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13 février 2014 4 13 /02 /février /2014 00:00

COMME DIABLE EN BOÎTE

 

1.
Je suis bien trop poli pour confondre les êtres avec les choses, et des fois, je me dis que j'ai tort.

 

2.
Tiré de René Char: "Nous n'appartenons à personne"; "sinon au point d'or"; "cette lampe inconnue de nous" (cf Feuillets d'Hypnos, 5)

 

3.
"Nous n'appartenons à personne", et pourtant nous n'avons pas le sentiment d'être si libres.

 

4.
Le but de la plupart de nos actes est, consciemment ou pas, de limiter notre propre liberté.

 

5.
"Nous n'appartenons à personne": Nous n'appar l'être nous y tenons quand même, à ce jeu de personne.

 

6.
Je préfère être tenu à part plutôt qu'appartenir. De plus, je crache très loin.

 

7.
"sinon au point d'or": Sinon, qu'est-ce que ça fait, au point où... d'or, le songe, qui rêve de cuivre.

 

8.
"Inconnue", cette "lampe de nous", dont nous ne sommes même pas les génies.

 

9.
Avoir tort, quelle ruse tout de même ! Le tout est dans le dosage, car le tort tue.

 

10.
Je dirais bien que la démocratisation de l'accès à l'art est plutôt une catastrophe esthétique, mais je vais encore me faire traiter de facho.

 

11.
Tiré de René Char: "inaccessible à nous"; "qui tient éveillés le courage et le silence"; "Autant que se peut"; "enseigne à devenir" (cf "Feuillets d'Hypnos").

 

12.
On a beau f, on a beau f, on a beau f, inaccessibles de nous à nous, nous; le soi s'échappe toujours par cette porte que nous n'arrivons même pas à entrevoir.

 

13.
Exister, c'est laisser venir la mort en faisant bonne figure de toutes les apparences d'une bonne vie. C'est là toute notre ruse.

 

14.
On croit s'armer, qu'en fait, on s'affuble.

 

15.
Le tout, dans la cage sombre, c'est de les tenir éveillés, ces deux sphinx, "le courage et le silence".

 

16.
Les autres, ces vulgarités savantes.

 

17.
Des fois, les fêtes, elles masquent à peine le fond macabre qu'elles ont et où elles puisent leur énergie désespérée.

 

18.
Des fois, je me dis que je me relève comme herbe tenace, comme flamme au vent, comme diable en boîte.

 

19.
Vous savez, des fois, l'écriture, une flamme froide qu'c'est.

 

20.
Comme il me disait que, humainement parlant, le sphinx, ça brûle, je lui servis un verre d'eau.

 

Note: Etrange, c'est plutôt le phénix qui conviendrait ici, non ? Quelle énigme ! Je devrais peut-être freiner sur le veau doux.

 

21.
"Autant que se peut" est une formule qui, appliquée à moi-même, ne peut que me faire rire.

 

22.
"Enseigner à devenir", quelle dérision, quand on ne sait pas soi-même où l'on va.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 12 février 2014

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12 février 2014 3 12 /02 /février /2014 23:37

PRESSION DES CHANCES

 

1.
Tiré de René Char: "Pression des chances"; "Sur les blés"; "La neige ne fond pas gaiement"; "descendue de l'air". 

 

2.
"Pression des chances": Ah non alors ! Il y faut les mains, la pression des chances ne suffit pas !

 

3.
"Sur les blés": Et alors Saint Traideur marcha sur les blés, et tous crièrent au dollar.

 

4.
J'aime bien quand René Char écrit "La neige ne fond pas gaiement". Et je dirais même qu'elle se morfond, la neige.

 

5.
"descendue de l'air": Celui-là, voyez, qu'on voit pas, qu'on remarque pas, il serait descendu de l'air de rien que ça ne m'étonnerait pas.

 

6.
Tiré de René Char: "Qu'une vitre héberge son souffle"; "Comme le veulent les amants".

 

7.
"Qu'une vitre héberge son souffle": Pourra-t-on dire alors que c'est une vitre soufflée ?

 

8.
"Comme le veulent les amants": Qu'on leur fiche la paix, je suppose.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 12 février 2014

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12 juin 2012 2 12 /06 /juin /2012 14:29

CE N'EST PAS LA LUNE QUI TREMBLE
En feuilletant Fureur et mystère.

