Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 juillet 2016 4 14 /07 /juillet /2016 12:08

BOUZINE ET MIRLITON

Notes et paraphrases de la scène 6 de l'acte I de « Ubu roi », d'Alfred Jarry.

« Le palais du roi.

PERE UBU, entrant

Oh ! vous savez ce n'est pas moi, c'est la Mère Ubu et Bordure.

LE ROI

Qu'as-tu, Père Ubu ?

BORDURE

Il a trop bu.

LE ROI

Comme moi ce matin.

PERE UBU

Oui, je suis saoul, c'est parce que j'ai bu trop de vin de France.

LE ROI

Père Ubu, je tiens à récompenser tes nombreux services comme capitaine de dragons, et je te fais aujourd'hui comte de Sandomir.

PERE UBU

Ô monsieur Venceslas, je ne sais comment vous remercier.

LE ROI

Ne me remercie pas, Père Ubu, et trouve-toi demain matin à la grande revue.

PERE UBU

J'y serai, mais acceptez, de grâce, ce petit mirliton.

Il présente au roi un mirliton.

LE ROI

Que veux-tu à mon âge que je fasse d'un mirliton ? Je le donnerai à Bougrelas.

LE JEUNE BOUGRELAS

Est-il bête, ce Père Ubu.

PERE UBU

Et maintenant, je vais foutre le camp. (Il tombe en se retournant.) Oh ! Aïe ! au secours ! De par ma chandelle verte, je me suis rompu l'intestin et crevé la bouzine !

LE ROI, le relevant

Père Ubu, vous estes-vous fait mal ?

PERE UBU

Oui, certes, et je vais sûrement crever. Que deviendra la Mère Ubu ?

LE ROI

Nous pourvoirons à son entretien.

PERE UBU

Vous avez bien de la bonté de reste.

Il sort.

Oui, mais, roi Venceslas, tu n'en seras pas moins massacré. »

(Alfred Jarry, « Ubu roi », I, 6)

1.

Père Ubu convoqué par le roi Venceslas, entre donc au palais (avec la Mère Ubu) ; trouillant d'abondance, le Père, tout d'suite i s'défausse.

2.

I s'défausse le Père Ubu que le roi lui a encore rien demandé que le Père U est persuadé qu'il va être zigouillé comme comploteur.

3.

Trouillant d'abondance d'être zigouillé comme comploteur, Père Ubu accuse tout d'suite qu'c'est pas lui qu'c'est la Mère Ubu et Bordure.

4.

Le roi i sait pas de quoi qu'il cause le Père Ubu qu'il doit l'avoir sa royale tronche en forme de késako quoiqu'esse et qué pasa.

5.

Le roi i demande donc à Père Ubu koikila que le Capitaine Bordure alors intervient pour leur sauver à tous la tête du complot.

6.

Bordure dit qu'l'Ubu « a trop bu » qu'ça n'surprend pas le roi qui a trop bu itou ; l'auteur joue sur le topos de l'ivrognerie polonaise.

Topos : un topos en langue littéraire, ça désigne un « lieu commun », un cliché que par exemple les Français sont chauvins.

7.

« Ubu roi », pièce dont les caractères, prêtant surtout à rire, pantins farcis de nos défauts et sacs à bêtises, sont loin de tout héroïsme.

8.

Jarry i casse un peu l'topos que l'Ubu attribue son ivresse à l'abus qu'il a fait « du vin de France » comme quoi y a pas qu'en Pologne.

9.

Mais c'est pas pour le punir que l'roi a convoqué Ubu c'est pour le faire comte de Sandomir que comte ça veut dire compagnon au départ.

Du latin « comitem » : compagnon.

10.

Sandomir je sais pas si ça existe qu'on dirait un jeu de mot pas fait, comte de Sandomir genre conte à dormir debout (j'extravague).

11.

Dans nos têtes y a tout un almanach Vermot de jeux de mots improbables, un théâtre de l'absurde qui ne fait rire qu'en rêve.

Genre Sandomir ah belle affaire ! qu'après ça vous restez tout seul avec vot' tarte aux prunes.

12.

Bien sûr qu'ça existe Sandomir ; c'est même une très vieille ville de Pologne dans la voïvodie de Sainte-Croix, à 200 km au sud de Varsovie.

13.

La voïvodie de Sainte-Croix, c'est une des 16 régions administratives de la Pologne actuelle (ah internet, quel puits de science!)

14.

Les personnages de « Ubu roi » ont pas d'longues répliques au contraire d'la tragédie classique où ça cause qu'c'est beau mais long des fois.

15.

Aussi, les personnages de « Ubu roi » ont pas d'longues répliques passqu'ils sont pas assez intelligents pour filer d'l'alexandrin au mètre.

16.

Tiens des fois les comédiens i cauchemarderaient pas qu'les auteurs filent d'l'alexandrin façon toile d'araignée à s'y engluer.

17.

Bon voilà Ubu comte qu'le roi et lui s'échangent des politesses et que Ubu lui offre un mirliton qu'on est dans la momerie donc.

18.

Père Ubu il appelle même pas le Roi Sire, Majesté ou chaipas qu'il l'appelle « monsieur Venceslas » que l'aut' i relève même pas l'offense.

19.

D'après la note en bas de, les marionnettistes i mirlitonnaient pour déformer les voix, qu'c'était donc la pédale wahwah d'l'époque.

20.

En offrant un mirliton au roi, Père Ubu offre non seulement un objet dérisoire, un jouet, mais aussi le symbole de la voix faussée, masquée.

21.

« Ubu roi » c't'une momerie une mimerie potache très vache avec la tradition classique ; « Ubu roi » c't'une bombe.

22.

Bon le roi se débarrasse du mirliton en le donnant au « jeune Bougrelas » que c'est bien un nom d'adolescent ça, « bougre las ».

23.

Tout troublé de pas êt' décapité Père Ubu s'en retournant pour « foutre le camp » tombe et crie tout d'suite à la mort d'sa « bouzine ».

