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9 mai 2012 3 09 /05 /mai /2012 09:29

DIEU ME SAUVE !

1.
Matamore s'adressant à Isabelle :
"Vous avez, Dieu me sauve ! un esprit à ma mode
(Corneille, L'illusion comique, II, 4, v.433)
Révélateur subjonctif présent.

2.
"On me vengeait de toi par delà mes désirs"
(illusion comique, IV, 3, v.1139 [Lyse])
Sans doute nous vengeons-nous sans cesse sur nous-mêmes de nos désirs inassouvis autant que de ceux que nous aurions dû éprouver.

3.
"Il nous faut sans réplique accepter ses arrêts"
(illusion comique, I, 2, v.160 [Dorante])
Nous méditons souvent des répliques que jamais nous n'oserons prononcer. Notre voix elle-même s'y briserait, verre soumis à un liquide bouillant.

4.
"Sans vous faire rien voir, je vous en fais un conte"
(illusion comique, I, 3, v.189 [Alcandre])
C'est là l'essence de la littérature que de dire "sans faire rien voir". C'est que les signes sont porteurs d'images, coques qui s'ouvrent et libèrent dans notre esprit figures et masques. On me dira que ce ne sont pas les signes en eux-mêmes qui véhiculent les images. Oui, ce sont plutôt des clés, les signes, qui ouvrent la porte aux représentations.

5.
"Où pouvait être alors la reine des clartés?"
(illusion comique, II, 2, v.303 [Clindor])
Jolie périphrase pour dire la raison. La réplique de Matamore en devient alors fort comique :
"Au milieu de ma chambre, à m'offrir ses beautés.
Elle y perdit son temps, elle y perdit ses larmes"
(v.304-305)
J'en conviens: je tire ici la "reine des clartés" par les cheveux, qu'elle a, je suppose, blonds et soyeux.

6.
"Je ne suis que servante : et qu'est-il que valet ?"
(illusion comique, II, 9, v.615 [Lyse])
Louable humilité, et fort belle lucidité. La modernité a fonctionnarisé servantes et valets, leur a accordé des gages assez conséquents et le droit de se syndiquer. Mais le pli est pris, et leurs paroles, et leurs actions soulignent assez ce goût pour la servilité qu'ils appellent citoyenneté.

7.
"Sinon, vous êtes mort. Voyez déjà paraître
Sous deux fantômes vains votre fils et son maître."
(illusion comique, II, 1, v.217-218 [Alcandre])
Nous avons la vanité des fantômes : nous sommes si peu, que bientôt nous ne sommes plus.

8.
La représentation ne finit-elle pas par gober le référent - miroir avalant celui qui s'y reflète - de telle sorte que l'on peut comprendre l'islam qui interdit toute représentation du dieu unique.

9.
La modernité se caractérise par l'inflation des représentations : autant de miroirs où elle finit par ne plus s'y retrouver, par ne plus s'y réfléchir que par éclats contradictoires.

10.
"Et tu me suivais moins que tes propres désirs."
(illusion comique, V, 3, v.1412 [Clindor])
Sans doute obéit-on plus à ses propres désirs qu'aux désirs de l'autre. Ou alors, c'est qu'il y a quelque masochisme dans cette nécessité que nous nous donnons de vivre avec autrui. De la maturité, dit-on, celle de savoir faire passer l'intérêt de l'autre avant notre propre intérêt, celle de savoir faire des compromis. C'est qu'à force, on risque bien aussi de se compromettre.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 9 mai 2012

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 10:11

TOI SEULE

1.
"... et Matamore le Capitan s'identifie au génie de la comédie."
(Marc Fumaroli, Notice in l'illusion comique, Corneille, Classiques Larousse, p.21)
Sans ce génie de la comédie, l'art se diviserait en deux antagonismes : oeuvres sérieuses, plus ou moins ennuyeuses et éthiques, fort propres à constituer un art officiel, ou un art dit "d'auteur", face aux multiples masques du bouffon, de la dérision, de la parodie, de la contre-culture.
Le réel est tragique ; aussi est-il grotesque.
Il serait hypocrite, voire machiavélique, de systématiquement favoriser l'art sérieux contre le mauvais genre. Soyons honnête : les citoyens ne sont guère moraux, et c'est surtout un aimable opportunisme, tempéré par l'affectif, qui dirige la plupart de leurs actions.