1.
"Être poète, c'est avoir de l'appétit pour un malaise..."
(René Char, Seuls demeurent, Partage formel, XLII)
C'est que l'ogre à syllabes ne se nourrit pas d'amour joli et d'eau fraîche d'oiseau à la fontaine ; il lui faut convoquer les spectres pour les dissiper ; il lui faut convoquer ce qui est plus fort que lui pour être à son tour que fort que soi. Ceci dit, c'est bien du tintouin, tout ça, autant écrire La Négresse blonde.

2.
"... et la prison mordue"
(René Char, Feuillets d'Hypnos, 221)
Les humains se créent des prisons dont, chiens rongeant leurs os, ils ne cessent de dénoncer, de maudire les barreaux. Ils n'ont pas tort, s'ils n'ont pas raison.

3.
"Comète tuée net..."
(René Char, Seuls demeurent, Le bouge de l'historien)
C'est par l'écho que l'expression ici impose sa netteté.

4.
"Tant de stratagèmes s'emploient dans la mémoire !"
(René Char, Les loyaux adversaires, L'ordre légitime est quelquefois inhumain)
La mémoire nous joue des tours et des détours. C'est ainsi qu'elle s'apparente au labyrinthe, et que nous nous y perdons, courant après des masques derrières lesquels il n'y a plus rien, ou alors c'est le gnome à la hache.

5.
"Ils sont l'équivalent des livres dont la clé fut perdue."
(René Char, Les loyaux adversaires, La patience)
Il faut considérer les êtres que nous fréquentons comme des livres dont nous avons perdu la clé. Nul ne peut connaître personne ; nous ne faisons qu'interpréter. Du reste, la bonne marche du social nous oblige à ne voir dans les autres que des masques polis et nécessaires.

6.
"le poète comme l'araignée"
(René Char, Seuls demeurent, Partage formel, XXXIX)
Le poète comme l'araignée patiente dans la rareté des mouches.

7.
"la bêche sidérale"
(René Char, Seuls demeurent, Conduite)
C'est qu'elle nous bêche la tête, la sidèrale, elle nous retourne l'esprit avec ses équations à n'en plus finir que Dieu où ai-je la tête ?

8.
"Le poète est la genèse d'un être qui projette et d'un être qui retient." (René Char, Seuls demeurent, Partage formel, XLV)
Et comme la mémoire parle une langue étrangère et l'avenir est aussi incertain qu'une bonne volonté, le poète n'est pas sorti de son auberge.

9.
"Perdant tous les morts que j'aimais" (René Char, Seuls demeurent, L'éclairage du pénitencier)
Plus nous avançons en âge, plus nous perdons de vivants ; et puis, ces vivants, une fois morts, petit à petit, à mesure que ça se réduit comme peau de chagrin, la boîte à songes, on finit, les morts, par les perdre, eux aussi.

10.
"jambes narratives" (René Char, Les loyaux adversaires, La patience)
C'est que nous parcourons le monde avec des jambes narratives : nous nous fascinons pour les histoires ; elles sont le sel de nos trouvailles.

11.
Ce n'est pas la lune qui tremble, c'est la flaque.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 12 juin 2012

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11 juin 2012 1 11 /06 /juin /2012 08:37
CE QUE PEUT FAIRE LE POEME
(en lisant Maison doyenne de René Char)
Ce que peut faire le poème évoquer le froissement, tressaillement ; la fenêtre alors pleine de feuilles agitées, avec derrière ce tressaillement, ce frisson - souffles dieux masques - cette ancienne langue du labyrinthe, les herbes, elles, le long du visage, provoquent l'infini. Je ne cherche pas à comprendre ce que voudraient bien dire les beaux poèmes
- ceux de René Char - je songe qu'ils ont été composés dans la langue étrangère qui sied aux messagers des palais, une langue très belle et très secrète, une langue de masque antique, une langue à attirer les fantômes, une autre langue pour une autre vie, aussi fermée, aussi visible qu'une pierre immaculée.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 11 juin 2012
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20 septembre 2010 1 20 /09 /septembre /2010 12:53

FIDELITE

« En robe d’olivier
                                         l’Amoureuse
  avait dit
                    Croyez à ma très enfantine fidélité.
                              Et depuis, »
(René Char, Dansons aux baronnies in Le Nu perdu)

 

Et pourquoi pas une jupe en pin, de l’être en hêtre… de la parure d’herbes… pour tracer le trait de l’Amoureuse celle-là qui use de politesse pour signifier sa très enfantine fidélité. Ça initie, faut croire, ça marque le temps d’un début, ça jette un depuis sur la route… C’est que le petit Poucet de la langue en sème des adverbes pour la retrouver sa route dans la forêt des signes…

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 19 septembre 2010

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13 septembre 2010 1 13 /09 /septembre /2010 15:10

Montagne.

