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22 août 2012 3 22 /08 /août /2012 13:06

FAMILIARITE DU CHIEN

"De vous tous le roi désespère, et il danse pour vous plaire !" Il dit cela, Louis Enfant Roi, dans ce film vu revu admiré encore de Roger Planchon. C'est que, très tôt, Louis XIV comprend qu'il appartient à la représentation, et que s'il est au centre du monde ainsi que nous sommes au centre de notre langue - au moment où son pouvoir vacille sous les assauts de la Fronde, une réplique lui fait dire que lui, Louis, se trouve au coeur de ses armées comme Jésus, ou dit-il Dieu? au coeur de l'eucharistie (peut-être dit-il aussi Notre Seigneur) - il se doit alors, lui, d'incarner cette représentation de l'Etat ; il doit être fascinant, littéralement fascinant, que combien même feraient-ils semblant de se fasciner les courtisans, il est que sa puissance ne puisse être remise en question. De même, c'est la fascination que vise le discours ; la langue & même celle de tous les jours, celle qui est faite des échanges fonctionnels, celle qui, apparemment, n'a pas d'autre visée que de confirmer l'appartenance à une communauté, à une équipe, à un projet, a aussi pour but de révéler ce qui peut être fascinant dans le trivial, ce qui est admirable dans l'assiduité & dans l'attachement des gens à leur travail. Simenon est un des auteurs qui servit le mieux cette langue grise des jours qui se suivent, à tel point que de ses romans se dégage la familiarité de ce qui nous est proche et loin à la fois ; c'est que dans cette prose qui semble si simple, si peu littéraire, prosaïque même, très roman de gare en effet, nous ne nous situons pas avec Simenon dans un territoire étranger. La familiarité que nous éprouvons à leur lecture, aux romans de Simenon, et qui s'accorde si bien aux paysages urbains, aux gares & aux visages que nous croisons dans la rue, dans les bureaux et commerces, est d'autant plus fascinante que c'est au coeur de cette familiarité que, tout à coup, quelque chose survient, qu'il y a un drame. Quelqu'un soudain, qui, jusque là n'avait pas fait parler de lui, une personne sans intérêt particulier, une personne sans relief, parfois c'est un notable, quelqu'un de bien, quelqu'un a tué quelqu'un d'autre, et pourtant les jours continuent à se suivre ; les gens vont à leur travail. Lui aussi, Maigret ne fait pas autre chose qu'un travail, son travail, car ce crime n'est jamais qu'un fait divers de plus, dont ils se font l'écho, les journaux, & qui prouve que les gens recèlent des latences de drames très terribles, des labyrinthes à meurtre. J'entends les cris d'Artaud à la radio. C'est que, régulièrement, ça hante les ondes, ça, les cris d'Antonin. Un spectre à la voix âpre, désagréable, pas charmante, et certains disent même qu'ils la trouvent fascinante, en tout cas émouvante. Pas moi ; c'est le cri du trouble. Tout de même le premier poète punk, Artaud, pas glamour, pas crooner & pas compatissant ; je lui accorde. En ce sens, c'est une claque à l'humanisme, à toute cette foutaise qui tend à faire du poète un ami du genre humain, ou un guignol à rêveries du monde du rêve & de la fantaisie, comme je l'ai entendu dire, mais faites donc attention qu'il sourit, le loup, avant d'attaquer & que derrière le masque des fantaisies, une drôle de langue répand ses poisons, un chien tourne en rond, un chien solaire, toxique & qui n'aime pas être dérangé.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 21 août 2012

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