Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
27 juillet 2012 5 27 /07 /juillet /2012 13:27

A VOIX PENCHEE C'EST DU HOPKINS
(D'après Pied Beauty de Gerard Manley Hopkins)  

Glory be to God Glory be to God Glory be to God : à force de répéter Glory be to God, je vas finir par me glorybetogodifier. j'ai beau dire que pas croyant je suis, je vis quand même avec lui, Dieu. Que je glorifie for dappled things, bariolures & peinturlures, berlurures, huluberlures, partout de la peinture - Picasso Braque Juan Gris - partout de la peinture. Glory be to God pour les peintres : à glorifier Dieu qu'ils ont passé leur art ; même à peindre des cyniqueries, des érotiqueries, même à se moquer de tous les mondes possibles. Glory be to God pour les vaches, où qu'ils s'y mirent, les cieux, dans les taches des vaches ; et les flaches, idem, les cieux s'y mirent qu'ça skaye of couple-colour ; pour la truite itou qui truite & swimme swimme swimme trout that swim et que c'est très joli, toutes ces petites taches ondulantes vives vives vives wings wings wings qu'ça pinsonne de l'aile & ça finche des wings wings wings in the wind the wind the wind & donc chus marrons, chus dans les chemins où j'allais chuchotant ; fraîche l'herbe déjà, mon chien allant allant allant, les Landscapes rescapent le regard qui s'échappe et vole aux morceleries et marqueteries, lesquelles plottent and piecent & font friche & font front & frissonnent sous la grande aile bleue de Dieu, qui passe au-dessus de la terre en froufroutant ; et même que, dessous, ça tackle and trim hardi et qu'ça s'arrête pas d'aller dans l'étrangeté, car l'étrangeté est partout tellement partout, qu'on finit par s'y habituer, qu'on n'y finit par plus croire, qu'on se laisse tenter par le morose, par le morbide, par le triste, & on les hausse on les hausse on les hausse ses épaules & on finit par penser que Picasso Braque Juan Gris, bien sûr, ah bien sûr, c'est très beau, mais bien bizarre tout de même tout de même tout de même dites un peu.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 juillet 2012

Partager cet article
Repost0
27 juillet 2012 5 27 /07 /juillet /2012 07:23

QUOI ?

Dans Hugo, on peut se perdre dans une voix comme dans une mer (Perdu dans cette voix comme dans une mer un vers de Ce qu'on entend sur la montagne un poème des Feuilles d'automne) s'y englougloutir et sombrer, s'y noyer dans la voix, bercé des ondes et n'en pas revenir de cette voix, car il y a que, parfois, on est fasciné par une voix & c'est bien pas marrant d'être fasciné par une voix que l'on sait bien qu'il y a des gens qu'ont la voix de velours & gentille & pleine d'empathie, et que je ne sais pas s'ils s'en rendent compte, mais le crapaud sait bien que ce n'est pas là leur timbre réel, leur voix de tous les jours, qu'c'est une voix pour séduire et attraper. Crapaud qu'entend voix de fée, i fiche le camp car sinon, la fée l'attrape, le bécote et vlaf! v'là le crapaud prince charmant devenu et tête de tout à fait qu'c'en est grotesque & tout bon pour la vaisselle, la lessive, & les repas de famille, et l'entretien de la maison, & pire !... bague au doigt, les vacances dans des pays dont il sait pas quoi faire, & pis & pis quoi encor ? ah oui ! l'éducation, l'élevage des crapets, c'est pour ça alors que le crapaud préfère cloper tout seul & tout sourd, ce qui n'arrange pas sa voix & i s'en fout le crapaud, vu qu'i cause de + en + le minimum car pour dire quoi, pas la peine qu'c'est, qu'il se dit, le crapaud...

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 juillet 2012

Partager cet article
Repost0
6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 23:12

UN MORRISON UNE BIERE ET LA PLUIE

"My wild love went riding, she rode
all the day;
she rode to the devil, and asked him
to pay."
(Jim Morrison, My Wild Love)

La musique est ce qui se traverse
La musique est ce qui se traverse
Comme on la traverse la rue cette
Chanson on la traverse la mémoire
Est une maison visitée la mémoire
Par des jardins hantés la mémoire
Les souvenirs nous y repassons et
Nous nous rappelons la fille d'il
Y a longtemps un peu étrange elle
Etait la fille d'il y a longtemps
On se dit qu'elle fut notre amour
Sauvage qu'elle habite maintenant
Une chanson de Morrison c'est que
Vous vous souvenez qu'à cheval la
Fille s'en était allée et tout le
Jour avait chevauché et au diable
Etait allée au diable était allée
au diable avait demandé de payer
.