 

« Montagne des grands abusés, / Au sommet de vos tours fiévreuses / Faiblit la dernière clarté. » (René Char, Pyrénées, in Les Matinaux, suivi de La parole en archipel, Poésie/Gallimard).

Hauteurs. Ce qui prend de la hauteur commande aussi le complément de nom (cf le prince de ceci, le roi de cela, et d’autres sommités) : « Montagne des grands abusés ». La hauteur implique facilement la grandeur, fût-elle ironique, cette grandeur des « grands abusés ». Qui donc ces grands abusés ? –– Des égarés ? – Des hérétiques ? – Des illuminés ? – De pures folies ? Gravir des montagnes pour aller se tromper : summum de l’ironie ? Aller au bout de son erreur prouve le courage, la détermination. L’authenticité au service de la gourance. Par association d’idées, je pense (ah ! tiens donc…) au Comte de Permission repassé par la langue si fabuleusement claire, si ironiquement logique, de Orlando de Rudder.

Octosyllabes. Ceux des épopées. L’épique parcourt le poème comme cavalerie dans la plaine. Une fois passée, l’herbe blanche de la page… Dans ces douze octosyllabes, les mots « tours », « troubadours », « royaume ». Des mots qui l’évoquent, le passé, ce révolu que la langue persiste à affirmer (jusqu’à ce que les mots « tours », « troubadours » et « royaume » ne soient plus compris que par quelques mandarins). Une dernière clarté alors, comme une torche, un flambeau que la nuit s’apprête à souffler, pour le « rien que le vide », ainsi qu’il est dit ensuite dans le poème.

 

Patrice Houzeau, Hondeghem, le 13 septembre 2010

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4 mars 2009 3 04 /03 /mars /2009 16:24

DU FRUIT DE L'OURAGAN, LE SOL QUI RECUEILLE

Les éléments sont en interaction
constante. Ainsi, le narrateur l'indique :

Le sol qui recueille n'est pas  seul à se fendre sous les opérations de la pluie et du vent. (1)

La pluie, le vent gouvernent le monde. De leur intensité dépendent les récoltes, les travaux et les jours, la composition des visages.

D'où une pluie et un vent fabriques de temps, de temps qu'il fait, de temps qui passe, qui pulvérisent l'instant en une multitude d'éclats de miroirs brisés, éparpillant mille "renards étranglés par un lacet de fer", mille "ineffaçables", mille cris, mille larmes, mille morts, mille "taches de vin sur la joue de mille enfants", mille montres cassées, mille raisons de mourir et mille raisons de vivre, d'où une pluie et un vent pour recommencer, repartir, dans la continuité catastrophique de la mémoire. (2)

Recommencer, repartir. Pour René Char qui a été résistant durant la Seconde Guerre Mondiale et qui donc n'a rien publié entre 1938 (Dehors la nuit est gouvernée, G.L.M.) et 1945 (Seuls demeurent, Gallimard), c'est reprendre le patient travail du texte qui exige que les événements mystérieux du poème ne soient pas hâtés.
Ainsi, pour ne pas précipiter le poème dans une ivresse sans raison, le narrateur a recours parfois à un tendre impératif :

Ne viens pas trop tôt, amour, va encore ; (3)

Et même si, naturellement :

Les feuilles d'avril sont déchiquetées par le vent
, (3)

il faut laisser "la terre apaiser sa surface et refermer ses gouffres" (3) pour pouvoir dire à haute voix :

Amour nu, te voici, fruit de l'ouragan ! (3)

Notes : (1) : René Char, Uniment (in Eloge d'une Soupçonnée précédé d'autres poèmes , Poésie/Gallimard, p. 88).
(2) : René Char, Faire du chemin avec... : "L'instant est une particule concédée par le temps et enflammée par nous. C'est un renard étranglé par un lacet de fer. C'est ineffaçable, une tache de vin sur la joue d'un enfant, don du jeu des roseaux qu'agite la mémoire." (op. cit. p. 16).
(3) : René Char, Ne viens pas trop tôt (op. cit. p.120).