24.

Le mot « bouzine » rappelant le mot « boudine » qu'les enfants emploient pour désigner leur nombril, souligne l'immaturité du Père Ubu.

25.

Le roi Venceslas a l'air bien brave qui relève Ubu d'sa chute et promet de veiller sur la Mère Ubu au cas où la mort frapperait Père U.

26.

Mais Père U i s'en moque de la bienveillance du roi, il remercie, mais n'en complote pas moins dans sa tête tout un massacre.

27.

C'est que le politique se moque de la bienveillance autant qu'un religieux se moque de la vérité (ô larrons en foire !).

Patrice Houzeau

Hondeghem, le 14 juillet 2016.

Partager cet article
Repost0
7 juillet 2016 4 07 /07 /juillet /2016 13:49

C'EST ÇUI QUI DIT QUI Y EST

Notes et paraphrases de la scène 5 de l'acte I de « Ubu roi », d'Alfred Jarry.

« PERE UBU

Monsieur, que voulez-vous ? Fichez le camp, vous me fatiguez.

LE MESSAGER

Monsieur, vous êtes appelé de par le roi.

Il sort.

PERE UBU

Oh ! merdre, jarnicotonbleu, de par ma chandelle verte, je suis découvert, je vais être décapité ! hélas ! hélas !

MERE UBU

Quel homme mou ! et le temps presse !

PERE UBU

Oh ! j'ai une idée : je dirai que c'est la Mère Ubu et Bordure.

MERE UBU

Ah gros P.U., si tu fais ça…

PERE UBU

Eh ! j'y vais de ce pas.

Il sort.

MERE UBU, courant après lui.

Oh ! Père Ubu, Père Ubu, je te donnerai de l'andouille.

Elle sort.

PERE UBU, dans la coulisse.

Oh ! Merdre ! tu es en une fière, d'andouille. »

(Alfred Jarry, « Ubu roi », I,5)

1.

Père Ubu il est comme des comme que je connais qui dès qu'ils voient venir quelqu'un zont envie de le renvoyer d'où qu'il vient.

I gronde donc, l'Père U « Monsieur, que voulez-vous ? Fichez le camp, vous me fatiguez » qu'le réel qui s'pointe sur deux jambes ça l'ennuie.

Le réel à paroles, l'Père U, s'il l'a pas invité, ça l'importune, surtout qu'si c'est un messager, se pourrait-il que soudain l'ailleurs…

2.

« Monsieur, vous êtes appelé de par le roi » dit le messager au Père U qu'on dirait un alexandrin mais c'en est pas un car y a pas d'césure.

Le messager, je l'verrais bien en homme-dada, zig qui hennit, quidam équidé, gus cheval de jeu mais ça a dû êt' fait des siècles de fois ça.

Après le messager « il sort » c'est comme ça le réel c'est plein de gens qui entrent et sortent ; le réel, c't'un vrai moulin.

3.

D'être appelé « de par le roi », le Père Ubu en a du bleu et du vert d'la trouille qui lui prend la gidouille que son complot soit découvert.

I jarnicotonne donc le Ubu qu'il va être décapité et qu'c'est donc tout piteux sans tête qu'il va aller spectrer chez les ombres.

4.

Mère Ubu n'en fut point émue mais pensa que ce gros tas de Père Ubu n'était qu'un tout mou, un fromage qui pue.

5.

Soudain Ubu clignota d'une idée qu'il dirait au roi qu'le complot c'était tout machiné par la Ubu et le Bordure (Père Ubu est ignoble).

Ignoble c'est une épithète qui signifie le contraire de noble que Père Ubu c'est le contraire du Cid et de tous les héros à dilemme.

Le dilemme c'est quand tu l'as de toute façon dans l'os mais qu'tu peux quand même choisir la couleur de ton panache à cocu.

6.

La Ub pige que le Ub va lui faire porter un chapeau qu'elle et Bordure vont en être décapités, elle lui promet d'l'andouille s'il la boucle.

Le Père Ubu tient plus à sa tête qu'à une promesse d'andouille passque sans tête de toute façon l'andouille hein

« Je te donnerai de l'andouille » dit la Ubu; « tu en es une fière, d'andouille » répondit le Ubu : comme quoi c'est çui qui dit qui y est.

7.

Père Ubu j'le plains l'a pas d'parti démocratique pour organiser des primaires s'faire élire roi des et aller s'prendre une banane aux présidentielles.

Bah, j'ai tort d'jacter politique Ah j'ouvre ma trappe à politiques et hop à la trappe au gouffre aux oubliettes les pantins à promesses.

Patrice Houzeau

Hondeghem, le 6 juillet 2016.

Partager cet article
Repost0
3 juillet 2016 7 03 /07 /juillet /2016 08:53

COMPLOTANCE D'APRES-DÎNER

Vieilles notes toutes pourrites sur la scène 4 de l'acte I de « Ubu roi », d'Alfred Jarry.

« PERE UBU

Eh bien, capitaine, avez-vous bien dîné ?

CAPITAINE BORDURE

Fort bien, monsieur, sauf la merdre.

PERE UBU

Eh ! la merdre n'était pas mauvaise.

MERE UBU

Chacun son goût.

PERE UBU

Capitaine Bordure, je suis décidé à vous faire duc de Lithuanie.

CAPITAINE BORDURE

Comment, je vous croyais fort gueux, Père Ubu.

PERE UBU

Dans quelques jours, si vous voulez, je règne en Pologne.

CAPITAINE BORDURE

Vous allez tuer Venceslas ?

PERE UBU

Il n'est pas bête, ce bougre, il a deviné.

CAPITAINE BORDURE

S'il s'agit de tuer Venceslas, j'en suis. Je suis son mortel ennemi et je réponds de mes hommes.

PERE UBU, se jetant sur lui pour l'embrasser.