La chanson peuple le jour de ses
Multiples visages c'est l'époque
Moderne messages et visages dans
Chaque maison vous ne pouvez pas
Echapper aux messages pouvez pas
Echapper aux fantômes pouvez pas
Echapper aux messages des morts.

Vous avez le blues pour vous vous
Avez ce bon vieux blues pour vous
Qui vous dit que vous pouvez vous
Boire une bière si vous le voulez
Boire une bière si vous le voulez
Boire une bière si vous le voulez
Personne pour vous en empêcher de
Boire une bière si vous le voulez

"When I woke up this mornin' I got
myself a beer.
When I woke up this morning' I got
myself a beer.
The future's uncertain and the end
is always near."
(Jim Morrison, Roadhouse blues)

Puisque vous le savez le futur est
Incertain & la fin toujours proche

C'est qu'il est plus tard toujours
Plus tard pouvez pas l'arrêter pas
La stopper la ressasseuse à aiguilles pas
La stopper la repasseuse à regrets pas
La stopper la grande grignoteuse pas
La stopper la diseuse au salon pas
La stopper la grande répétitrice
Mais vous savez que vous pouvez vous
Boire une bière si vous le voulez en
Attendant la pluie ou le soleil vous
Boire une bière si vous le voulez la
Pluie douce pluie sur la ville tombe
Pluie douce pluie sur la ville tombe
Pluie douce pluie sur la ville tombe
& efface doucement toutes vos ombres
Qui s'en vont avec la pluie comme la
Pluie douce pluie sur la ville tombe

"Like the gentle rain, like the gentle
rain that falls."
(Jim Morrison, L'America)

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 6 juillet 2012

Partager cet article
Repost0
5 juillet 2012 4 05 /07 /juillet /2012 07:39

DE L'AGITE ET DE MOI MES SOULIERS
(En feuilletant le volume "Félix Leclerc par Luc Bérimont", collection "Poésie et chansons", n°5, Editions Pierre Seghers)

PATIENCE DE L'AGITE

"Je faisais des chansons. J'élevais des chiens. J'attendais la fin du monde, le cadenas sur la porte."
(Félic Leclerc, L'Agité)

Il y a celui qui composait des musiques ; c'est bien ça, de composer des musiques ; c'est qu'ça fait, composer des musiques, passer le temps et écrire des musiques, ça fait de mal à personne, des avec des drôles de mots dessus et aussi - des drôles de mots, ça, Félix Leclerc i le dit pas, juste que des chansons qu'il composait, le narrateur de l'Agité qu'il dit ; il emploie même le verbe faire - puis il élevait des chiens - une façon de dire qu'il ne se mêlait pas des humains - puis il attendait la fin du monde, celle déjà qu'est arrivée et qu'on sait pas & même qu'il avait mis un cadenas sur sa porte pour qu'on n'aille pas déranger l'Agité qui patiente en lui.

PUIS MES SOULIERS

ça résonne encore pour beaucoup ces mots :

"Moi, mes souliers ont passé dans les prés
moi, mes souliers ont piétiné la lun
e"

c'est la chanson Moi, mes souliers, elle sonne encore si familièrement quand elle passe à la radio. Pourtant, c'est pas tout récent, cette ritournelle à Félix Leclerc ; je dis ritournelle, c'est pas pour dire à mal ; je vis pas dans le chef d'oeuvre, moi, je passe pas mon temps à m'enthousiasmer en écoutant des quatuors à cordes et des lieders et même que, à l'opéra, ça peut en faire un fracas de tous les diables, elle s'endort vite, ma pomme, à l'opéra, dans le cosmos à ronron, en dépit des dzim-boum & des effarants trombones & pareil pour la chanson à guitare, moi, en fait, ça me gave vite, mais c'te chanson, elle est vraiment bien ficelée, marrante, pis j'aime bien le truc des souliers qu'ont piétiné la lune ; c'est plutôt bien vu dans le genre donne à rêver que piétiner la lune, c'est aussi une manière de dire que pas mal qu'on en a rêvées, des routes pour le mirifique, et qu'on en a fait du chemin pour les beaux ailleurs & qu'au passage couché chez les fées qu'on a:

"puis mes souliers ont couché chez les fées
et fait danser plus d'une "

que c'est toujours ça de pris et pis si c'est pas pris & pis si c'est que dit, alors, tant pis.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 5 juillet 2012

Partager cet article
Repost0
3 juillet 2012 2 03 /07 /juillet /2012 09:39

EN FEUILLETANT SALAMMBÔ (1) 

Fantaisies d'après quelques phrases et bouts de tirés de Salammbô, de Flaubert (cf collection Folio n°608)

1.
"le serment qu'il les surveillerait"
"les aiguilles de leurs chevelures"
"un homme d'apparence chétive"
"ils mangeaient accroupis autour de grands plateaux"
"Avant de rien entreprendre, il était bon d'essayer les bras du Dieu."
(Gustave Flaubert)

Le serment qu'il les surveillerait, il l'avait fait.
C'est qu'il ne fallait pas que les aiguilles de leurs chevelures en serpents se changeassent, sifflassent façon alexandrin racinien et menaçassent l'homme d'apparence chétive qui priait.
Pendant ce temps-là, ils mangeaient autour de grands plateaux, se bafraient de barbaques, les barbares, et rotaient à tout vent.
"Avant de rien entreprendre, il était bon d'essayer les bras du Dieu" se disait le faiseur de miracles à qui était échue la charge de machiner de quoi fasciner les yeux du peuple.

2.
"L'Annonciateur-des-Lunes" (incipit du chapitre VII)
"sa respiration secouait ses flancs maigres à les faire éclater" (p.242)
"Les Barbares vinrent s'écraser contre elle" (p.345)
"des lacs tout couverts de dragons" (p.216)
"saisi des places fortes" (p.341)
(Gustave Flaubert)

"L'annonciateur-des-Lunes" : en voilà un titre qui fait rêver. Une périphrase peut-être pour désigner l'astrologue.
Il y avait un homme. Sans doute avait-il couru longtemps le long des routes de poussière et les chemins caillouteux ; sa respiration secouait ses flancs maigres à les faire éclater.
La cité : les Barbares vinrent s'écraser trognes et cervelas, crânes et tibias, entrailles et boyaux contre elle.
Elle, elle rêvait des lacs tout couverts de dragons ; elle les dessinait d'ailleurs, à l'encre de Chine sur de grandes feuilles qui, peu à peu, se couvraient d'une foule de signes, d'yeux, et de bestioles tarabiscotées.
Alleurs dans le pays, ils avaient saisi des places fortes, renversé les anciens dieux et promulgué l'usage d'une langue nouvelle.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 3 juillet 2012

Partager cet article
Repost0
1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 05:04

FANTAISIE AUTOUR DE LA CHANSON THE SPY DE JIM MORRISON
(inclus des pt'tits bouts du texte original en italiques, mais pas beaucoup pour respecter le droit d'auteur)

