Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
23 juillet 2013 2 23 /07 /juillet /2013 02:30

UN NAÏF ET TROIS MEDIEVALES DONT DEUX ENFERS

 

1.
"Paysage avec singes, du Douanier Rousseau" (couverture de Histoires naturelles, de Jules Renard, Librio n°134, 2004). On dirait que les têtes des singes - il y en a trois - jouent à cache-cache avec nous. On n'en voit vraiment qu'une, qui nous regarde, masque blanc sur fond de poil noir, on dirait un visage humain. Les deux autres sont en partie masquées par des sphères oranges. On en voit un aussi, de singe, suspendu à une branche. Il nous regarde. Il a l'air du pauvre christ, et l'oiseau sur la branche, en gilet rouge et chemise gris pâle, nous zieute aussi. Il y a des feuilles et des plantes partout, derrières lesquelles se couche, ou se lève, un soleil orange foncé, rouge fruit. Tout ça nous regarde, aussi mystérieusement et mélancoliquement qu'un jouet d'enfant.

 

2.
Peut-être que le réel est bourré de têtes invisibles qui jouent à cache-cache avec nos regards. Dans les visages des autres, les traits des morts. Si ça se trouve, nous croisons la Reine Margot tous les matins, et nous ne la reconnaissons pas.

 

3.
Dans L'Enfer de Hans Memling (XVème s.), il y a un diable, le Diable lui-même peut-être, qui danse sur les corps des humains plongés dans la gueule des enfers. Le ventre de ce diable, c'est une face, dont le torse, les jambes à pattes griffues, les bras à ergots, et la tête à oreilles de cochon en sont donc l'émanation.

 

4.
Dans "Excision de la pierre de folie" de Jérôme Bosch (1462-1516), les soigneurs ont l'air aussi fous que le patient. Il y en a un - c'est celui qui incise - il porte un entonnoir sur la tête ; il y a aussi une femme, la tête appuyée sur la main droite dont le bras repose sur une table qu'on dirait un champignon géant. Elle a l'air mélancolique et porte un bouquin sur la tête. J'ai l'impression qu'il s'agit d'un livre, mais si ça se trouve, c'est pas un livre, mais un petit coffre rouge. En tout cas, ce n'est pas un paquet de chips, ni une pipe. Le patient porte une chemise blanche (dirait-on chemise ou tunique ou je ne sais quoi ?) ; près de lui, un moine on dirait, un religieux en noir tient un discours (on voit qu'il cause parce qu'il agite la main). Si ça se trouve, il cause pas (que fait-il alors ? c'est-y pas qu'il chasserait les mouches ?). Il tient un objet dont j'ai bien l'impression qu'il se situe au centre du cercle que forme la peinture (en tout cas, dans le bouquin, cette peinture forme un cercle, un genre de médaillon voyez, ce qui me fait penser à Henri Michaux et à son "cas de folie circulaire", et j'ajoute qu'il est curieux que le cercle, qui est un exemple de perfection spéculative, figure aussi le cercle de la folie dans lequel on s'enferme ou le cercle de la sorcellerie qu'on a du mal à en sortir dit-on). Le patient a les yeux ouverts. C'est une scène extérieure. A droite, il y a un chemin, et dans le fond il y a d'la ville. L'objet du moine, je ne sais pas ce que c'est. On dirait de l'étain.

 

5.
"L'Enfer" de Pol de Limbourg (XVème siècle, cf les "Très Riches Heures du duc de Berry"), dans une flamme gigantesque que crache un gigantesque belzébuth à cornes et couronne, des corps humains sont projetés au ciel par le souffle formidable. Il y a un côté bateleur de foire cracheur de feu dans cette représentation. L'Enfer, une foire à flammes. Ce qui me fait penser au mot "barbecue" (barbequiou). C'est la saison ; on est en été. Je n'ai jamais trop participé à des barbecues. Probablement que plus jamais de ma vie je ne participerai à un barbecue. Ou alors si je ne peux faire autrement. Pareil pour toutes les autres sortes de repas qu'on prend entre amis ou collègues. Cela m'a toujours plus ou moins ennuyé, et je suis de bien trop piètre compagnie pour que l'on souhaite ma présence. Il n'y a que ceux qui me connaissent mal qui pensent que je suis sinon de bonne compagnie, du moins de compagnie acceptable.  Alors bon, un jour, je me suis rendu compte que ce genre de sociabilités me nuisait plus qu'autre chose. J'en ai pris mon parti et depuis je m'abstiens.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 23 juillet 2013