Oh ! oh ! je vous aime beaucoup, Bordure.

CAPITAINE BORDURE

Eh ! vous empestez, Père Ubu. Vous ne vous lavez donc jamais ?

PERE UBU

Rarement.

MERE UBU

Jamais !

PERE UBU

Je vais te marcher sur les pieds.

MERE UBU

Grosse merdre !

PERE UBU

Allez, Bordure, j'en ai fini avec vous. Mais par ma chandelle verte, je jure sur la Mère Ubu de vous faire duc de Lithuanie.

MERE UBU

Mais…

PERE UBU

Tais-toi, ma douce enfant…

Ils sortent. »

(Alfred Jarry, « Ubu roi », I,4)

1.

Le Père Ubu est maintenant seul avec le Capitaine Bordure (et Mère Ubu) : ils sont dehors pour pas être dedans (et donc i pleut pas).

2.

Comme i s'agit d'comploter i vont peut-être dehors pour couper l'herbe sous les pieds des murs qu'auraient des oreilles.

3.

Faisant semblant de rien (cf l'épisode du « balai innommable »), Père Ubu, sans conspirer, demande à Bordure s'il a bien dîné.

4.

Faire semblant de rien, c't'une drôle d'expression car même pas grand' chose comment qu'on fait pour faire semblant de rien du tout.

5.

Que quand on fait semblant de rien peut-être on est tellement dans le réel alors qu'on peut plus s'imaginer rien du tout.

6.

Des fois quand je commente, j'ai l'impression de chuter dans ma caboche comme dans un sans fond de mes chaussettes.

7.

Juste par politesse et par ironie, aussi pour promener un peu digestivement sa gidouille, Ubu demande au Bordure s'il a bien dîné.

8.

Bordure dit qu'il a bien dîné et s'ensuit quelques considérations sur le goût de la que nous on passe vu qu'on s'en fout.

9.

Le Père Ubu il est habile il fait le grand seigneur et promet à Bordure le titre de « duc de Lithuanie » (c'est loin là-bas).

10.

Bordure pensait que Ubu était « fort gueux » (c'est s'qui lui dit) que sûr que tout l'monde le pense mais qu'là ça fait son affaire au Bordure.

11.

Le Père Ubu abat alors sa carte et lui fait part de son intention de régner « en Pologne », d'être roi donc vu qu'c'est le titre de la pièce.

12.

Bordure calcule que pour qu'il soit duc faut qu'Ubu soit roi et pour qu'Ubu soit roi faut donc qu'il régicide Venceslas (le roi du moment).

13.

Père Ubu là pond un alexandrin, pas exprès, et bancal, mais tout de même i dit : « Il n'est pas bête, ce bougre, il a deviné. »

14.

Le Père Ubu a donc trouvé un complice puisque Bordure i dit qu'le roi Venceslas c'est rien qu'un vilain qu'il est son « mortel ennemi ».

15.

Père Ubu il est tant content de la complicité du Bordure qu'il est tout « se jetant sur lui pour l'embrasser », c'est dégoûtant.

16.

Mais le Père Ubu pue qu'le Bordure s'reculut et qu'il lui demandut s'il se lavût jamais « Rarement » répond le Ubu « Jamais » répond la Ubu.

17.

Dans l'irréel à majesté des tragédies classiques, on imagine que les personnages sont propres et clairs comme des idées ; Ubu, lui, il pue.

18.

Que des fois ça doit pas être drôle que si Phèdre elle pue pas du bec, sûr qu'il a dû y en avoir des dans le rôle de bien empestantes.

19.

L'histoire du théâtre doit être pleine de jeux de scène inouïs et autres géniales distanciations dus à la pestance du bec partenaire.

20.

Que la Mère Ubu le contredise ça l'énerve le Père Ubu que y a pas d'amour heureux et les Ubus i font donc rien qu'à s'chercher des poux.

21.

« Je vais te marcher sur les pieds » « Grosse merdre » bref la vie de tous les jours dans le ménage que Père Ubu envoie d'aller Bordure.

22.

Mère Ubu elle dit « Mais... » qu'on sait pas pourquoi que ça doit être un élément de suspense que moi perso s'que j'en dis, merci, de rien.

23.

Quand le Père Ubu i dit « Tais-toi, ma douce enfant » j'lui imagine la voix à Fantômas, bien grave et ricanante à l'intérieur tout bizarre.

24.

J'aime bien Fantômas les films j'veux dire avec Mylène Demongeot, et Mylène Demongeot, et puis Mylène Demongeot (les autres je m'en fous).

25.

Fantômas, avec son teint, là, j'ai toujours cru qu'il faisait d'la pub pour les olives, genre boîte avec dessus l'olivâtre face de stilal à gros blancs d'yeux, même qu'il a toujours l'air de respirer par l'autre monde, et un slogan style : « Les olives Fantômas, les olives idéales pour faire passer tous vos poisons, hin hin hin. »

Note : Je lis partout que Fantômas est bleu qu'ça doit être une ruse ça, qu'il essaie de se faire passer pour un schtroumpf.

26.

Là-dessus les Ubu sortent que je sais pas où ils vont parce qu'ils étaient déjà dehors que le théâtre c'est un mystère quand même hein.

27.

Ça fait drôle quand même ce « tais-toi, ma douce enfant » comme si Ubu était pas si mais quand même si que donc ça fait rupture (de ton).

28.

Après y a plus qu'à tirer les violons qu'la fille du bal elle tombe de l'échelle à mérinos (j'me comprends).

Patrice Houzeau

Hondeghem, le 3 juillet 2016.

Partager cet article
Repost0
30 juin 2016 4 30 /06 /juin /2016 20:51

LE BALAI INNOMMABLE

Notes drolatiques et paraphrases sur la deuxième partie de la scène 3 de l'acte I (l'épisode du balai) de la pièce « Ubu roi », d'Alfred Jarry.