Il y a aussi celui qui dit qu'il espionne, étant espion, c'est donc normal d'espionner, d'aller coller ses yeux et ses oreilles partout, qu'après, y en a qui disparaissent, faut en racheter, ça revient cher ! Il y a aussi celui qui espionne donc, dans la maison d'l'amour (wah !) qui dit qu'il est (I'm a spy in the house of love) et qui dit qui sait (qui dit qui sait qui dit qui sait fait la cymbale derrière la voix qui dit qui sait qui dit qui sait le rêve dont la donzelle, la belle espionnée (c'est quand même pas beau vilain d'espionner ainsi), le rêve donc dont la don-, dont la don- (maintenant c'est la basse) dont la donzelle rêve (I know the dream that you're dreamin' of) [Note : au passage, ami lecteur soucieux de te perfectionner dans la langue des insulaires de là-bas, tu noteras la construction de la relative "that you're dreamin' of", la préposition étant rejetée en fin de proposition, ce qui est logique et de quoi me mêle-je moi qui parle l'anglais comme une poutre espagnole (et pourquoi "poutre" ? parce que comme chacun sait, l'Espagne est le pays du bâtiment et de l'escroquerie bancaro-immobilière comme les événements récents nous l'ont appris ; ne riez pas, c'est vous qu'allez payer)]. On ne sait pas comment qu'il se feroit que le narratif - comprenez le natif du narratif, vous ai-je dit que je m'a converti au lacanisme ? - sauroit la substance des rêves de la demoiselle laquelle auroit sous sa chevelure colorée, celé en sa teste mignonnement, un mot qu'elle désireroit oïr dès que possible (à mon avis, c'est le mot money), et outre ce mot mystérieux dont seul le narratâtif a la clé (le narratatif : celui qui narratâte du narratif ; vous ai-je dit que je m'a converti au bennyhillisme), il y aurait une peur secrète (a secret fear) cachée au fond de toi (à mon avis, c'est la peur de manquer de money). Bon, après, faut pas s'étonner si l'espion se met à table, car espion amoureux parle trop, c'est bien connu et qu'il balance comme ça dans son micro que, eh bien oui, il sait tout quoi qu'elle fait, et d'où qu'elle va, et qui qu'elle voit, et que c'est normal rapport à ce qu'il est vous savez quoi, comme c'est l'un des textes de chanson parmi les plus courts de Jim Morrison, je vas m'arrêter là et regarder "Chapeau melon et Bottes de cuir" à la télévision (The Avengers in color !) dans un épisode où Steed fait une touche et Emma boit du vin rouche.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 1er juillet 2012

 

Partager cet article
Repost0
1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 03:27

BELLES AMIES D'AVANT COMME VOUS ME MANQUEZ
En feuilletant les Amours et autres textes excellents de l'excellent Pierre de Ronsard.

1.
"Mais vous embellissez de me voir à mal-aise,
Tigre, roche de mer, la mesme cruauté"
(Ronsard, Le Premier Livre des Sonets pour Helene, XXXVII)
Les féministes auront beau dire, quand ça minaude, ça minaude. De plus, si jamais le tigre est sur la roche de mer, alors vous avez intérêt d'aller pêcher ailleurs, ou d'aller carrément chercher votre poisson chez le poissonnier, c'est moins risqué.

2.
"Du Labyrinth, qui me va séduisant"
(Ronsard, Les Amours, CXXXV)
Ah bin v'là aut' chose ! Il est séduit par le Labyrinthe, çui-là ! C'est-y pas qu'il en pincerait pour la bête à cornes ? Mince, j'eusse jamais songé que Pierre de fût à voile et à vapeur !

3.
"Car cette-là, qui me fait langoureus,
Non, mais qui veut, qu'en vain je ne languisse,
Hier au soir me dit, que je tondisse
De son poil d'or un lien amoureus."
(Ronsard, Les Amours (1553), XXXVIII)
... que je tondisse... fichtre, fish and chips, Pierre de, des fois, il y allait pas avec le dos de l'écuyère a cafté (comme dirait Jean-Bernard Pouy).

4.
"Ce premier jour de May, Helene, je vous jure
Par Castor, par Pollux, vos deux freres jumeaux"
(Ronsard, Le premier livre des sonets pour Helene (1578), I)
Déjà avoir deux velus pour jumeaux, c'est curieux - pas courant en tout cas - mais en plus, "Castor et Pollux", franchement, ça fait carnaval. Zimaginez à l'école : - "Castor, Pollux, Hélène, sortez moi un peu votre récit mythologique que je vois ce que vous avez (encore) inventé..."