Partager cet article
Repost0
19 juillet 2013 5 19 /07 /juillet /2013 08:32

CHACALITUDE

 

C'est la couverture de l'édition de poche du recueil de nouvelles "Les Ecuries d'Augias", d'Agatha Christie, collection Club des Masques n°72, 1974. Une étoile que ça fait. Une étoile de verre brisé. Au centre, un trou. Dans le trou autre chose sombre avec du vert, je veux dire la couleur verte. Autour du trou, toutes les branches de l'étoile, de longues lignes qui fêlent. Et puis du sang aussi, que la personne qui l'a reçue, la balle, elle devait être, dans les derniers temps de sa vivance, devant ce verre, debout probable à songer peut-être au roquefort ou à pouet-pouet Marinette (on suppose que le cadavre est au pied de la glace, du miroir, de la vitrine et qu'il ne songe plus à grand chose du coup). Du sang donc qui glisse lentement le long du verre, même que ça fait une croix avec les fêlures. Tout ça baigne dans du bleu pâle. Derrière la vitre, de profil, le dieu Anubis, - c'est bien Anubis qu'il s'appelle le Dieu Chacal des Egyptiens antiques, non ? si c'est pas Anubis, détrompez-moi ; remarquez qu'il pourrait tout aussi bien s'appeler Casimir, Pâtacrêpe, Fantômax, Judox ou même Parallélogramme que ça changerait rien, vu que de son blaze, au funeste diviniteux, je m'en tamponne le crocodile sacré du Nil avec une patte de coquillard verni. Il a fin long museau, et l'oeil style, amandin, les oreilles de pierre, puis on lui voit le haut des bras, nu, costaud ; sur les épaules, une drôle de chape bleue. Bleu pâle je disais le fond ; bleu brumeux aussi, bleu granuleux, bleu fumeux, que ça doit sentir le renfermé peut-être bien là derrière. On y distingue un abat-jour posé sur un guéridon et je ne sais quoi qui pendouille, vertical, étoffé, une sans tête peut-être statue, ou un en toge spectral ; à droite, la partie gauche du haut d'une porte.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 18 juillet 2013

Partager cet article
Repost0
8 juillet 2013 1 08 /07 /juillet /2013 16:58

PLUMETIS GRIVERIES ET GRONGOGOGNES

 

1.
"L'araignée y fera ses toiles,
Et la vipère ses petits"
(Baudelaire, Sépulture)

 

L'araignée la vive arpenteuse hop a filé dessous
Y reste sous le meuble loin du talon
Fera sa toile au plafond plus tard quand
Ses gens à la maison feront dodo les
Toiles magnifiques qu'elle fera alors dans les ténèbres
Et le serpent quoi qu'il fait le serpent ?
La froide foudre la
Vipère celle là aussi elle file dessous
Ses bottines à la fille trottinaient très vifs de
Petits chais pas quoi chutaient dans la nuit.

 

Note : Je me demande si l'araignée tisse la nuit. Si ça se trouve, l'araignée, la nuit, elle dort, et c'est le jour qu'elle les fignole, ses pièges à mouches et ses éléments de gothique décor.

 

2.
Mon amie Elise me dit :
- Qu'est-ce qu'une harpe ? De la pluie attrapée au lasso.

 

3.
Elise m'apprend l'existence du mot "plumetis" qui désigne cette neige de petits duvets blanchâtres que le vent échappe aux feuillages. Elle m'apprend aussi que l'on appelle "collants plumetis" ces collants parsemés de petits points blancs ou noirs que l'on voit parfois aux jambes des filles.