2.
L'arme la plus communément répandue est sans aucun doute le couteau dans le dos.

3.
"Son originalité n'est pas dans la matière, mais dans la manière." (Marc Fumaroli, ibid. p.27)
L'illusion comique (1636) devrait beaucoup à une pièce de Scudéry (la Comédie des comédiens, 1635). C'est donc par le style que Corneille se montre original. L'étoffe est toujours la même ; c'est l'art du couturier qui fait la différence.

4.
"Alcandre les présente [les aventures de Clindor] comme une réalité passée, que ses charmes magiques ont le pouvoir de remettre au présent."
(Marc Fumaroli, ibid.)
Les historiens ont cette ambition de présenter une réalité passée. Evidemment, ils ne peuvent en présenter que des fragments. C'est que le réel est fait d'objets tangibles, mais aussi de virtuel (paroles envolées, non-dits, actes manqués, pensées intimes, humeurs et climats). On ne peut donc que supposer, qu'avoir d'intimes convictions à l'examen des faisceaux de présomptions. Il y faudrait des "charmes magiques", mais les "charmes magiques" n'existent pas, puisqu'il n'y a qu'illusion comique.

5.
"Isabelle, toi seule, en réveillant ma flamme,
Dissipes ces terreurs et rassures mon âme"
(Corneille, L'illusion comique, IV, 7, v.1277-78 [Clindor])
Clindor se fascine : l'évocation d'Isabelle apaise son coeur tourmenté, dissipe ses terreurs, rassure son âme, réveille son énergie vitale. L'expression "toi seule" souligne l'exclusivité de la fascination ; elle isole ainsi l'objet fascinant de telle sorte que beaucoup n'apprécient pas tant que ça de fasciner leur prochain. Cela, certes, flatte l'orgueil, mais c'est sans doute bien encombrant de se savoir si seul(e) dans l'esprit de quelqu'un.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 8 mai 2012

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 05:26

LA LANGUE DIT JUSTE, L'OEIL VOIT FAUX.

1.
Ce titre - l'illusion comique -, définit le mirage qui, au lever du rideau, se présente à nous d'un espace investi par des êtres de chair et de sang qui, sous nos yeux, déroulent une autre vie dans une autre époque, et c'est aussi comme un rappel de la condition grotesque et fatale des bipèdes bavards.

2.
"Ne traitez pas Alcandre en homme du commun ;
Ce qu'il sait en son art n'est connu de pas un."
(Corneille, L'illusion comique, I, 1, v.47-48 [Dorante])
Être en son art comme en sa maison ; être en son art comme être en soi. Pas facile de pénétrer dans cette forteresse. Pas facile de pénétrer dans une maison du Mystère, puisque, Alcandre, ce qu'il sait de la magie, ou du théâtre, "n'est connu de pas un".

3.
"Insolente, est-ce ainsi que l'on se justifie,
Quel maître vous apprend cette philosophie ?"
(illusion comique, III, 1, v.653-54 [Géronte])
La philosophie permet de déployer tous les artifices de la rhétorique. Il s'agit d'y attraper la signification du réel. Les medias modernes déversent du matin au soir des charretées de philosophèmes, anathèmes, procès, minuties, arguments, points de vue, opinions, saillies, traits d'esprits, moqueries, railleries, citations, avertissements, hommages, proverbes, mensonges, rumeurs, vite-dits, on-dits, prétéritions, prédictions et promesses. Certes, nous sommes à l'ère de l'image ; nous sommes aussi à l'ère du commentaire de l'image. Nous vivons une époque légendaire.

4.
Se peut-il qu'il y ait autre chose que les images et leurs légendes pour signifier la complexité du réel ? Je ne crois pas en la télépathie. L'humain est un créateur de réprésentations, et c'est en le représentant qu'il réalise le réel.

5.
"Vieux rêveur, malgré toi j'attends ici ma reine."
(illusion comique, III, 7, v.865 [Matamore])
Le vieux rêveur, ma pomme pourrait être... lunaire... un malgré soi, un qui devrait pas être là qu'est là quand même... s'exagérant en bouffon hyperbolique et rêvant une reine dans quelque face à minaudes.

6.
"J'ai le corps si glacé que je ne puis courir."
(illusion comique, III, 7, v.876 [Matamore])
Matamore glacé tentant en vain, empêtré qu'il est dans la glace, de prendre son élan. Voilà un sujet de statue.

7.
"Mon ombre chaque jour viendra t'épouvanter"
(illusion comique, IV, 1, v.1016 [Isabelle])
Ce serait pratique, évidemment, si l'on pouvait lâcher son ombre sur quelque fâcheux lointain. Son ombre, c'est-à-dire un double de son ombre, un des doubles de son ombre, cependant qu'on continuerait à vaquer à ses affaires en compagnie de l'originale.