« PERE UBU

Eh ! me crois-tu empereur d'Orient pour faire de telles dépenses ?

MERE UBU

Ne l'écoutez pas, il est imbécile.

PERE UBU

Ah ! je vais aiguiser mes dents contre vos mollets.

MERE UBU

Dîne plutôt, Père Ubu. Voilà de la polonaise.

PERE UBU

Bougre, que c'est mauvais.

CAPITAINE BORDURE

Ce n'est pas bon, en effet.

MERE UBU.

Tas d'Arabes, que vous faut-il ?

PERE UBU, se frappant le front

Oh ! j'ai une idée. Je vais revenir tout à l'heure.

Il s'en va.

MERE UBU

Messieurs, nous allons goûter du veau.

CAPITAINE BORDURE

Il est très bon, j'ai fini.

MERE UBU

Aux croupions, maintenant.

CAPITAINE BORDURE

Exquis, exquis ! Vive la Mère Ubu !

TOUS.

Vive la Mère Ubu !

PERE UBU, rentrant.

Et vous allez bientôt crier vive le Père Ubu.

Il tient un balai innommable à la main et le lance sur le festin.

MERE UBU

Misérable, que fais-tu ?

PERE UBU

Goûtez-un peu.

Plusieurs goûtent et tombent empoisonnés.

PERE UBU

Mère Ubu, passe-moi les côtelettes de rastron, que je serve.

MERE UBU

Les voici.

PERE UBU

A la porte tout le monde ! Capitaine Bordure, j'ai à vous parler.

LES AUTRES

Eh ! nous n'avons pas dîné !

PERE UBU

Comment, vous n'avez pas dîné ! A la porte, tout le monde ! Restez, Bordure.

Personne ne bouge.

PERE UBU

Vous n'êtes pas partis ? De par ma chandelle verte, je vais vous assommer de côtes de rastron.

Il commence à en jeter.

TOUS

Oh ! Aïe! Au secours ! Défendons-nous ! malheur ! je suis mort !

PERE UBU

Merdre, merdre, merdre. A la porte, je fais mon effet.

TOUS

Sauve qui peut ! Misérable Père Ubu ! traître et gueux voyou !

PERE UBU

Ah ! les voilà partis. Je respire, mais j'ai fort mal dîné. Venez, Bordure.

Ils sortent avec la Mère Ubu. »

(Alfred Jarry, « Ubu roi », I, 3)

1.

Donc les Ubus avec une idée derière reçoive à manger Bordure et ses partisans que Père Ubu i grince déjà qu'ça va lui coûté cher ce menu là.

2.

Qu'le Père Ubu grince ça lui fait jacter à Mère Ubu que faut pas qu'les invités l'écoutent grincer car « il est imbécile ».

3.

D'se faire tréter d'imbécile énerve Père Ubu, i dit il va « aiguiser ses dents contre [ses] mollets » a la Mère Ubu (i doi bavé bouledogue).

4.

Le Père Ubu, il a l'anthropophagie quelque part c't'homme qu'il veut mordre ainsi dans ses vivants.

5.

Car il veut lui croquer les mollets, la Mère Ubu donne au Père Ubu de la « polonaise » qu'c'est, d'après la «Classique Larousse », un gâteau.

M'étone qu'ça soit une « brioche » que sert la Mère Ubu en début de repas surtout qu'en débitan le menu elle a parlé de « soupe polonaise ».

Est-ce que la Classique Larousse insinuerait que la brioche polonaise c'est rien qu'un étouffe-chrétien ?

Je dis étouffe-chrétien passque d'la « brioche meringuée fourrée à la crème pâtissière et aux fruits confits » ça pourrait paraître bourru.

Mais à mon avis c'est pas d'la brioche qu'elle sert la Mère Ubu car vu qu'on est au début du repas, la soupe semble plus logique.

Ou alors, elle s'en moque la Mère Ubu qu'elle balance à Ubu et aux invités de la brioche avant la soupe et d'la charrue avant les bœufs.

Et puis d'la brioche à meringue avec crème pâtissière et fruits confits ça doit être bon non moi j'y goûterais bien à cette polonaise là.

Que donc je tire la langue à la Classique Larousse que si ça s'trouve c'est elle qui m'tire la langue et c't'un exploit vu qu'c'est un livre.

Qu'si ça s'trouve ça fait des lustres que les comédiens font semblant d'manger d'la brioche car la soupe sur scène c'est pas balançable.

La Classique Larousse peut-être a m'tire la langue que chu ignorant et qu'c'est bien d'la brioche que ah zut ça me gave c't'histoire.

6.

Tout cas, brioche ou pas, ni Père Ubu ni Capitaine Bordure (et ses partisans) trouvent ça bon qu'ils trouvent ça mauvais.

7.

Du coup d'la fine bouche Mère Ubu en devient politiquement incorrecte et les insulte raciste que c'est pas beau qu'il faut pas le faire.

8.

Tout à coup, Père Ubu s'a frappé le front car lui est tombée une idée dans la crémerie et qu'il va revenir tout à l'heure.

9.

Bon, les convives mangent du veau et ils sont contents ; ils mangent des croupions et ils sont contents (ils crient « Vive la Mère Ubu ! »).

10.

Après Père Ubu est revenu avec à la main ce que la didascalie nomme un « balai innommable » (ça veut dire qu'on peut pas lui donner de nom).

11.

La Didascalie c'est la dame italique qui dit aux lecteurs qui peuvent pas savoir (surtout s'ils sont malvoyants) ce qu'on voit sur la scène.

12.

« Le Balai innommable » ça s'rait un bon titre pour une épouvante qui raconterait l'histoire d'un balai d'l'horreur tombé des ténèbres.

« Le Balai innommable » i balaierait tout sur son passage en poussant des grands VLOUFFF et il aurait le crin tout hérissé et la torve goule.

Des pineups s'enfuieraient en poussant des cris aigus et un coboye solitaire dompterait l'balai maudit avant d'en faire des allumettes.