 

4.
"Dans la maison du mort les enfants poursuivaient
jusqu'aux recoins de l'ombre le serpent des sables."
(Garcia Lorca, Monde, in "Odes", traduit par André Belamich)

 

Dans la maison du mort c'est qu'elle est
La maison du mort encore au mort même si elle est
La maison du mort déjà pleine de vivants
Les enfants du mort ou les enfants de ses enfants
Poursuivaient la foudre
Jusqu'aux recoins jusqu'aux coutures des ombres
Poursuivaient l'éclair poursuivaient l'invisible
Poursuivaient la longue langue
Poursuivaient la tête dressée
Poursuivaient comment étaient-ils ces enfants qui
Poursuivaient comment s'y prenaient-ils
Poursuivaient-ils en faisant du tapage
Poursuivaient-ils le serpent avec des armes blanches
Poursuivaient-ils dans un silence de neige
Poursuivaient-ils le général débarqué
Poursuivaient-ils l'assassin persistant
Poursuivaient-ils l'avant-garde des serpents
Le serpent reparti peut-être retourné dans ses sables.

 

Note : Ces deux vers de Garcia Lorca traduits en français par André Belamich m'évoquent facilement une maison nombreuse en recoins où un drame vient de se produire, et se caractérisent pour moi par une vision surréaliste à la Luis Bunuel plus que par une volonté de faire symbole. C'est donc surtout par l'atmosphère d'étrangeté condensée que ces deux vers ont retenu mon oeil. On peut y lire cependant une prémonition de la guerre civile.

 

5.
Deux quatrains en gue

 

Gant le grumeau groyu gomme un groignu qui gromble
Est un goic trouste et dit de grognes et de gronges
La gueurle du grimoire aigré de griverie
Malgré pas plus de grive - et ni givre et ni rire (1)

 

En lui scribe agacé (2) du grouillard de son guêtre
En lui le grill du gonce au gruisant grongogogne
En lui les longues langues des gongs - quelle angoisse !
Qu'elle fait grincer grind (3) la gueurle du grimoire.

 

(1) Surtout pas !
(2) "Ah ! Gâteau ! dit Agatha agacée grimaçante".
(3) A faire grincer, mais point trop, mais tout de même, rapport à ce que je l'ai placé au centre du vers, cet adverbe.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 8 juillet 2013

Partager cet article
Repost0
4 juillet 2013 4 04 /07 /juillet /2013 02:14

FLOTTE ALORS

 

"Je m'accoudais à mon reflet puis je n'y étais
plus. La lune s'est levée à l'ouest au nord
même des tours. Comme dans ma bouche flotte
mon dentier."
(Louis-François Delisse, Mon corps mis à nu, in "Ivar Ch'Vavar & camarades, Le Jardin ouvrier 1995-2003", Flammarion, 2008, p.135).

 

Je m'accoudais pour regarder quoi
Je m'accoudais pour regarder mon verre
Je m'accoudais parce qu'il fallait bien que
Je m'accoudasse quelque part sinon
A mon reflet qui dansait dans mon verre
A mon reflet qui se tordait dans mon verre
A mon reflet qui se noyait dans mon verre
Puis je n'y étais plus dans le bar
Puis je n'y étais plus j'étais sous la pluie
Puis je n'y étais plus sous la pluie
Puis je n'y étais plus la pluie tombait toute seule
La lune s'est levée mais moi je n'y étais plus
La lune s'est levée il y avait des reflets
La lune s'est levée dans le bar des reflets et sous
La lune les flaques aussi faisaient dans le reflet
A l'ouest je n'y étais plus non plus et
Au nord bin dame je n'y étais plus
Même des tours très hautes on n'me voyait plus
Comme dans ma bouche il n'y avait plus de langue
Comme dans ma langue il n'y avait plus de mots
Flotte alors dit une ombre plaisante car moi
Mon dentier s'était dissous et tout ce qui autour de
Mon dentier avait coutume de s'agiter dissous itou
Mon dentier maintenant il s'interroge
Mon dentier comment se fait-il qu'il me dit qu'il
Flotte encore qu'il ait cette sensation de flotter de flotter
Dans ma bouche laquelle a l'air de dire des mots
Comme si j'y étais encore
Comme si j'étais revenu Pourtant
Même des tours très hautes nul n'a rien vu
Même des tours très hautes en tout cas n'a rien dit
Au nord j'y suis pas encore non
A l'ouest j'y suis pas encore non non
La lune s'est levée et j'y suis pas non non non
Puis, je n'y étais plus vous dis-je
Je n'y étais plus puisque
Je m'accoudais à mon reflet et que
Mon reflet, il a disparu.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 4 juillet 2013

Partager cet article
Repost0
27 juin 2013 4 27 /06 /juin /2013 19:13

TOUOUT !