8.
La langue dit juste, l'oeil voit faux.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 8 mai 2012

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 04:05

VOUS CONQUÊTE

1.
"O Dieux ! Je sens mon âme après lui s'envoler."
(Corneille, L'illusion comique, II, 1, v.219 [Pridamant])
Quand l'homme se sent s'envoler : l'extase peut-être. Le ravissement. Le corps serait-il une prison, une cage dont on chercherait à s'échapper ?
2.
Dieu, une clé que les humains aperçoivent entre les barreaux de leurs prisons et qu'en tendant le bras, ils tentent plus ou moins désespérément d'attraper.

3.
La tragédie classique fait du pire des tyrans un prodige esthétique.

4.
"Ce bras tout aussitôt vous conquête un empire"
(illusion comique, II, 4, v.417 [Matamore])
La vieille forme "conquête", ici bien plus amusante que l'austère "conquiert". Elle sied à la désinvolture grande gueule de Matamore :
"Vous le pouvez bien croire, et pour le témoigner,
Choisissez en quels lieux il vous plaît de régner :
Ce bras tout aussitôt vous conquête un empire ;
J'en jure par lui-même, et cela c'est tout dire."
(illusion comique, v. 415-418 [Matamore])

5.
"Oui, mais les feux qu'il jette en sortant de prison
Auraient en un moment embrasé la maison,
Dévoré tout à l'heure ardoises et gouttières,
Faîtes, lattes, chevrons, montants, courbes, filières,
Entretoises, sommiers, colonnes, soliveaux,
Pannes, soles, appuis, jambages, travetaux,
Portes, grilles, verrous, serrures, tuiles, pierre,
Plomb, fer, plâtre, ciment, peinture, marbre, verre,
Caves, puits, cours, perrons, salles, chambres, greniers,
Offices, cabinets, terrasses, escaliers.
Juge un peu quel désordre aux yeux de ma charmeuse;
Ces feux étoufferaient son ardeur amoureuse.
(illusion comique, III, 4, v.747-758 [Matamore])
Matamore a peur de l'éclat de la lame sort ant du fourreau, comme le prouve l'abondante et comique énumération des éléments de la maison en proie à un incendie aussi soudain qu'imaginaire. Notons qu'il semble se laisser emporter par son discours, jusqu'à s'en fasciner. Il ne revient à lui qu'au moment où il évoque celle dont il est vainement amoureux.

6.
Souvent, nous craignons les choses au seul bruit qu'elles font. Les hordes cornemusant dans la brume faisaient craindre, dit-on, l'apparition de monstres inédits.

7.
"Et [je] consens que tu sois aujourd'hui la maîtresse"
(illusion comique, IV, 3, v.1134 [Isabelle])
Isabelle parle ainsi à sa servante Lyse.
C'est ce que nous devons à la bonne comme à la mauvaise fortune : consentir à ce qu'elle soit chaque jour la maîtresse de nos actions.

8.
"Et je sais un vieux mur qui tombe tous les jours :
Nous pourrons aisément sortir par ses ruines."
(illusion comique, IV, 6, v.1220-21 {Le Géôlier])
C'est par les "ruines" que l'on s'échappe. Toujours. On ne sort pas d'un cercle parfait.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 8 mai 2012

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7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 09:37

IL EST VRAI QUE JE RÊVE

1.
J'aime ce titre - "illusion comique" - parce qu'il renvoie au grotesque de l'humain qui se joue la comédie et vit dans l'illusion de sa puissance.

2.
"Il est vrai que je rêve, et ne saurais résoudre"
(Corneille, l'illusion comique, II, 2, v.225 [Matamore])
Du rêve que nous faisons de nous-même viennent la plupart de nos irrésolutions, de nos procrastinations et des fatalités de nos actes manqués. Ainsi lâchons-nous la proie pour l'ombre de nous-même.

3.
Les imaginatifs perdent souvent patience quand le réel ne coïncide pas avec la vision qu'ils s'en font. Aussi finissent-ils souvent par s'exiler eux-mêmes dans leur propre royaume où ils en veulent longtemps aux autres d'être si réellement réels.

4.
"Demain de mon courage on doit faire un grand crime"
(illusion comique, IV, 7, v. 1257 [Clindor])
C'est là le châtiment des trop audacieux, des courageux à tout crin, de ceux qui prennent l'existence pour une corrida.

