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5 janvier 2013 6 05 /01 /janvier /2013 15:17

COMME DE JE NE SAIS QUOI
Fantaisie autour du poème "Le sportif au lit", de Henri Michaux, in le recueil La nuit remue. Les citations sont entre guillemets et/ou en italiques.

 

1.
Il est d'utilité publique de rappeler que nous sommes dans le "comme de je ne sais quoi". Louons Michaux. Le "comme de je ne sais quoi", c'est ce que nous échignons à préciser et à définir comment persister dans le "comme de je ne sais quoi", comment passer dans le "comme de je ne sais quoi", et naviguer, et glisser comme on glisse sur une patinoire, avec les patins que nous bricolons "comme de je ne sais quoi".

 

2.
Dans le "comme de je ne sais quoi", on fait presque tout avec presque rien. Ce qui donne à penser beaucoup.

 

3.
"Je plonge comme le sang dans mes veines." C'est que nous sommes mouvement. Nous sommes comme le sang dans nos veines. Nous plongeons comme le sang. Nous sommes les veines du monde.

 

4.
Je dis ça comme ça : la cambriole, c'était une petite pièce, une petite chambre. Du coup, le cambrioleur, c'est celui qui allait dérober quelque chose dans cette petite chambre.

 

5.
"...étant donnée la faible lumière, et le grand nombre d'hommes et de femmes qui tous craignent la solitude..." : on voit pas clair, et en plus on fait foule. Une foule aveugle qui s'entrechoque, s'entremêle, s'entrevoit, s'entretrompe. Quant à la solitude, c'est pourtant la seule qui pardonne.

 

6.
Solitude est maîtresse muette.

 

7.
"... et l'esprit de la tribu, notre seul dieu..." : la république est un monothéisme.

 

8.
Le narrateur du poème "Le sportif au lit" quand il se réveille, cette fois-là dans ce poème-là, il trouve juché et misérablement aplati au haut de son armoire à glace, un homme-serpent. Sans doute est-il sorti de sa besace ramenée de sa dernière virée dans l'ailleurs. Il faut faire attention avec ses bagages. Parfois, il y en a qui ramènent une femme avec des enfants. D'autres des champignons. D'autres des procédures. D'autres des souvenirs et des photographies avec lesquels ils comptent bien saouler leur prochain. D'autres encore ne se ramènent pas eux-mêmes et deviennent ceux qui n'habitent pas à l'adresse indiquée.

 

9.
"Cette nuit, ç'a été la nuit des horizons" : ah ça, on n'y pense pas toujours à cette élision possible du "a" devant un autre "a", et qui évite le hiatus. Et puis c'est joli, ce "ç'a" avec sa pause dans le "ça", le tout-puissant ça, le grand ça, le tout ça qui nous commande, nous ordonne, nous administre. Ce qui est curieux là-dedans, c'est que malgré ce "ç'a été la nuit", il y eut tout de même des horizons. Moi, ma pomme, c'est vrai que le ver du songe me ronge, et que les pieds dans la, je me rêve des jours formidables, d'épatants impossibles, Pierrette et son pot au lait, et pierre qui roule amassant de l'oseille.

 

10.
"car le chat aime méditer" signale le narrateur. Comme les humains alors. Et, à mon avis, la tête pas plus pleine.

 

11.
Je médite souvent sur l'oreiller. C'est d'ailleurs très profitable. J'ai bientôt des visions et, en vérité, je vous le dis, j'eus cette révélation : l'être ronfle.

 

12.
"filain chat" : c'est par ce bref et insignifiant sifflement que "la mère faute de pouvoir crier" espère arrêter le chat, le filain chat, l'énorme chat, le maousse matou, le fieffé greffier, qui "toutefois ne se jeta pas sur elle" vu que "ensuite, je ne sais ce qu'il fit". Louons Michaux pour sa délicatesse, car nous, nous savons bien que le chat s'est jeté sur elle, l'a maintenue sous sa griffe, puis la laissa filer pour la rattraper aussitôt, la laissa filer pour la rattraper derechef, la laissa filer pour la rattraper one more time. C'est qu'il joua longtemps avec la souris.

 

13.
Le poème se termine par la tombée de la nuit et ce constat : "nous fûmes entourés d'une infinité de petites juments." Eh oui, ce sont les petites juments de la nuit, toutes confondues et toutes dissemblables, les juments de l'illusion, les juments fourmillantes, les juments du songe, qui finissent par vous emporter dans le tuyau ronflant d'un sommeil à sabots.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 5 janvier 2013

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