 

1.
Dans l'article "Elégie pour un fleuriste", j'évoque une chanson franglaise du groupe Il Etait Une Fois, une chanson dont le titre est A 6000 (We Don't Speak English). Je devais avoir du brumeux sur la planche à pensées, car ce n'est qu'en me levant ce matin que je pige le jeu de mots "A 6000 / Assimil". Marrant.

 

2.
"J'aime le son du Cor, le soir, au fond du bois" est un vers marrant. On le doit à Alfred de Vigny, le genre d'auteur que l'on ne lit plus guère que par hasard ou par obligation, ou par goût des vieilles lettres. Pas marrante en elle-même, c'te séquence rythmique, mais tellement citée et parodiée par ceux que l'on appelait jadis les chansonniers, lesquels, d'ailleurs et eux aussi, nous tombent dans les esgourdes guère plus que par hasard, que ça nous sourit alors, ce "J'aime le son du Cor, le soir, au fond des bois". Et puis, avec l'oreille de Spock qui se promène dans notre mental, on s'entend, à l'écoute de ce Cor-du-fond-des-bois, on s'entend dans la tête une sorte de touout lointain et mystérieux.

 

Ce vers donc, pas vraiment comique, puisque dans l'esprit du narrateur du poème à Vigny, ce Cor :

 

"Soit qu'il chante les pleurs de la biche aux abois,
Ou l'adieu du chasseur que l'écho faible accueille
Et que le vent du nord porte de feuille en feuille."

 

Les pleurs de la biche aux abois, ça se comprend tout seul. On compatit en mangeant du fromage. Mais "l'adieu du chasseur", alors là, on voit pas, on voit plus. Allusionnerait-il quelque antique gréco-latine légende sur laquelle nos aïeux des études se sont fatigué les yeux, torturé les méninges, usé les culottes? Bon, toujours est-il qu'il fiche son camp, le chasseur, et comme il reviendra plus jamais, il souffle dans son Cor, comme ça, le soir, au fond des bois - notez au passage la musicalité de la suite "son" / "Cor" / "soirs" / "bois" ; n'est-il point que ça fait écho ? N'est-il point que ça fait songer à cet accordéon déchiré à Amsterdam qu'à Bruxelles Brel croyait entendre dans un cornet de frites  - il nous dit donc au revoir, le chasseur cependant qu'on en reprend, du fromage.

 

J'aime beaucoup le dernier vers de ce premier quatrain :

 

"Et que le vent du nord porte de feuille en feuille".

 

C'est mélancolique à noyer son camembert ; avec les yeux qui dans notre esprit font rien qu'à loucher sur les mamelles, on le voit bien souffler dans les feuillages, et, d'une branche l'autre, faire passer l'adieu corné, cornu, cornant du chasseur s'éloignant. C'est beau comme une illustration dans un premier prix de composition française.

 

Pour les amateurs de lacaneries, vous remarquerez qu'on peut lire aussi "porte(-)feuille" dans ce vers ; et puis, dites donc, la "feuille", en français populaire, c'est aussi le réceptacle du son, l'oreille, et, l'oreille, il souffle dedans, le vent. Et de quoi donc est-il la métaphore, ce vent ? Je vous le demande. Et ces échos qui parsèment le quatrain comme clous jetés sur la chaussée, je cite : "pleurs" ; "adieu" ; "chasseur" ; "accueille" ; "de feuille en feuille", quel sens donner à ce son ? Est-ce qu'elle serait point un peu humidifiée, la nature, toute larmoyée, larmoyante, lamentée, lamentante ? Avec un peu de virtuosité commentatrice, on doit pouvoir sortir de tout ça assez de n'importe quoi bien dit pour un bon quart d'heure dans un séminaire de Lettres Modernes.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 juin 2013

Partager cet article
Repost0
27 juin 2013 4 27 /06 /juin /2013 01:01

ELEGIE POUR UN FLEURISTE
Fantaisie sur "Gacela de l'amour imprévu", de Federico Garcia Lorca, traduit par Claude Couffon et Bernard Sesé in Garcia Lorca, Poésies III, Poésie/Gallimard n°30.

 

Gacela, c'est un mot espagnol qui en français se traduit par "gazelle". Sinon, j'ai l'impression que ça doit désigner un genre poétique typique dont je ne sais rien parce que et puis voilà.