13.

En fait ce « balai innommable » est certainement un balai à chiottes et c'est pour ça qu'il est innommable c'est parce que ça se dit pas.

14.

Père Ubu i donne un grand coup de balai innommable parce qu'il en donne à goûter à plusieurs gens qui s'en trouvurent mourus empoisonus.

15.

Là-dessus Père Ubu a demandu à Mère Ubu qu'elle lui passa « les côtelettes de rastron » qu'ça n'existe pas tellement c'est pas mangeable.

16.

Mère Ubu, peu émue des mourus soudains, elle passe les côtelettes de rastron à Père Ubu qui veut rester en tête-à-tête avec Bordure (pour lui parler).

17.

Comme i veut parler qu'au Capitaine Bordure, Père Ubu engueule tout le monde pour qu'ils sortent tous mais eux i s'remuent pas, ils restent.

18.

Là, le Ubu engoule très fort, mais les partisans ne bougeant pas, i s'met à jeter sur eux les côtes de rastron pour leur faire mal et fuir.

Les « côtes de rastron » c'est tellement pas mangeable que c'en est jetable ; et du coup, Père Ubu s'en sert comme assommoirs.

19.

Tous (sauf Bordure) crient aïe et au secours au « traître et gueux voyou » (c'est le Père Ubu) qu'ils sont morts et qu'ils décampent.

Notons que la portée politique de ce passage est manifeste : Mère Ubu est plébiscitée car elle donne correctement à manger aux gens ; Père Ubu est hué car il leur donne à manger de la ; c'est ainsi que la santé des régimes dépend du contentement des estomacs.

20.

La fuite des partisans de Bordure a contentu Père Ubu que donc les v'là sortus, Père et Mère Ubu et l'Captain Bordure Quoi qui va s'passer ?

21.

Quoi qui va s'passer, j'sais pas trop mais vu qu'la pièce s'appelle « Ubu roi », doit avoir planant dans l'air du régicide fourbe ricanant.

Patrice Houzeau

Hondeghem, le 30 juin 2016.

Partager cet article
Repost0
25 juin 2016 6 25 /06 /juin /2016 23:47

LE MENU A LA MERE UBU

Notes culinaires et paraphrases du début de la scène 3 de l'acte I de la pièce « Ubu roi », d'Alfred Jarry.

« MERE UBU

Bonjour, messieurs, nous vous attendons avec impatience. Asseyez-vous.

CAPITAINE BORDURE

Bonjour, madame. Mais où est donc le Père Ubu ?

PERE UBU

Me voilà ! me voilà ! sapristi, de par ma chandelle verte, je suis pourtant assez gros.

CAPITAINE BORDURE

Bonjour, Père Ubu. Asseyez-vous, mes hommes.

Ils s'asseyent tous.

PERE UBU

Ouf, un peu plus, j'enfonçais ma chaise.

CAPITAINE BORDURE

Eh ! Mère Ubu ! que nous donnez-vous de bon aujourd'hui ?

MERE UBU

Voici le menu.

PERE UBU

Oh ! ceci m'intéresse.

MERE UBU

Soupe polonaise, côtes de rastron, veau, poulet, pâté de chien, croupion de dinde, charlotte russe…

PERE UBU

Eh ! en voilà assez, je suppose. Y en a-t-il encore ?

MERE UBU, continuant

Bombe, salade, fruits, dessert, bouilli, topinambours, choux-fleurs à la merdre.

PERE UBU

Eh ! me crois-tu empereur d'Orient pour faire de telles dépenses ? »

(Alfred Jarry, « Ubu roi », I,3)

1.

Mère Ubu acueye les invités elle est la maitresse de maison les invités c'est le gong qui la sove de Père Ubu qui voulé lui aracher ses yeux.

2.

Le Capitaine Bordure en arrivan il est poli il dit Bonjour madame à la Mère Ubu et il demande « mais où est donc le Père Ubu ? »

3.

Le Capitaine Bordure est venu chez les Ubu avec ses « partisans » pour manger, c'est un déjeuner politique s'agit pas d'un picnic.

4.

Au débu c'est come dans un guignol pour les enfans Bordure demande où est Ubu qui dit me voilà sapristi qu'il est « pourtant assez gros ».

5.

Le Capitaine Bordure il dit bonjour, Père Ubu, i s'asseyent et Ubu gontinue à guignoler qu'un peu plus il enfonsé sa chaise (il est gro).

6.

Ubu insiste bocoup sur sa grossitude qu'il est un groquik et qu'il doit avoir de gro sabots de gro os et de gro crocs pour son gro apetit.

7.

Après le Capitaine Bordure il se rensègne sur le menu que rien que pour le drolatique je vais arcopier dans le bref suivant.

8.

Menu de la Mère Ubu : « Soupe polonaise, côtes de rastron, veau, poulet, pâté de chien, croupion de dinde, charlotte russe » c'est pas fini.

9.

Menu de la Mère Ubu (suite) : « Bombe, salade, fruits, dessert, bouilli, topinambours, choux-fleurs à la merdre. »

10.

Le menu de la Mère Ubu, c'est une énumération, une accumulation cocasse de plats possibles et d'autres non.

11.

Notes sur le menu de la Mère Ubu : la « soupe polonaise » d'abord on sait pas ce que c'est que juste l'action de la pièce est en Pologne.

12.

La « soupe polonaise » d'abord on sait pas qu'esse alors on cherche sur Internet puis après on sait qu'esse qu'on est moins ignorant.

13.

Il y a une soupe polonaise, son nom c'est Zurek que ça peut être une soupe au saucisson ça irait très bien pour Ubu and Co quand i soupent.

14.

La soupe Zurek sur Internet on la trouve aussi sous le nom de « soupe à la saucisse » du tout bon pour la gidouille.

15.

La soupe Zurek c'est une soupe avec des légumes puis à la fin on rajoute des lardons ou des ronds d'saucisson ou des moitiés d'oeufs durs.

