PEUT-ÊTRE PAR DEPIT DE L’ABSENTE BEAUTE
Désirs.
Les désirs deviennent ce que nous sommes ; ils épousent notre peau, « comme on ne fait qu’un avec l’instrument de ses sortilèges » (Mallarmé, Le Nénuphar blanc in Igitur Divagations Un coup de dés, Poésie/Gallimard, p.93).
Epatant, ce mot « instrument », qui évoque la musique et les « sortilèges » que la musique délie. Les désirs deviennent ce que nous en faisons. Le désir pur n’existe pas.
Musique.
C’est par goût, par plaisir du frisson que nous aimons la musique et l’arbre de ses énigmes. Mallarmé : « leur croissance visible s’accompagne malgré l’air immobile, d’une plainte de violon qui, à l’extrémité frissonne en feuilles » (Autrefois, en marge d’un Baudelaire, Poésie/Gallimard, p.109) : c’est sans doute ce frissonnement de l’être que nous épions, énigme dans la musique.
Immobile.
Malgré l’air immobile, les cercles tournent et jouent Le Sacre du printemps.
Technique des énigmes.
On ne peut réduire l’art à une machine à produire des émotions. L’essence de l’art n’est qu’accidentellement émotionnelle et relève avant tout de la technique des énigmes, qui est une manière de manifestation de l’être.
Danse.
Nous passons notre temps dans des espaces imaginaires. Le spectacle occupe ainsi plusieurs niveaux :
- l’espace réel des médias,
- l’espace imaginaire du ressenti, de l’affect, de l’œuvre au noir de l’inconscient,
- l’espace idéologique,
- l’espace téléologique, cette métaphysique des mœurs qui bénit notre pain quotidien.
Le lieu même de la critique de cette boîte à spectres est la musique qui montre sans démontrer, prouve sans prouver, dénonce sans mots, révèle, dévoile.
Mallarmé a écrit ceci qui m’impressionne :
« La danse seule, du fait de ses évolutions, avec le mime me paraît nécessiter un espace réel, ou la scène. » (Divagations, Poésie/Gallimard, p.208).
Loin.
Mon Dieu, comme je me sens de plus en plus loin de vous.
L’arbre à ombres qui s’agite ainsi, pour qui secoue-t-il ainsi le tambourin de ses syllabes ?
Dépit.
La beauté, quel charabia pour qui ne peut la comprendre. Quelle charade pour qui l’entrevoit et ne peut, éloigné qu’il est, espérer en saisir guère plus que des miettes, une volée de signes.
Ecrire, c’est éprouver son dépit.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 19 mai 2009