 

Le "magnolia sombre de ton ventre", voilà une image jolie, qui frappe l'oeil que l'on se trimbale dans la tête et qui coupe dans le réel avec des ciseaux à faire des noeuds.

 

L'érotisme qu'il y a à "martyriser un colibri d'amour entre ses dents", c'est que la demoiselle est belle oiselle, je dis demoiselle, mais mûre marida peut-être, ou même damoiseau beau oiseau, vu qu'il me semble bien que Garcia Lorca était homosexuel.

 

Si sur le front de la personne, s'endorment mille petits chevaux perses, on peut rêver des miniatures alors, des miniatures persanes, de ces décors de contes et légendes, mille et une nuits et tout ce qu'évoque pour nous l'Orient mystérieux, fabuleux, avec des astrologues à barbe pointue dans de très hautes tours et qui regardent passer des croissants de lune. C'est bien kitch - comme j'en ai marre de pas me rappeler s'il y a un "s" entre "t" et "ch", je mets plus de "s", de toute façon, c'est plus élégant ainsi - bien kitch ce que je raconte, mais ça m'amuse, ce genre d'illustration.

 

Le poème de Garcia Lorca évoque aussi sa taille, à l'aimé(e), "ennemie de la neige". J'aime bien, je vous cite :

 

"tandis que moi, quatre nuits, j'enlaçais
ta taille, ennemie de la neige."
(Garcia Lorca, Gacela de l'amour imprévu)

 

Chaud donc le "ta taille", et pas blanc non plus si ça se trouve.

 

Il est question aussi de "jasmins" : magnolia, jasmins, puis le regard "bouquet pâle de semences", il est tombé amoureux d'un(e) horticulteur-cultrice, ou quoi ? En tout cas, comme beaucoup de poètes tels qu'on les lit dans les poèmes, il ne sait pas trop où il a mis tout ça qui fait sa vie (ses clés, sa carte d'identité, ses deux sous de bon sens) et il cherche dans son coeur des lettres d'ivoire qui disent toujours, toujours, toujours. Voyez comme il se répète, c'est pour mieux se fasciner, mon enfant, et puis parce que ça fait très amoureux de dire ça "Je t'aimerai toujours, toujours, toujours". C'est de la convention, on y croit le temps d'un toujours ça de pris et puis on passe à autre chose (faut refaire ses clés, ses papiers d'identité, reprendre conscience).

 

Pendant que je scribe, Annie Cordy chante sur Télé Melody, où passe une émission épatante de 1976, "PARIS 76" que ça s'appelle, il y a Mort Schuman qui évoque "la vieille demoiselle qui sentait la prunelle toujours du même côté" et qui aussi toujours du même côté qu'elle froissait ses dentelles, et puis le groupe Il Etait Une Fois qui chante une drôle de chanson en franglais, la jolie chanteuse Joëlle jouant le rôle d'une anglo-saxonne miss rencontrant des français qui pigent que couic à what she's speaking, même que la chanson s'intitule We Don't Speak English : c'est drôle, léger, c'est de la variété, et alors ? Moi, j'adore ça, la variété ; sont tellement lourds des fois, les gens, les choses, que les chansons dites de variété, les chansons légères, un brin ironiques, ça allège un peu l'atmosphère, trouvez pas ?

 

Bon, revenons à Federico, qui fait pas que dans la dentelle. Vous vous souvenez... Nous l'avions laissé, le poète, se farfouillant le palpitant à la recherche de lettres d'ivoire - ce qui fatal me fait penser à des éléphants, et donc je songe à un troupeau de barrissants passants et nonchalants dans la savane de son coeur, au poète, et s'en allant boire, ce troupeau de trompes, au lac où des hipopotames font pipi dans l'eau, les dégoûtants -, nous le retrouvons bien en peine, Federico, cause que l'autre adoré(e) là, c'est le "jardin de [son] agonie" - ciel, le fleuriste serait-il un tueur en série ? -, qu'il a "le corps fugitif pour toujours" (plus jamais à deux qu'ils se beurreront des biscottes), et pis qu'il a, le poète, "le sang de [ses] veines [au fleuriste] dans [sa] bouche [à lui poète] / [Mais sa] bouche [au fleuriste] sans lumière [qu'elle est] déjà pour [sa] mort [à lui poète]". Ce qui n'est pas gai. Surtout que comme je l'explique, c'est pas très clair non plus. Pas gai, et même funèbre. Qu'on dirait une élégie, une élégie pour un fleuriste défunté tragique. Ou quelque chose comme ça.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 juin 2013