16.

Notes sur le menu de la Mère Ubu : les « côtes de rastron » rapellent le « raton », avec un « r » potache et épenthétique (cf « merdre »).

17.

Notes sur le menu de la Mère Ubu : le « veau » et le « poulet », ça fait potjevleesch ; le « pâté de chien », ça fait barbare.

18.

Le potch' (poulet lapin veau porc en gelée) ça date d'ilya lurete Ubu m'étoneré qu'il conesse qu'il est loin dans l'chaipas où des livres.

19.

Notes sur le menu de la mère Ubu : « le croupion de dinde » et la « charlotte russe » ça se mange et ici ça fait coq à l'âne c'est pas fini.

20.

Notes sur le menu de la mère Ubu : la « bombe » rappelle que c'est un déjeuner de complot (c'est un jeu de mot).

21.

Notes sur le menu de la mère Ubu suite : « on peut supposer qu'il s'agit d'une bombe glacée » dit délicieusement une note de bas de page.

22.

Notes sur le menu de la mère Ubu : la « salade, fruits, dessert » ça pourrait conclure mais y a encore du « bouilli » ; l'énumération dérape.

23.

Notes sur le menu de la mère Ubu qui dérape sec « topinambours, choux-fleurs à la merdre » on dirait qu'Mè Ubu en a déjà marre de c'dîner.

24.

Notes sur le menu de la mère Ubu : les topinambours avec leur nom d'indien, c'est pas réputé fameux et le chou-fleur cuit, ça sent pas bon.

25.

Notes sur le menu de la mère Ubu : qu'on supose qu'les topinambours c'est d'la bouffe à bestiaux l'est pas polie la Ubu avec Pitaine Bordure.

26.

Quand les Ubu en ont marre ils puisent dans un lexique scatologique qui a pour but de montrer qu'i sont pas jouasses.

27.

En tout cas, l'annonce de ce banquet ne réjouit point Père Ubu car ça doit coûter cher tout ça qu'on va engouffrer dans des gens.

Patrice Houzeau

Hondeghem, le 25 juin 2016.

Partager cet article
Repost0
16 juin 2016 4 16 /06 /juin /2016 02:21

EN ATTENDANT LES INVITÉS

Notes et paraphrases sur la scène 2 de l'acte I de « Ubu roi », d'Alfred Jarry.

« vous rêviez que vous passiez, comme on rêve quelquefois qu'on est oiseau. »

(Alain, « Propos sur le bonheur », XXVIII, « Chacun a ce qu'il veut »)

« La scène représente une chambre de la maison du Père Ubu où une table splendide est dressée.

MERE UBU

Eh ! nos invités sont bien en retard.

PERE UBU

Oui, de par ma chandelle verte. Je crève de faim. Mère Ubu, tu es bien laide aujourd'hui. Est-ce parce que nous avons du monde ?

MERE UBU, haussant les épaules

Merdre.

PERE UBU, saisissant un poulet rôti

Tiens, j'ai faim. Je vais mordre dans cet oiseau. C'est un poulet, je crois. Il n'est pas mauvais.

MERE UBU.

Que fais-tu, malheureux ? Que mangeront nos invités ?

PERE UBU

Ils en auront encore bien assez. Je ne toucherai plus à rien. Mère Ubu, va donc voir à la fenêtre si nos invités arrivent.

MERE UBU, y allant

Je ne vois rien.

Pendant ce temps, le Père Ubu dévore une rouelle de veau.

MERE UBU

Ah ! voilà le capitaine Bordure et ses partisans qui arrivent. Que manges-tu donc, Père Ubu ?

PERE UBU

Rien, un peu de veau.

MERE UBU

Ah ! le veau ! le veau ! veau ! Il a mangé le veau ! Au secours !

PERE UBU

De par ma chandelle verte, je te vais arracher les yeux.

La porte s'ouvre. »

(Alfred Jarry, « Ubu roi », I,2)

1.

Père et Mère Ubu attendent des invités lesquels sont bien en retard koikifont donc i tournent en rond i tournent en rond i tournent en rond.

2.

I tournent en rond qu'à force le Père Ubu râle qu'il « crève de faim » ; i doit ouvrir une hippopotamesque goule qu'on lui voit les ténèbres.

3.

La fringale commence à lui courir sur le haricot et les invités tardent alors Père Ubu s'en prend à Mère Ubu lui dit qu'elle est « laide ».

4.

On peut supposer que Mère Ubu n'est pas plus jojo que Père Ubu, itou grosse gidouille et tronche de musée du crime.

5.

Ceci dit ferait beau voir un Père Ubu à grande chemise tombant par-delà sa grosse gidouille flanqué d'une Mère Ubu belle comme le jour.

6.

Mère Ubu serait jolie comme un cœur et méchante bête comme si elle n'avait inventé ni la poudre à canon, ni même le fil à couper les têtes.

7.

Père et Mère Ubu ce sont les tragiques mis à nu ; pas des héros, ni de princes grecs, mais d'la viande méchante, gueularde, très moche.

8.

Jarry l'a mise à voilpé la belle tragédie, qu'les masques nobles y tournent bonshommes cauchemar, macabres à carnaval, bouffe-tout-cru.

9.

Les Ubus c'est des icônes punks. Visez un peu combien d'Ubus rois africains l'Europe a installés chouchoutés engraissés.

10.

Des fois les peuples tyrannisés se révoltent contre leurs Ubus, qu'ça vous fait des guerres civiles et puis l'Europe vend des armes.

11.

Le Ubu cherche querelle à la Ubu, il s'met à l'ironiser : « Mère Ubu, tu es bien laide aujourd'hui. Est-ce parce que nous avons du monde ? »

12.

Mère Ubu elle lui dit merdre et hausse les épaules c'est pas le moment de s'batailler zont des invités qui vont arriver.

13.

