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6 mai 2009 3 06 /05 /mai /2009 11:19

RITUEL

A propos de Un roi sans divertissement de Jean Giono (édition de poche folio)

    M. le curé avait préparé une chaise pour Langlois, au premier rang, mais le capitaine resta près de la porte. (p.56)

C'est la messe de minuit : une célébration.
Le capitaine Langlois attend que l'assassin se manifeste. Il semble pressentir un lien entre l'apparat chargé des symboles de la liturgie et le criminel en série qui sévit dans la région :

    - Tous ces blasons, dit-il... (Nous comprenions tous une partie du mystère, dit-il, mais personne ne le comprenait en entier.) (p.54)

    - Ma place est là, monsieur le curé, nous sommes de service tous les deux ce soir, dit-il.
    - Vous ne croyez cependant pas que le monstre... dit le curé.
    - Ce n'est peut-être pas un monstre, dit Langlois. (p.56)

Qu'il est simple, ce verbe "dire", répété après chaque réplique, comme on le fait lorsque l'on raconte une histoire à quelqu'un, pour bien s'y retrouver dans les personnages et dans ce que chacun dit.
Des gens ont disparu de ce village, ont été enlevés : il y a donc un criminel en série à l'oeuvre, un "monstre", c'est ce que chacun pense... sauf Langlois qui a cette énigmatique réflexion :
"Ce n'est peut-être pas un monstre".

En tout cas, "la messe se passa sans incidents." Et même, "elle fut magnifique", cette cérémonie, ce rituel. Rituel : c'est sans doute le mot qui peut servir de lien entre la messe et le crime en série ; non pas que l'office religieux ait, en lui-même, quelque chose à voir avec le meurtre, mais c'est qu'il est possible que certains serial killers confèrent à leur modus operandi une charge symbolique aussi puissante pour eux que peut l'être une cérémonie pour n'importe quel être humain :

    Langlois avoua plus tard avoir été fortement impressionné par les candélabres dorés, les cierges entourés de papier d'étain et les belles chasubles exposées dans la sacristie. (p.54)

Ainsi, alors même que la messe n'est pas terminée, le narrateur nous précise que "Langlois (qui pensait à toutes les églises du canton) eut la certitude que la nuit se passerait sans rapt."
Au curé qui se réjouit que "tout le monde soit rentré sans encombre",

    - Il ne pouvait rien se passer ce soir, dit Langlois. (p.57)

Ce qui est assez remarquable, c'est qu'en enquêteur pragmatique, Langlois ne préjuge pas des intentions et des pensées de l'assassin :

"Je comprends tout, se dit-il, et je ne peux rien expliquer. Je suis comme un chien qui flaire un gigot dans un placard". (p.56)

    - Je ne sais pas encore très bien ce que je veux dire, dit Langlois ; peut-être ne le saurai-je jamais, mais je voudrais bien le savoir." (p.57-58).

En tout cas, une chose pour lui semble claire :

"Ce n'est pas un monstre. C'est un homme comme les autres." (p.58)

C'est ce que, une fois la messe dite et avant d'aller se coucher, il dit à Saucisse.  `

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 10 décembre 2006

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