Partager cet article
Repost0
22 juin 2013 6 22 /06 /juin /2013 07:30

ICI MELISSA JE VOUS CITE

 

Vous m'écrivez Bonsoir et me dites que
Vous revenez vers moi après un mois de
Travail sans répit
et puis le temps de

L'écriture vous le reprendrez tantôt &
En attendant me dites-vous vous faites
L'envoi de deux brefs éclats et je lis

Ces mots dont vous faites jeu ces mots
Qui jonglent maux-clés & maux-quêtes à
L'heureuse vertu de m'amuser vu que du
Poète à longueurs et profondes pensées
Il y en a tant que je me dis qu'il est
Bien patient le réel & comment fait-il
Mais comment fait-il donc le réel pour
Ne pas leur éclater de rire au nez que
Je me dis que j'aime bien ces brefs là
Qu'ici Mélissa je cite :  

 

"Tous ces mots
Etaient-ils aux portes des enfers ou de babylone
Et ces maux-clés, qui ouvraient sur le jardin
Se referment où le secret dort hors la loi
Ces mots-quêtes fumées pour tout alibi."

 

(...)

 

"Là bute le sens
où le but est las.

 

L'en-vers de la butte
charnier tu en vers
grouille de butés

 

aux vers silencieux."

 

Puis vous signez Amicalement et retournez
A votre rythme.

 

Mélissa Perianez / Patrice Houzeau
Hondeghem, le 20 et le 22 juin 2013

Partager cet article
Repost0
16 juin 2013 7 16 /06 /juin /2013 04:57

MIEUX VAUT N'PENSER A RIEN

 

1.
"Mieux vaut n'penser à rien
Que n'pas penser du tout
Rien c'est déjà
Rien c'est déjà beaucoup
On se souvient de rien
Et puisqu'on oublie tout
Rien c'est bien mieux
Rien c'est bien mieux que tout"
(Serge Gainsbourg, Ces petits riens)

 

2.
Tulipe noire, la nuit. Sans tige, ni pétales. Et qui emprunte ses parfums.

 

3.
Ironie à la radio à propos de cette citation attribuée à Johnny Hallyday : "Il faut remettre les pendules à leur place." Il a raison cependant, Johnny, il faut bien remettre les pendules à leur place, si on veut pouvoir les regarder en face.

 

4.
La somme de ses numéros l'ayant avalé tout entier, dissous fut-il dans une colonne de chiffres.

 

5.
Mieux vaut n'penser à rien
C'est le début d'une chanson de Gainsbourg

Et faire sa tête de chien
Si t'as pas d'jambes tu peux pas courir le marathon
Si t'as pas d'bras tu peux pas aller à la pêche au thon
Et les pêches au thon pourtant c'est bon
Que n'pas penser du tout
Qu'il continue Gainsbourg
Et faire sa tête de loup
Si t'as pas d'doigts tu peux pas
Dans la confiture les fourrer les doigts que t'as pas
Et si t'as pas d'pas tu peux pas mettre tes pieds dedans
Rien c'est déjà
Qu'il dit Gainsbourg

J'aime bien quand t'as pas d'pyjama
Bien que sans bras, sans jambes, sans tronc ni torse, ni nombril, ni épines, ni pétales, ni tige, c'est difficile, je le sais bien, pour toi, d'enfiler un pyjama, surtout quand t'en n'as pas
J'aime bien aussi les disques à Zappa
Et les films comiques au cinéma
Que si t'as pas d'yeux tu peux pas
Le regarder le cinéma
Rien c'est déjà beaucoup
Ajoute Gainsbourg

Je me demande pourquoi je suis si flou
Qui c'est qui a tout troublé mon miroir
Qu'on dirait qu'il sort d'un fumoir
Ou du brouillard de Londres le soir
On se souvient de rien
Remarque Gainsbourg
Surtout quand on a une tête de chien
Et puisqu'on oublie tout
Remarque Gainsbourg
Surtout quand on une tête de loup
Rien c'est bien mieux
Remarque Gainsbourg
Où donc que j'ai mis mes yeux
J'y vois plus rien plus rien du tout
J'me sens comme dans la gueule du loup
Et si t'as pas d'tête tu vas où ?
Rien c'est bien mieux que tout
Qu'il finit par dire Gainsbourg