5.
"Il a caché son nom en battant la campagne"
(illusion comique, I, 3, v. 205 [Alcandre])
Quand on bat la campagne, il vaut mieux, en effet, cacher son nom. C'est qu'on y croise d'autres errants qui pourraient colporter fausses nouvelles et rumeurs malveillantes. Pour rester inconnu, il faut donc se débrouiller pour ne croiser personne, rester invisible, disparaître, se fondre dans l'ailleurs.

6.
"Et je sais un vieux mur qui tombe tous les jours"
(illusion comique, IV, 6, v. 1220 [Le Géôlier])
Cet indicatif présent m'amuse qui mêle l'effritement à la répétition.

7.
"Hélas ! que j'aide bien à m'abuser moi-même!
Je vois qu'on me trahit, et veux croire qu'on m'aime"
(illusion comique, V, 3, v.1489-90 [Isabelle])
Nous persistons trop souvent dans cette erreur de croire que nous sommes aimés au delà de notre simple utilité. C'est que le sentiment amoureux peut nous donner l'illusion d'être irremplaçable. Quant à l'amitié, elle est la plupart du temps simple contingence. Nos amis sont interchangeables ; ils ne dépendent jamais que des circonstances.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 7 mai 2012

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2 février 2009 1 02 /02 /février /2009 01:03

PRESENT D'EFFONDREMENT ET FUTUR DE VANITE

I) PRESENT D'EFFONDREMENT

"On nous tient des chevaux en main sûre aux faubourgs ;
  Et je sais un vieux mur qui tombe tous les jours (1) :
  Nous pourrons aisément sortir par ses ruines (2)."
  (Corneille, L'illusion comique, Acte IV, Scène 6, vers 1219-1221)

(1)
Ce présent me plaît qui exprime le lent effritement d'un "vieux mur". J'appellerais bien cela un "présent d'effondrement" mais les agrégés de grammaire et l'ensemble de la cuistrerie du beau langage pourraient me le reprocher (notez que je distingue ici les deux corporations puisque l'on peut bien être cuistre sans être grammairien, et même être grammairien et aimer la plaisanterie).

(2)
Que ce "présent d'effondrement" permette l'évasion d'Isabelle et de Clindor, de Lyse et de son geôlier, me ravit, évidemment.

II) FUTUR DE VANITE

"Je n'écouterai plus cette humeur (1) de conquête" (Corneille, L'illusion comique, Acte II, Scène 4, vers 425)

1)
"Ecouter ses humeurs", c'est peut-être prêter attention à cette rumeur de ce que l'on nomme "âme". Bah ! Ce n'est jamais que l'indifférent frou-frou de l'écume.

2)
Voilà donc Matamore qui prétend renoncer à son appétit de conquête. Cependant, n'étant conquérant de rien, il ne renonce à rien d'autre qu'à la grandiloquente affirmation de sa matamoresque identité.
Du reste, j'ai parfois l'impression de vivre un présent d'effondrement, effectivement, tandis que de fort bonnes âmes continuent à nous bercer des illusions d'un futur de vanité, je le crains.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 24 octobre 2007

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2 février 2009 1 02 /02 /février /2009 00:59

FRONDE

ADRASTE
Ce belître (1) insolent (2) me fait encore bravade.

LYSE
A ce compte, Monsieur, votre esprit est malade ?

ADRASTE
Malade, mon esprit ? (3)

LYSE
                                       Oui, puisqu'il est jaloux (4)
Du malheureux agent de ce prince des foux. (5) (7)
    (Corneille, L'illusion comique, Acte II, scène 8, vers 565-568)

(1)
Quand je ne peux plus supporter mon visage, je l'arrache. Je le froisse et le mets en boule et le jette dans la corbeille à visages. Aussitôt sur ma face de sang je prends un visage tout neuf ; je fais dès lors une toute autre figure. Cela n'a qu'un temps, bien sûr.

(2)
Je suis plein d'insolences comme un chien grouille de puces. Partant, je suis mauvais chien et mauvais camarade.

(3)
La vivacité des répliques est une des plus jolies choses de L'illusion. Ici, le chiasme ("votre esprit est malade" / "malade, mon esprit") construit cette vivacité ; ce sont attaque et parade de savante escrime. Le gentilhomme Adraste est peut-être assez épaté que la servante Lyse lui parle avec une telle franchise. Il est vrai que les servantes sont bien plus puissantes que les valets de comédie et ont ce pouvoir de faire progresser l'action.