5.
"Apres ton dernier trespas,
Gresle, tu n'auras là bas
Qu'une bouchette blesmie :
Et quant mort je te verrois
Aus ombres je n'avourois
Que jadis tu fus m'amie."
(Ronsard, Meslanges (1555), IV, Ode a sa maistresse)
Je dis bien, le "dernier trespas", parce qu'à force de revenir, je finis par être un peu hanté, moi ! Et puis, ça s'arrange pas avec le temps, tout-ci tout ça de ton minois... Te v'là toute versiversée, helterskelterisée, sponsorisée mad movies ! ça joue les minaudes revenantes, mais tu rajeunis pas, poulette, que quand ça s'ra mon tour d'aller ombrer parmi les ombres, je sais pas si j'oserais leur dire que jadis tu fus m'amie, aïe, non, pas la poelle a frire !
Note pour le grand esprit qui s'épouvante - se catastrophe même ! - de mon orthographe (cherchez pas à comprendre) : c'est fait exprès ! si si, je vous assure, c'est pour faire style Pierre de & Ô mes aïeux, ou doncques gist ma rapiere que je vous en fende la soupiere !

6.
"Le premier jour du mois de May, Madame,
Dedans le coeur je senty vos beaux yeux,
Bruns, doux, courtois, rians, delicieux,
Qui d'un glaçon feroient naistre une flame."
(Ronsard, Elegies, mascarades et bergerie (1565), Sonet a Rhodenthe)
N'importe quoi ! Et pourquoi pas "qui d'un klaxon feroient naistre une flûte à bec" ou "d'une paire de lunette feroient naistre une épuisette" ou "d'un violon feroient naistre un jambon" ou "d'un communiste feroient naistre un démocrate" ou "d'un citron feroient naistre un aux pommes chausson" (j'inverse ici les termes parce que ça m'amuse et pour faire dire que je m'amuse d'un rien, ce qui est hautement cynique, comme chacun sait).

7.
"Je porte dans le cueur des flames incurables"
(Ronsard, je sais pas où)
Ou comment Ronsard imagina le barbecue portatif autant que personnel.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 31 juin 2012

Partager cet article
Repost0
30 juin 2012 6 30 /06 /juin /2012 16:02

SE PENCHE POUR SE VOIR

La jeune femme, une "fille" écrit Hugo, s'appelle Sara. Tout de suite, on la pense brune, la "belle d'indolence" qui se meut avec grâce sans doute, et ici se meut peu, se balance au rythme impair des vers de Hugo :

"Sara, belle d'indolence,
                 Se balance
Dans un hamac, au-dessus
Du bassin d'une fontaine
                 Toute pleine
D'eau puisée à l'Ilyssus"
(Victor Hugo, Les Orientales, Sara la baigneuse)

Sara donc, au hamac, sieste suspendue "au-dessus du bassin d'une fontaine", tout ça bien clair, bien propre, exotique à cause de l'Ilyssus (c'est oriental, je sais pas ce que c'est, m'en moque, je songe à la chevelure de Sara, à celle de Bérénice aussi, à cause de Racine, de ces tragédies méditerranéennes que l'on jouait dans le froid de Paris et les regards de Versailles).

Harmonie imitative, une légéreté ici, du frisottis, du mouvant reflet ; c'est le "l", le "r, et le "è" qui font c't'effet (cf "frêle", "escarpolette", "reflète").

Un corps blanc, celui de la baigneuse. Sara est ici vouée à l'eau de la fontaine. On pense à la chanson qui commence par "A la claire fontaine" ; on pense qu'il y a un rapport entre l'eau et la féminité (cf l'expression "perdre les eaux" et tout ce que l'on peut connoter de féminin dans le mot "eau"). On pense alors que ce n'est pas étonnant si "la baigneuse blanche se penche pour se voir" vu qu'l'eau, c'est d'la mirance, du piège à admirables. Le corps se délie en se penchant. La nuque se courbe. Les yeux cherchent leur visage. les cheveux font cascade, chute qui masque sa figure, à Sara. Une tache noire prolongée par des épaules qu'on imagine facilement dénudées :

"Et la frêle escarpolette
                 Se reflète
Dans le transparent miroir,
Avec la baigneuse blanche,
                 Qui se penche,
Qui se penche pour se voir."
(Victor Hugo, Les Orientales, Sara la baigneuse)

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 30 juin 2012

Partager cet article
Repost0
28 juin 2012 4 28 /06 /juin /2012 00:09

A RECOI

RONSARD
CONTINUATION DES AMOURS

Je veux lire en trois jours l'Iliade d'Homère,
Et pour ce, Corydon, ferme bien l'huis sur moi :
Si rien me vient troubler, je t'assure ma foi,
Tu sentiras combien pesante est ma colère.