Mes yeux, il les a bouffés, ce loup.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 16 juin 2013

Partager cet article
Repost0
25 mai 2013 6 25 /05 /mai /2013 09:12

GENRE J'SUIS PLUS LA

 

1.
"Ton coeur s'enflamme pour ce qui glace d'effroi."
(Sophocle, Antigone, traduit par Robert Pignarre, GF Flammarion n°1023, p.45)

 

Ton palpitant i fait rien qu'à ton
Coeur s'épater du terrible, ton coeur,
S'enflamme aux catastrophes, s'enflamme
Pour les dégringolades, pour
Ce qui est bien malheureux, pour ce
Qui vire vinaigre, vilain vertige, venin, pour ce qui
Glace les sangs et les visages, glace
D'effroi et fait fuir, à toutes jambes, cheveux dressés.

 

Note : C'est Ismène qui dit cela ("Ton coeur s'enflamme pour ce qui glace d'effroi") à Antigone ; ce n'est pas faux. Antigone est aussi une fascinée.

 

2.
"Non, je ne partagerai pas ma mort avec toi."
(Sophocle, op. cit., p. 65, [Antigone à Ismène])

 

Non, ah mais non alors, je ne vais tout de même pas la partager, non, ne veux pas partager ma place dans la légende... Partagerai pas, na ! Pas ça, pas ma solitude ontologique, ma gueule à transcendance, ma postérité littéraire... Ma soeur, va te faire voir chez les Grecs, ma mort, c'est ma mort, et toi, fais ta vie... Avec nobody, mon acte, que l'je partagerai... perso, j'suis jalouse... Toi, et tous les autres tragiques théâtreux, masques et casques, zavez qu'à aller chercher des toisons d'or, des écuries d'Augias, des baleines blanches... Moi, je reste là, dans mon trou!...

 

3.
"Tombeau, ma chambre nuptiale"
(Sophocle, op. cit. p.81)

 

Bien dit, ma fille !

 

4.
"Pareil est le destin qui me couche au tombeau"
(Sophocle, op. cit. p. 78 [Antigone])

 

Pareil à la tortue que l'aigle échappa pis qui trucida le vieil Eschyle, pareil stupide
est mon trépas que j'vas y passer, à la casserole sans fond ;

Le destin, mon
destin, çui-là sur qui vous allez en écrire des tonnes, des tomes et des théâtres, ce destin
qui me fait crever pour une poignée de sable,
me fait bien frire ! Qu'est-ce qui m'a pris donc de me lever de ma
couche pour aller faire mon intéressante, ma justicière, mon incorruptible ?
Au bal que j'aurais dû aller, me prendre une cuite, plutôt que d'aller brailler justice dans les oreilles à Créon... J'aurais pas fini  à errer comme une j'suis-plus-là avec toutes les autres ombres, j'aurais pas fini
tombeau, pendant c'te temps-là qu'les autres pouffes s'envoient en l'air avec des bouillants, des achilles, des guerriers beaux comme des hommes... Ah, Antigone, ma fille, t'es trop conne, et c'est Créon qu'avait raison.

 

5.
"Moi, je passe inaperçu, j'entends ce qu'on dit ici et là."
(Sophocle, op. cit p.71 [Hémon à Créon])

 

Moi, ombre que j'suis... je glisse, me fonds, coule le long... passe-muraille, passe-partout, passe-montagne, et muscade aussi... inaperçu mézigue... J'entends tout, j'ai l'oreille américaine... Ce qu'on murmure, susurre, intrigue et complote ; ce qu'on conte complice ; ce qu'on dit de toi, de moi, de vous, partout comme ici - la scène est sur une place à Thèbes, devant le palais des Labdacides - et ailleurs, les places, les gares, les bars, les bigophones et les boîtes à coucou, tout, j'entends tout, partout, tout, ici, ailleurs, et là, dans mon kawa, que j'me vois, et que j'me dis des choses, de ces choses-là que je ne répéterai pas.

