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30 janvier 2009 5 30 /01 /janvier /2009 11:43

COMME BRISEE PAR UN ECLAIR

« comme une bouteille brisée par un éclair. » (Pablo Neruda, Anti-dossier in Résidence sur la terre, traduction de Guy Suarès, Poésie/Gallimard, p.89)
Le verre fracassé de ce vers arrête l’œil dans sa course le long du poème.
Impression visuelle qui induit une brève apparition de l’éclat.
Cependant que la vue d'une bouteille brisée, - ce qui n'est pas rare en soi -, peut effectivement induire la pensée de l'éclair, - l'impression fugitive de l'éclair -, le poème a le mérite de réunir en une même image "la bouteille brisée" et "l'éclair" qui, dès lors, ne cesse plus de briser cette bouteille.
Ainsi, la probabilité que l’on puisse réellement assister à l’incident est très faible.
C’est cette rareté qui lui confère presque un statut d’événement.
En tout cas, un statut d’événement dans le poème, un statut d’événement poétique.
Pablo Neruda est un auteur baroque ; il accorde de l’éclat à ses vers qui n’évoquent pas seulement l’histoire du Chili (Le Chant général) mais aussi la mélancolie des êtres du quotidien :

"C’est la nuit profonde, la tête sans veines
d’où tombe soudain le jour
comme une bouteille brisée par un éclair."

(…)

"Roulez avec moi dans les bureaux, dans l’odeur
indécise des ministères, des tombes et des estampilles.
Venez avec moi vers le jour blanc qui se meurt
En poussant des cris de fiancée assassinée. »

Que le poème se termine ainsi, par des « cris », des cris de « fiancée assassinée » ne peut qu’évoquer ce malaise, cette panique qui court dans les villes ; très subjectif que je suis, je suis à peu près sûr qu’il ne peut y avoir de société heureuse. Bien sûr, le Chili de Pinochet a été infiniment plus malheureux que la France de Pompidou, mais un meurtre est un meurtre.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 28 février 2007

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