaut mieux d'ailleurs, l'amour, s'il n'est pas solide assurance-solitude, peut s'avérer griffu, mordant, lacérant.

 

7.
Evoquant les professeurs de lycée, Nietzsche évoque ceux "dont l'aspect seul dépose une couche de poussière sur un bon auteur." (Humain, trop humain, 266). A vrai dire, cette poussière est celle des salles de classe. C'est une drôle de contrainte que d'aller, à heures fixes, s'enfermer avec d'autres amoureux de la servitude ordinaire, afin de s'enthousiasmer pour des écrits qui ne nous concernent que parce qu'on nous le dit.

 

8.
Admirable fermeté de la présidence Hollande qui affirme ne plus payer de rançon pour ses otages. Les médias, en ce mois d'avril 2013, ne cessent de souligner la rupture qu'il y a entre cette fermeté et la faiblesse sarkozyenne qui consistait à négocier des montants. La fermeté de François Hollande semble porter ses fruits. Mais cette fermeté est-elle si réelle ? Et si l'on nous mentait ? Ce ne serait qu'une fois de plus, et les politiques me semblent avoir fait du mensonge l'un des beaux arts.

 

9.
"Quoi ça reptile en haut lieu"
(Serge Gainsbourg, Scènes de manager)

 

J'aime bien cette promotion du reptile à la classe de verbe d'action, d'affaire d'état, de commerce des puissants, impersonnel comme il se doit, efficace comme l'assassin anonyme.

 

10.
Les tragiques, normalement, à chaque fois qu'ils ouvrent la bouche, des nuées de mouches en devraient sortir. C'est le génie des Grecs, de Racine, de Shakespeare, d'avoir métamorphosé ces nuées étouffantes en poème admirable, ces mouches en vers.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 20 avril 2013

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5 avril 2013 5 05 /04 /avril /2013 09:24

PENSEE D'SAUMON
Notes sur Humain, trop humain, de Friedrich Nietzsche, traduit par Desrousseaux et Albert, revu par Angèle Kremer-Marietti, Le Livre de Poche, Les Classiques de la Philosophie, n°4634.

 

1.
"calculer l'avenir de chaque être" (p.109, par.106) : fantasme de sociologue.

 

2.
"en raison des ressemblances les plus fugitives" (p.41, par. 12) : ainsi la pensée saute-t-elle d'un visage à l'autre, d'une circonstance à l'autre, dans une vraisemblance qui se construit dans son énoncé même.

 

3.
"La parfaite clarté de toutes les représentations oniriques" (p.41, par.12) : il ne suffit pas d'évoquer un double fantastique du réel, il faut aussi que ce double soit plus précis encore que le réel. Nous demandons aux fantômes d'êtres aussi précis et définis que des équations mathématiques. Le sentiment de l'absurde, et la nausée qui en découle, proviennent de la constante décomposition de toute représentation fantasmatique.

 

4.
La plupart de nos actions ne sont pas guidées par la raison, mais par l'esprit pratique.

 

5.
"parce qu'on occupe l'autre de sa personne" (p.249, par.347) : c'est là même le scandale de la vie en société : que des gens qui nous sont absolument étrangers nous occupent de leur personne. C'est là l'indélicatesse originaire de l'humain : écoute-moi, passe du temps avec moi, fais-moi à manger, aime-moi. Quelle horreur !

 

6.
Me trouver sympathique n'est pas seulement une erreur de jugement, c'est une faute de goût.

 

7.
Le principe fondateur de la vie sociale est le masochisme : avoir du mérite à souffrir.

 

8.
"le peuple contre le peuple, et cela durant des siècles !" (p.198, par.233) : Il me semble parfois que la lutte des classes est l'habit civilisé d'une lutte fraticide originaire : le sédentaire poursuit le nomade de sa haine ; le chef de clan punit le singulier ; le puissant utilise le faible.

 

9.
"plus proche de son but qu'elle ne le sera à la fin" (p.199, p.234) : se pourrait-il que l'humanité soit vouée à manquer son but ?

 

10.
"il ne pénètre nos secrets" (jsais-pas-où) : chaque humain est un secret bien gardé par un autre lui-même.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 5 avril 2013

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5 avril 2013 5 05 /04 /avril /2013 00:12

SORTES DE REELS
En feuilletant Les Ecuries d'Augias, d'Agatha Christie, traduit par Monique Thies, Club des Masques n°72.

 

1.
"(longue excursion dans le passé)" (p.85) : Le passé tire la langue à l'espace. Il se moque du lieu d'être.

 

2.
"pas de temps à perdre" (p.60) : Et pourtant...

 

3.
"- Vous m'excuserez, mais cela me regarde..." (p.61) : Ce qui, par leurs yeux, aux autres là, nous regarde, c'est le "cela", inconnu, inquiétant, imprévisible.

 

4.
"et elle avait dû en subir le récit" (p.121) : Le récit est ce que nous subissons. Ce n'est pas l'Histoire qui nous fascine, c'est son style. C'est le filet qui ramène les poissons de prix.

 

5.
"- Lequel de nous deux est fou ? vous ou moi ?" (p.68) : Comme dit Napoléon à Bonaparte.

 

6.
"faire la plupart du temps" (p.49) : Le complément est explicite; ce que nous faisons c'est le temps. Ce que nous filons, c'est du temps. En le remplissant, nous gonflons la baudruche existentielle, laquelle n'a pas d'autre objet que de survivre, que de persister dans l'être.

 

7.
"rien remarqué de la sorte" (p.92) : Ce que nous remarquons, ou ne remarquons pas, n'est qu'une sorte de réel.

 

8.
"Pour ce que vous en arriviez à faire ce que" (p.69) : Jouets des intentions (les nôtres et celles des autres). La manipulation est la source du social.

 

9.
"Elle s'attacha à ses pas" (p.121) : Le réel est ce qui attache, jusqu'à ce que nous ne puissions plus nous décoller. Pâtes restées au fond de la casserole.

 

10.
"distinguer les objets les uns des autres" (p.45) : Exister, c'est aiguiser son regard.

 

11.
J'apprends par un documentaire que le célèbre "Tora ! Tora ! Tora !", signal du déclenchement de l'attaque japonaise sur la base de Pearl Harbor, se traduit par "Tigre ! Tigre ! Tigre !". Et les tigres fondirent du ciel.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 4 avril 2013

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