 

6.
- Dites donc, Houzeau, seriez pas un peu cynique, non, et déloyal des fois ?
- C'est pas ça, Monsieur l'Inspecteur des illusions perdues, mais, voyez, la fée qui s'a penchée sur mon berceau, avait de grosses moustaches, de gros sourcils, fumait le cigare et parlait très vite l'américain tout en craquant un tas d'animaux, du coup, hein, n'est-ce pas...

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 25 mai 2013

Partager cet article
Repost0
1 avril 2013 1 01 /04 /avril /2013 18:17

PAR L'ENFER
Trois fantaisies inspirées par quelques mots de l'album Le Serment des Cinq Lords, de Yves Sente et André Juillard, éditions Blake et Mortimer, 2012).

 

1.
"- Par l'enfer !
- Vous ne croyez pas si bien dire, Lord Bowmore !
- Gracious goodness ! Que... qui êtes-vous ?"
(Yves Sente, André Juillard, Le Serment des Cinq Lords, p.33)

 

"- Par l'enfer et la barbe de Saturne (si tant est que Saturne ait une barbe) par l'enfer dit-il, car il n'en croyait pas ses yeux Vous vous vous vous vous comme on voit il ne trouvait plus ses mots vous dit-il enfin ne croyez (bien que je ne sache pas au juste ce que vous croyez) vous ne croyez vous ne pouvez pas savoir à quel point - Si nous en sommes à ce point, y sommes-nous ? à ce point ? non ? vous croyez ? A ce point, vraiment, comme c'est curieux... Bien que cela traîne en longueur ce vous ne croyez pas si bien dire et, bien sûr, tout est dans le bien dire... Gracious ah tiens ! vous parlez angliche des fois gracious goodness bin oui, mon gars, que je sois un fantôme qui vient vous tirer les pieds, voilà que vous en êtes tout ébaubi effaré que vous en êtes tout d'papier.

 

2.
"Le vase grec... Je n'ai pas... parlé. Mais... le manuscrit ! Il faut sauver le man... Aaaaaaahh..."
(Le Serment des Cinq Lords, p.22)

 

Le vase - les vases littéraires sont faits pour être brisés, pour que des scorpions s'en échappent - le vase donc brisé ; il est gisant à mythologie carapatée émiettée éparpillée... Grec donc avec quoi dessus ? - Le combat d'Achille et d'Hector ? Le Minotaure avec une vierge entre les dents ? Je sais pas ; j'imagine des silhouettes noires, des ombres brisées, le royaume fichu par terre, là, sur le carreau blanc et noir. Je n'ai soleil froid dehors... Pas... soleil froid dehors fouillis droit dehors dehors dehors dehors si je pouvais flanquer mes démons dehors pas... parlé... j'ai gardé l'invisible pour moi. Mais je ne suis pas le seul gardien de l'invisible. Le vase, dedans, son manuscrit ! Le manuscrit - il y a souvent des manuscrits dans les mystères - il faut bien donner à lire aux yeux, vous savez les yeux, ceux qui vous voient. Faut graver le feu des syllabes anciennes, sauver le sphinx de la mort des énigmes, sauver le que faut-il sauver mon brave ? Sauver le man... L'homme ? Oui, quel homme ? Aaaaaaahh... apparemment, ce ne sera pas vous.

 

3.
"Quelques minutes plus tard, le professeur Mortimer est de retour au musée."
(Le Serment des Cinq Lords, p.31)

 

Quelques figurines coloriées, faudrait que je joue avec ça, les Minutes de la Scène Etrange, j'appellerais ça... Plus le temps passe, plus on sait plus qu'en faire qu'on veut fuir qu'il y a trop de choses à faire qu'on voudrait faire autre chose qu'on s'est fait avoir... Le temps, c'est ce qui nous a, définitivement. Le Professeur, qui travaille dans ces histoires, - Mortimer qu'il s'appelle (ça me rappelle une vieille blague d'un chien appelé Mortimer, que quand il mord, tu meurs ; je sais pas pourquoi cette blague est liée dans mon esprit à Michel Simon ; j'ai dû l'entendre dans un film). De retour, le professeur, de retour, la route à mystères, au turbin de l'énigme, le professeur, au musée donc, puisque, vous le savez bien, mon cher Belphégor, les mystères sont dans les musées comme les minotaures dans leurs labyrinthes.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 1er avril 2013

Partager cet article
Repost0

Recherche