(4)
Lyse aussi est jalouse. Elle se sent dédaignée par Clindor et va dans cette scène révéler à Adraste, amoureux d'Isabelle, que celle-ci la belle en pince pour le valet Clindor : "Si j'ose vous le dire / Ce n'est plus que pour lui qu'Isabelle soupire." (vers 577-578). L'esprit de Lyse est donc tout aussi malade de jalousie que celui d'Adraste.

(5)
Comment en effet être jaloux de ce qui n'est jamais qu'un complément : "Oui, puisqu'il est jaloux / Du malheureux agent de ce prince des foux." Ce vers 568 définit de façon dépréciative l'apparence de Clindor : un complément d'objet ("du malheureux agent") suivi d'un complément de nom ("de ce prince des foux"). Clindor est ainsi réduit à sa fonction : il n'est jamais que le valet d'un nom ridicule, - celui de Matamore -, et est ainsi déterminé à n'être que l'ombre d'une ombre. (6)

(6)
En grammaire française, le complément de nom est aussi appelé complément de détermination.

(7)
"jaloux" / "foux" : rime pour l'oeil. Il est assez révélateur que la poésie, et même la plus classique, la plus respectueuse en apparence des règles, n'hésite pas à bousculer l'orthographe pour les besoins de sa cause. La poésie est une fronde sans doute au beau royaume du langage.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 7 octobre 2007

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2 février 2009 1 02 /02 /février /2009 00:54

CADEDIOU !

MATAMORE
Cadédiou (1) (2) ! ce coquin a marché dans mon ombre (3) ;
Il s'est fait tout vaillant d'avoir suivi mes pas (4) :
S'il avait du respect, j'en voudrais faire cas.
    Ecoute, je suis bon (6), et ce serait dommage
De priver l'univers (7) d'un homme de courage.
Demande-moi pardon et cesse par tes feux (8)
De profaner l'objet digne seul de mes voeux (9) :
Tu connais ma valeur, éprouve ma clémence.
    (Corneille, L'illusion comique, Acte III, scène 9, v.942-949)

(1)
D'après les Classiques Larousse (édition de Marc Fumaroli) "cadédiou" est un "juron gascon" qui signifie "tête-Dieu".
"Cadédiou ! Ses valets feraient quelque insolence" s'exclame Matamore au vers 745. Le juron, marqueur de virilité, annonce cependant chez Matamore le refus d'en découdre, ou même la simple crainte d'avoir à en découdre.

(2)
"Cadédiou ! " fit-il en espagnol et en roulant les "r". C'est mon professeur de français de classe de première qui disait cela, de temps à autre, pour nous faire sourire, nous les ennuyés de l'adolescence.

(3)
Mon ombre est toute agitée et gigue toute seule !
      Regardez la à swinguer sous le jazz haut des feuilles ;
      Sûr que je n'aurais pas dû boire tant de café :
      Voilà mon ombre sur les murs qui s'met à skater.

(4)
Les rues sont pleines de pas
      Pas perdus pas pressés pas
      Un chat dans les rues l'hiver (5)

(5)
L'hiver, en lisant Desnos, j'aime à désosser
      Les chevaliers qui s'bousculent dans l'escalier
      Puis dans le ciel froid je vais à la poste d'hier
      Télégraphier tibias, rotules et fractures.

(6)
L'hiver, il faut s'en mitonner, de bons
      Petits plats et faire chauffer le vin.
      "Ecoute, je suis bon", c'est moi l'jambon
      Que l'on met dans les pâtes au gratin.
        (Philippe Meirieu, Prolégomènes à un référentiel des Bio-services)

(7)
L'univers, paraîtrait qu'il pourrait tenir tout
      Entier dans quelque grain de sable ou de raisin.

(8)
Et le jambon, c'est bon aussi avec des oeufs
      Que l'on cuit sur le plat, franchement c'est fameux !
      Avec des pâtes ou des frites, délicieux
      Qu'c'est ! Mais vrai ! aucun rapport avec le mot "feux".

(9)
Dieu, dit-on, de peur d'oublier quelque chose, fait parfois aux étoiles quelques noeuds. C'est ainsi qu'il crée les constellations.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 24 septembre 2007

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2 février 2009 1 02 /02 /février /2009 00:49

IL ETAIT LA AUSSI LE PATERNEL
Tout ce qui figure ci-dessous entre guillemets est de Pierre Corneille (L'Illusion comique), le reste est de ma pomme.