Du coup qu'y a pas moyen d's'engueuler en couple, le Père Ubu va passer son ennui en boulottant : « Je vais mordre dans cet oiseau » dit-il.

14.

« vous rêviez que vous passiez, comme on rêve quelquefois qu'on est oiseau » a écrit Alain, que dans l'réel, l'oiseau, Ubu mord dedans.

15.

Dans nos fioles, voyez, c'est plus Ubu que Bonaparte qu'on trimbale, qu'on s'croit maître de soi comme de l'univers qu'on est tout bouffon.

16.

Et puis Bonaparte, y avait de l'Ubu dans c't'homme-là, du grand massacreur, du grand décerveleur, du grand goulaffre à macabre.

17.

Ubu dévore, ce qui ennuie Mère Ubu, quoi qu'ils vont grailler, les invités ? Ubu la calme y touchera plus à y en aura « encore bien assez ».

18.

Là-d'ssus, Ubu envoyut Mèrubu à la fenêtre histoire de voir si et « pendant ce temps, Père Ubu dérobe une rouelle de veau ».

19.

Le Père Ubu i dérobe le réel pour pouvoir le bouffer, il a une nature à faire disparaître les comestibles dans le dedans de sa gidouille.

20.

Mère Ubu a vu par la fenêtre arriver les invités a vu aussi l'épaisse tranche de cuisseau de veau en passe d'être engloutie gidouillée.

21.

En général, on rouelle de veau ; on peut aussi roueller de porc que j'me souviens qu'ma mère rouellait de porc en gelée.

22.

« Que manges-tu donc, Père Ubu ? » c'est drôle comme i s'parlent en marionnettes, Pè et Mè Ubu, qu'i s'la jouent, l'atroce comédie.

23.

Pèrubu avoue dévorer le veau ce qui fait qu'Mère Ubu pond d'l'alexandrin :

« Ah ! le veau ! le veau ! veau ! Il a mangé le veau ! »

24.

« Ah ! le veau ! le veau ! veau ! Il a mangé le veau ! » pis Mèrubu ajoutant « Au secours ! » courrouce fort Pèrubu qui s'courrouce vite.

25.

La farce s'emballe sans raison réelle, comme si a s'mettait à beugler l'air de la folie, façon monologue à catastrophe dans les tragédies.

26.

La farce dérape La rouelle de veau fait s'emballer la machine infernale L'être crie au secours Y a d'l'octosyllabe meurtrier dans l'air.

27.

Quand i s'courrouce, Père Ubu, faut qu'il arrache, faut qu'il arrache des yeux, des yeux qui l'ont vu.

28.

Père Ubu va-t-il « arracher les yeux » de Mère Ubu ? Non pas car la porte s'ouvre et d'autres zigotos entrent en scène.

Patrice Houzeau

Hondeghem, le 16 juin 2016.

Partager cet article
Repost0
12 juin 2016 7 12 /06 /juin /2016 23:50

MERE UBU POUSSE AU CRIME

Notes et paraphrases de la scène 1 de l'acte I de « Ubu roi », d'Alfred Jarry.

Merdre ! Merdre et merdre ah ! merdre alors ! Oui-da ! Merdre !

C'est un alexandrin et même qu'on s'en fout.

« PERE UBU

Merdre !

MERE UBU

Oh ! voilà du joli, Père Ubu, vous estes un fort grand voyou.

PERE UBU

Que ne vous assom'je, Mère Ubu !

« MERE UBU

Ce n'est pas moi, Père Ubu, c'est un autre qu'il faudrait assassiner.

PERE UBU

De par ma chandelle verte, je ne comprends pas.

MERE UBU

Comment, Père Ubu, vous estes content de votre sort ?

PERE UBU

De par ma chandelle verte, merdre, madame, certes oui, je suis content. On le serait à moins : capitaine de dragons, officier de confiance du roi Venceslas, décoré de l'ordre de l'Aigle Rouge de Pologne et ancien roi d'Aragon, que voulez-vous de mieux ?

MERE UBU

Comment ! Après avoir été roi d'Aragon vous vous contentez de mener aux revues une cinquantaine d'estafiers armés de coupe-choux, quand vous pourriez faire succéder sur votre fiole la couronne de Pologne à celle d'Aragon ?

PERE UBU

Ah ! Mère Ubu, je ne comprends rien de ce que tu dis.

MERE UBU

Tu es si bête !

PERE UBU

De par ma chandelle verte, le roi Venceslas est encore bien vivant ; et même en admettant qu'il meure, n'a-t-il pas des légions d'enfants ?

MERE UBU

Qui t'empêche de massacrer toute la famille et de te mettre à leur place ?

PERE UBU

Ah ! Mère Ubu, vous me faites injure et vous allez passer tout à l'heure par la casserole.

MERE UBU

Eh ! pauvre malheureux, si je passais par la casserole, qui te raccommoderait tes fonds de culotte ?

PERE UBU

Eh vraiment ! Et puis après ? N'ai-je pas un cul comme les autres ?

MERE UBU

A ta place, ce cul, je voudrais l'installer sur un trône. Tu pourrais augmenter indéfiniment tes richesses, manger fort souvent de l'andouille et rouler carrosse par les rues.

PERE UBU

Si j'étais roi, je me ferais construire une grande capeline, comme celle que j'avais en Aragon et que ces gredins d'Espagnols m'ont impudemment volée.

MERE UBU

Tu pourrais aussi te procurer un parapluie et un grand caban qui te tomberait sur les talons.

PERE UBU

Ah ! je cède à la tentation. Bougre de merdre, merdre de bougre, si jamais je le rencontre au coin d'un bois, il passera un mauvais quart d'heure.

MERE UBU

Ah ! bien, Père Ubu, te voilà devenu un véritable homme.

PERE UBU

Oh non ! moi, capitaine de dragons, massacrer le roi de Pologne ! plutôt mourir !

MERE UBU, à part.

