Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
4 mars 2009 3 04 /03 /mars /2009 16:24

DU FRUIT DE L'OURAGAN, LE SOL QUI RECUEILLE

Les éléments sont en interaction
constante. Ainsi, le narrateur l'indique :

Le sol qui recueille n'est pas  seul à se fendre sous les opérations de la pluie et du vent. (1)

La pluie, le vent gouvernent le monde. De leur intensité dépendent les récoltes, les travaux et les jours, la composition des visages.

D'où une pluie et un vent fabriques de temps, de temps qu'il fait, de temps qui passe, qui pulvérisent l'instant en une multitude d'éclats de miroirs brisés, éparpillant mille "renards étranglés par un lacet de fer", mille "ineffaçables", mille cris, mille larmes, mille morts, mille "taches de vin sur la joue de mille enfants", mille montres cassées, mille raisons de mourir et mille raisons de vivre, d'où une pluie et un vent pour recommencer, repartir, dans la continuité catastrophique de la mémoire. (2)

Recommencer, repartir. Pour René Char qui a été résistant durant la Seconde Guerre Mondiale et qui donc n'a rien publié entre 1938 (Dehors la nuit est gouvernée, G.L.M.) et 1945 (Seuls demeurent, Gallimard), c'est reprendre le patient travail du texte qui exige que les événements mystérieux du poème ne soient pas hâtés.
Ainsi, pour ne pas précipiter le poème dans une ivresse sans raison, le narrateur a recours parfois à un tendre impératif :

Ne viens pas trop tôt, amour, va encore ; (3)

Et même si, naturellement :

Les feuilles d'avril sont déchiquetées par le vent
, (3)

il faut laisser "la terre apaiser sa surface et refermer ses gouffres" (3) pour pouvoir dire à haute voix :

Amour nu, te voici, fruit de l'ouragan ! (3)

Notes : (1) : René Char, Uniment (in Eloge d'une Soupçonnée précédé d'autres poèmes , Poésie/Gallimard, p. 88).
(2) : René Char, Faire du chemin avec... : "L'instant est une particule concédée par le temps et enflammée par nous. C'est un renard étranglé par un lacet de fer. C'est ineffaçable, une tache de vin sur la joue d'un enfant, don du jeu des roseaux qu'agite la mémoire." (op. cit. p. 16).
(3) : René Char, Ne viens pas trop tôt (op. cit. p.120).

                  Patrice Houzeau
                  Hondeghem, le 16 août 2005

Partager cet article
Repost0

commentaires

Recherche