Je ne veux seulement que notre chambrière
Vienne faire mon lit, ton compagnon, ni toi ;
Je veux trois jours entiers demeurer à recoi,
Pour folâtrer, après, une semaine entière.

Mais si quelqu'un venait de la part de Cassandre,
Ouvre-lui tôt la porte, et ne le fais attendre,
Soudain entre en ma chambre et me viens accoutrer.

Je veux tant seulement à lui seul me montrer :
Au reste, si un dieu voulait pour moi descendre
Du ciel ferme la porte, et ne le laisse entrer.

(Ronsard)

Comme je comprends ce désir d'être seul cependant que le monde se fracasse hors de nos murs, et moi aussi à l'Odyssée je préfère l'Iliade que j'en resterais, moi aussi, trois jours parmi les dieux & les hommes et les images et les figures, que je me mettrais en colère aussi, si on me venait déranger alors que je suis parmi les vers et les chants, sauf que je n'ai point de valet porteur de nom virgilien, point de valet du tout d'ailleurs, alors il me faudrait moi-même aller leur dire, à ces fâcheux, qu'ils me dérangent, chose que je n'oserai pas faire & donc, devant abandonner Homère pour Quidam, j'audirai bavardages et racontars & tout ça qu'on dit derrière le dos des gens que ça n'a pas d'importance, que c'est rien du tout à côté d'Homère ; c'est qu'à recoi j'aime, moi aussi, demeurer & d'ailleurs à recoi j'y reste, qui n'ai pas de chambrière et qui dois donc refaire tout seul mon lit. Ah la la quelle misère tout de même que, quoi qu'on fasse, d'être à recoi. A recoi, j'y reste assez puisqu'aucune Cassandre jamais ne vient. Oh là ! que me voilà bien plaintif tandis qu'il y a quelque chose de bien plaisant dans ce "du ciel ferme la porte, et ne le laisse entrer", voilà qui m'importe, voilà qui doit m'importer, cette porte du ciel qui soudain claque.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 juin 2012

Partager cet article
Repost0
25 juin 2012 1 25 /06 /juin /2012 19:38

MARC-ANTOINE GIRARD
SIEUR DE SAINT-AMANT (1594-1661)

LE PARESSEUX

Accablé de paresse et de mélancolie,
Je rêve dans un lit où je suis fagoté,
Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté,
Ou comme un Don Quichotte en sa morne folie.

Là, sans me soucier des guerres d'Italie,
Du comte Palatin, ni de sa royauté,
Je consacre un bel hymne à cette oisiveté
Où mon âme en langueur est comme ensevelie.

Je trouve ce plaisir si doux et si charmant,
Que je crois que les biens me viendront en dormant,
Puisque je vois déjà s'en enfler ma bedaine,

Et hais tant le travail que, les yeux entrouverts,
Une main hors des draps, cher Baudouin, à peine
Ai-je pu me résoudre à t'écrire ces vers.

(Saint-Amant)

Lu et relu ce sonnet ; c'est que j'en aime la nonchalance, la surprise des images. Le paresseux fagoté : il a pas envie d'aller se coltiner le dehors âpre si sec. Lièvre sans os qui dort dans un pâté : peut-être qu'il flotte entre deux zones de songe. Et puis à Don Quichotte, çui-là qu'a la triste figure et qui se bat contre moulins à vent et toutes sortes d'illusions, à cette tête d'fou qu'il se compare : Don Quichotte en sa morne folie - une mélancolie... c'est sa paresse. D'où ce goût sans doute pour l'expressivité des images qui passent, valsent lent, & se recomposent sans cesse sous sa paupière. Oui, il a l'âme en langueur, & sûr que, quand on a ce genre d'âme, on va pas fricoter avec les gens de cape et d'épée, on va pas risquer de se prendre lame dans l'âme, pour une fortune toujours hasardeuse. Donc, on prend la plume, & l'on écrit sonnets et fantaisies, où l'on se montre non pas héroïque, non pas conquérant, non pas maître de soi comme de ce monde : ni femmes soumises, ni places fortes conquises, seulement cette douceur à être à part soi, à passer tranquille le temps heureux, qu'est toujours si court.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 25 juin 2012

Partager cet article
Repost0

Recherche