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1 juin 2009 1 01 /06 /juin /2009 17:56

« L’EMPIRE DES SOLEILS NOIRS »

 

Univers.
Univers du roman pour lequel « tout ce qui n’est pas prévu n’existe pas » (postulat énoncé dans ce qui est l’exemple même de la narration, un album de bande dessinée, en l’occurrence L’Empire des Soleils noirs de Godard et Ribera).
Impression d’étouffement devant les narrations attendues, les histoires qui déroulent inexorablement leur fil, les contes, l’habileté des romans de genre.
Rien ne se démode plus vite qu’une histoire.
A peine l’a-t-on lue que la voilà reléguée dans le « déjà lu », « déjà vu ».
Qu’est-ce donc qu’un chef d’œuvre ?
Les grandes histoires, ces chefs d’œuvre, sont percées de trous par lesquels on peut entrevoir, si on consent à y jeter l’œil, énigmes et autres dieux, seigneurs inconnus et nouvelles créatures.
C’est le style qui fait ce monde que l’on appelle littérature.
Sinon, autant lire le journal.

 

Sonner le pantin.
-          « Axle, dis à ce pantin grotesque que je ne l’ai pas sonné » (Godard et Ribera, L’Empire des Soleils noirs, Dargaud, 1980, p.26).
Est ici signifiée l’expression « sonner le pantin » (non attestée dans l’usage courant du français ; on dit ordinairement : « toi, on ne t’a pas sonné »). Cette signification fait du mot « que » autant un élément de la construction « dire que » qu’un pronom du mot « pantin » ; cependant, le pronom est grammaticalement le complément « l’ ».
Sonner le pantin qui est en nous, c’est ce que nous faisons tous les jours. Nous appelons cela « savoir-être », ou « savoir-vivre ». Parfois même « dignité ».

 

« Je n’avais pas pensé à cela ! »
Cette phrase que je tire d’une bande dessinée a l’air tout d’abord commune. Mais, franchement, la disons-nous, cette phrase ? Nous disons plutôt : « Je n’y avais pas pensé » ou « je ne pensai pas que ça s’rait comme ça. » Ce qui semble évident est en fait aussi faux qu’un discours électoral et les personnages de bande dessinée s’expriment parfois dans un autre français que le nôtre. Au besoin, à l’hypercorrect, ils ajoutent le juron coloré : « Putentrailles ! Je n’avais pas pensé à cela ! » s’exclame Musky à la page 36 de l’album L’Empire des Soleils noirs, album que nous devons aux sieurs Godard et Ribera et dont l’exemplaire en ma possession fut publié par la maison Dargaud en 1980.

 

Anti-ange.
« Qu’il descende ici, s’il l’ose, et je lui plume ses ailes de carton-pâte… » (dixit Musky in L’Empire des Soleils noirs, p.26). Décidément, il me plaît, ce petit bonhomme dégommeur d’anges. « plumer les ailes de carton-pâte » de quelques envolés de la comprenette qui s’agitent autour de nous en nous abreuvant de préceptes ineptes, prétentieux, hypocrites, voilà un bon programme…
Cela me rappelle la mode des « anges gardiens » (dans les années 90 me semble-t-il) : avec témoignages à la radio, livres à la pelle, billevesées « new age » et tout le tintouin des déraisons.

 

« L’Empire des Soleils noirs » :
Bonne expression pour désigner ces collections de signes qui peuplent les bibliohèques.
« Soleil noir » : c’est l’oxymore habituel des mélancolies. « L’Empire des Soleils noirs », c’est donc l’Empire des Mélancolies. Ce qui sonne assez juste pour une civilisation dans laquelle « tout ce n’est pas prévu n’existe pas ». Dans un monde pareil, on finit par devenir mélancolique, non ? Je me demande même si ce n’est pas le postulat d’une certaine fonction publique : Comme ce n’est pas prévu par le règlement, cela n’a pas lieu d’être et donc cela n’existe pas ; vous me comprenez, n’est-ce pas ?

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 1er juin 2009

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