Oh merdre ! (Haut.) Ainsi, tu vas rester gueux comme un rat, Père Ubu ?

PERE UBU

Ventrebleu, de par ma chandelle verte, j'aime mieux être gueux comme un maigre et brave rat que riche comme un méchant et gras chat.

MERE UBU

Et la capeline ? et le parapluie ? et le grand caban ?

PERE UBU

Eh bien, après, Mère Ubu ?

Il s'en va en claquant la porte.

MERE UBU, seule.

Vrout, merdre, il a été dur à la détente, mais vrout, merdre, je crois pourtant l'avoir ébranlé. Grâce à Dieu et à moi-même, peut-être dans huit jours serai-je reine de Pologne. »

(Alfred Jarry, « Ubu roi », I,1)

1.

Au début, sur la scène, il n'y avait rien que le souffle mort des choses, mais dans le noir, il y avait des yeux. Alors le Père Ubu dit.

2.

« Merdre ! » dit le Père Ubu car au début était le Père Ubu et le Père Ubu dit « Merdre ! ».

3.

« Merdre ! » C'est le Père Ubu qui dit ça au début de la pièce et c'est hénaurme, et prouve surtout qu'il a tout compris.

4.

Alors la Mère Ubu elle le traite de « fort grand voyou » ce qui énerve fort le Père Ubu qui menace de l'assom'jer.

5.

Le verbe « assom'jer » relève du champ lexical d'la goule à Ubu et signifie sans aucun doute qu'il pourrait assommer quelqu'un lui-même.

6.

La mère Ubu ne s'enfuit pas, a pas peur, insinue « c'est un autre qu'il faudrait assassiner. » Et v'là le Père Ubu tout comprenant rien.

7.

Quand y a quelque chose qui tourne pas aussi rond qu'ça tourne rond quand ça tourne rond, Père Ubu s'exclame « De par ma chandelle verte ».

8.

« De par ma chandelle verte » c'est phallique comme connotation. Le Père Ubu c'est un gros phallique gidouillant vulgaire plein d'gros mots.

9.

Pas démontée la Mère Ubu on pige elle a une idée derrière le dedans de sa tête qu'au Père Ubu demande s'il est « content de [son] sort? »

10.

Il se trouve que le Père Ubu au début il est content de son sort qu'il s'en tapote la gidouille comme quoi il en a bien croqué du réel.

11.

L'aurait tort de ouiner, le Père Ub car n'a-t-il pas de nos jours bien prospéré, bien enflé d'la gidouille, et décervelé bien du monde ?

12.

Père Ubu a beau être « capitaine de », « officier de », « décoré de », il n'est aussi que « ancien roi d'Aragon » en Espagne à châteaux.

13.

Tout ceci-cela soit-il, que Père Ubu soye que « ancien roi d'Aragon », v'là qui chiffonne la Mère Ubu qu'elle s'exclame « Comment ! »

14.

Mère Ubu reproche au Père Ubu de se contenter d'ses « estafiers armés de coupe-choux », valets, laquais, barbiers à sabres courts.

15.

La Mère Ubu, Père Ubu, elle lui voit « la fiole » transfigurée par « la couronne de Pologne » que le Père Ubu s'demande koikesskeldit.

16.

Père Ubu peut pas être roi de Pologne car y en a déjà un de Roi de Pologne, c'est Venceslas ; bon chrétien, il a des « légions d'enfants ».

17.

Père Ubu au début il a point l'humeur noiseuse, c'est la Mère Ubu, son mauvais génie, qui l'incite à la fin justifie les moyens.

18.

Paraît qu'elle fait comme la régulière au Macbeth à Shakespeare, inciter à meurtre, j'sais pas, j'ai pas lu car j'préfère San-Antonio.

19.

Le massacre de toute une famille royale voilà qui d'abord heurte Père Ubu qui menace de faire « passer » la Mère Ubu « par la casserole ».

20.

«passer par la casserole » : cf « passer au fil de l'épée » mais Mère Ubu a pourtant même pas peur, rapport aux nécessités du fond de culotte.

21.

En français moderne, « passer à la casserole », ça a un sens obscène que de c'côté-là j'crois pas que Mère Ubu risque grand-chose.

22.

Mère Ubu, au Père Ubu, elle lui fait miroiter l'infiniment à richesses, l'andouille à foison et le rouler carrosse, elle l'émoustille quoi.

23.

Lors Père Ubu s'met l'imaginante en branle, revoit sa grande capeline volée qu'la capeline c'était un casque, un capiau d'fer au Moyen-Ache.

24.

Le mot capeline, si léger, si rythmé, désigne maintenant un chapeau de femme à très larges bords et non plus le casque de fer des médiévaux.

25.

Mère Ubu flatte la coquetterie à Père Ubu, lui cause parapluie et « grand caban » jusqu'aux talons qu'il fondrait pas comme sucre au moins.

26.

Ah Père Ubu le v'là tout chef de guerre méchant comme un chien qu'aurait avalé la vache enragée, prêt au mauvais coup « au coin d'un bois ».

27.

Mère Ubu est bien contente mais Père Ubu girouette tournicote zigzague du décisionnel qu'il se voit pas aller massacrer le roi de Pologne.

28.

« Il aime mieux » dit le Ubu « être gueux maigre brave rat  que riche méchant gras chat » mais quand même la Mère Ubu se voit bientôt reine.

29.

Sans doute que le Père Ubu, on le verra bientôt coiffé de fer, en long manteau et promenant dans son royaume un éternel parapluie.

30.

J'aime cet « Ubu roi » qui s'moque bien du beau monde à beaux discours et qui vous enverrait vite vous faire tuer pour pas grand-chose.

31.

En fignolant ces quelques brefs, ai écouté l'album « Cosmo's Factory » de Creedence Clearwater Revival. Rock n'roll tonique et inventif.

Patrice Houzeau

Hondeghem, le 12 juin 2016.

Partager cet article
Repost0

Recherche