Il était là aussi le paternel, vu que c'était lui qui en avait besoin des mirobolantes facultés du mage, rapport à ce qu'il avait paumé son grand fils, Clindor, un peu dans la nature.
Il larmoyait donc, parlant de son "cher fils", "ce cher objet" de ses "inquiétudes" qu'avaient "éloigné" de lui "des traitements trop rudes".
C'est vrai qu'il avait pris ce pli, le Clindor, d'aller chaque samedi draguer des poufiasses en boîte de nuit et, la semaine, d'écouter toute la nuit de la musique à faire fuir les honnêtes gens et leurs vaches en jouant à des imbécilités de jeux de panpan t'es mort ! sur son ordinateur que même que c'était sa tata Phèdre qui lui avait offert avec les droits d'auteurs de son dernier bouquin (Le jour n'est pas plus pur, Agamemnon and Co Editeurs).
Du coup :
- "Sous ombre qu'il prenait trop de licence,
    Contre ses libertés je roidis ma puissance ;
    Je croyais le dompter à force de punir,
    Et ma sévérité ne fit que le bannir."

Mais, évidemment, une fois que le grand couillon se fut tiré, il en est resté comme deux ronds de flan, le Pridamant (c'est le nomine du pater) :
- "Je l'outrageais présent et je pleurais sa fuite,
    Et l'amour paternel me fit bientôt sentir
    D'une injuste rigueur un juste repentir."

Bref, il s'était mis à l'amérement regretter, la chair de sa chair, l'oeil de son oeil, le poulet de sa couvée, le veau de son pré, la mie de son pain, la rime de son coeur, la raison de ses nuits sans sommeil et de ses maux d'estomac, il se mit donc en quête du rejeton évanoui.
Pendant dix ans qu'il courut donc la France et ses auberges, et ses musées, et ses touristes allemands en bermuda qui s'épatent devant la Joconde et Jean-Paul Gaultier.
Il alla même jusqu'aux enfers des officines les plus marabouteuses, devineresses, cartomanciennes, gloglomanciennes où il pauma beaucoup de sous et pas mal d'illusions vu qu'il n'en apprit rien des zélateurs de l'occulte, muets soudain comme un président américain devant un texte de Kafka quand il leur fallait répondre ou ne répondant rien qu'afin de le "confondre".
Bref, il entendit causer d'Alcandre, le fameux mage dont on faisait grand cas dans certains milieux, - surtout ceux du théâtre -, et décida donc de s'en remettre à lui.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 17 août 2006

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2 février 2009 1 02 /02 /février /2009 00:45

DONC, IL S'AGISSAIT D'UN MAGE

Donc, il s'agissait d'un mage, et pour le présenter, il fallait d'abord évoquer l'espèce de "grotte obscure" où il demeurait :

"La nuit qu'il entretient sur cet affreux séjour,
  N'ouvrant son voile épais qu'aux rayons d'un faux jour,
  De leur éclat douteux n'admet en ces lieux sombres
  Que ce qu'en peut souffrir le commerce des ombres".
    (Corneille, L'Illusion comique, vers 3 à 6)

Autrement dit, il faisait noir, sombre, obscur et c'était là le domaine des ombres ; du coup, valait mieux pas s'approcher rapport à ce que le périmètre était sérieusement piégé : pièges à loup, attrape-couilles, griffe-mollet, disques de rap, féticheur jeteur de mauvais oeils, marabout cadavéreur, psychologue scolaire, bref de quoi assassiner son chrétien aussi bien qu'un discours d'un leader d'extrême-droite, et même que "cette large bouche" qui ouvrait la grotte n'était en fait qu'un "mur invisible" fatal à tout outrepassant because l'air y était aussi vicié que dans une réunion d'amateurs de cassoulet.
Vous fûtes prévenu et zut tant pis pour vous si vous êtes mort.
Cependant, il n'est de Paris sans bon bec (j'aime bien ce genre d'expression dont le sens m'échappe mais qui sonne juste assez vieillot pour faire savant), il n'est d'université sans parlote, ni de Mère Michel sans son chat, ni de Père Ubu sans sa gidouille, ni de fonctionnaire sans tampon encreur non plus que d'homme politique sans promesses, il ne fut donc non plus d'ermite sans promenade et nous en fûmes avertis :

"Chaque jour il se montre, et nous touchons à l'heure
  Où pour se divertir, il sort de sa demeure."
    (Corneille, L'Illusion comique, vers 17-18)

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 16 août 2006

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