                  Patrice Houzeau
                  Hondeghem, le 16 août 2005

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4 mars 2009 3 04 /03 /mars /2009 15:46

Nous faisons nos chemins comme le feu ses étincelles. (René Char, Eloge d'une Soupçonnée précédé d'autres poèmes, Poésie/Gallimard, p.130).

Ainsi les insectes, véritables maîtres de ce monde d'herbes et de morts, sont énergie pure, feu froid d'antennes, de pattes, de mandibules, habitants des "vergers transhumants" puisque le vent est porteur de semences.

La phrase est ainsi rythmée : 3/3/4/4 mais la syllabe féminine qui termine la séquence semble rompre avec le rythme de marche des syllabes toniques masculines et pourrait évoquer le jaillissement épars des étincelles du feu :

Nous faisons / nos chemins / comme le feu / ses étincelles.

Nous trouvons un effet similaire dans la très jolie expression de Jean le Boël : Sur les chemins ouverts où le "è ouvert" évoque cette "ouverture des possibles" qui caractérise l'enfance ainsi que les chemins de notre imaginaire.

               Patrice Houzeau
               Hondeghem, le 7 août 2005

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3 mars 2009 2 03 /03 /mars /2009 15:55

A PROPOS D'UN VISAGE

La poésie n'est pas seulement épique ou longue de souffle.
Elle est parfois simple notation, croquis.
Visage surpris dans la fugacité du temps.

SUR LE VOLET D'UNE FENÊTRE

Visage, chaleur blanche,
Soeur passante, soeur disant,
Suave persévérance,
Visage, chaleur blanche.
    (René Char, Les loyaux adversaires,
Fureur et mystère, Poésie/Gallimard, p.157)

Chaque son de ce quatrain n'est pas unique. Chaque son trouve son écho dans ces quatre vers : répétitions, allitérations, - ce [s] doucement sifflant, solaire -, - ce [s] féminin, sororal, chauffé au blanc de la peau et de l'été -, et les assonances surtout : ce [a] qui ouvre une bouche muette (6 occurrences) et cette blancheur de la soeur passante, de la soeur disant, cette persévérance de la chaleur blanche, cette persistance du visage qui ôte tout pittoresque à la représentation de ce qui ne pourrait être qu'un graffiti tracé à la craie "sur le volet d'une fenêtre" au profit de l'humble puissance d'un masque de théâtre ou des quelques lignes courbes qu'un passant a laissées dans la nuit formidable de son amour.
Ainsi le texte poétique est-il lié à l'acte de peindre ainsi qu'à la musique.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 25 mars 2006

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1 mars 2009 7 01 /03 /mars /2009 11:05

"EAUX DE VERTE FOUDRE"
Note sur Médaillon de René Char (cf Seuls demeurent in Fureur et mystère, Poésie/Gallimard, p.30)

On peut rêver l'alliance de l'eau et de la foudre comme dans cette phrase de René Char :

Eaux de verte foudre qui sonnent l'extase du visage aimé,

et se souvenir que l'extase vient du grec ekstasis et signifie donc originellement "transport", et ici, le jaillissement de l'éclair, le mouvement brusque du reflet dans l'eau qui révèle le "visage aimé".

Mais les eaux révélatrices sont aussi les

eaux cousues de vieux crimes,

les eaux refermées sur les cadavres jetés, les secrets engloutis.
Et sous cette peau des

eaux amorphes
,

on ne peut rien deviner encore des bouleversements, des révolutions porteuses des nouveaux "sacres" :

eaux saccagées d'un proche sacre...

qui pourrait tout simplement être celui du "printemps" ou de la prochaine saison, le sacre des grenouilles ou celui des roseaux...
C'est peut-être pour cela que

le fontainier salue des lèvres l'amour absolu de l'automne.

Cependant, le poète évoque "l'identique sagesse" des saisons et emploie le présent du subjonctif pour conjurer "le découragement" :

qu'il sente s'élancer dans son corps l'électricité du voyage.

C'est ainsi que l'on peut espérer "composer l'avenir", dans l'éclair révélateur, l'acte authentique, qui brise les eaux stagnantes, parcourt la sagesse des années et annonce d'autres saisons, d'autres campagnes.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 26 octobre 2005

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