LES OISEAUX LA NUIT
Les oiseaux la nuit souvent, ça fait comme s'ils les épiaient, les passants, les marche-vite, les titubants zigzaguants, les raseurs de murs, les reluqueurs de fenêtres, les envisageurs de façades, les intrigants sous la lune, les qui-cherche-quoi, qui-cherche-qui, les qui savent pas où crécher, les incertains quidams incognitos comme l'ombre, les paumés d'leur destination. Souvent, les suivent de leurs grand yeux ouverts, ronds comme les cercles. Font de grands hou ! hou ! en froufroutant de toutes leurs ailes, pour les effrayer un peu, les perdus de vue d'leur lit, pour leur frissonner le palpitant, aux chevaliers d'la brune.
Y en a qui disent comme ça parmi les allumés du verbiage, les bricoleurs de la vision, les peinturlureurs d'épouvantes, y en a qui disent comme quoi, - ah les poètes ! ah les fous ! -, les oiseaux la nuit parfois, ils en choisissent un, le kidnappent, le dérobent du sol, l'envolent, le voltigent dans les airs lacérés des feuillures, puis en poussant leurs grands cris d'oiseaux, très métalliques cris, et très humains aussi, comme des cris de femme battue ou malade, ils lui volent son coeur puis sa dent en or puis son alliance.
Puis vous le retrouvez le lendemain, là, sur un banc ; il n'a plus ni femme, ni argent, ni coeur et vous regarde passer avec des yeux gris, et voilés.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 23 août 2005