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22 février 2009 7 22 /02 /février /2009 18:53

CORBIERE EN POETE PUNK 2 (fantaisie moqueuse)

Dans l'édition de Christian Angelet (Tristan Corbière, Les Amours jaunes, Le Livre de Poche), à la page 222, on peut lire ces quatre premiers vers d'un poème intitulé "Lettre du Mexique" :

"Vous m'avez confié le petit. - Il est mort.
"Et plus d'un camarade avec, pauvre cher être.
"L'équipage... y en a plus. Il reviendra peut-être
              "Quelques uns de nous. - C'est le sort -

Le premier vers surtout me ravit comme une gifle donnée à un imbécile !

Pas fort aimable ce narrateur qui se veut maritime et d'ailleurs, voici qui est propre à faire fuir toute fille :

Si j'étais noble Faucon,
Tournoirais sur ton balcon...
- Taureau : foncerais ta porte...
- Vampire : te boirais morte...
           Te boirais !
                          (Chanson en si)

Rien de moins galant que ces vers-là : Corbière semble toujours écrire d'ailleurs, d'un autre monde, celui de la fantaisie pure. D'où les grincements ; sans doute la porte sur le monde des spectres de la comédie est-elle mal fermée et s'en viennent des fantômes et fantasmes qui inspirent notre poète.
Mais celui qui a le regard tourné vers cet ailleurs-là, si bizarre, se condamne à être incompris si d'autres "visionnaires" ne le signalaient pas à l'attention de leurs contemporains si affairés aux tâches administratives des vivants.
Je fais cette remarque en passant : ce que nous apprend la contemplation de la société, c'est que la plupart de ses membres (nous-mêmes, pauvres de nous !) ont parfaitement compris que le mieux était d'occuper les vivants en attendant qu'ils soient morts et pour cela rien de plus concret, rien de plus utile à cette tâche salutaire, que la généralisation à toutes les activités humaines de l'approche administrative.
Pour citer un exemple récent, des diététiciens ayant constaté que nos mômes à force de rien fiche à la maison (frigo, télé, ordi, dodo) et de rien fiche à l'école (assis bouche bée à contempler s'agiter le guignol pédagogique), que nos mômes avaient tendance à enfler de partout. "C'est un scandale ! une honte ! une infamie ! Monsieur le Député ! Faut faire quelque chose !"
N'écoutant donc que son courage législatif, le Député Untel, devant trois pelés, deux tondus et un socialiste fit donc voter une loi interdisant les distributeurs de saloperies sucrées dans les établissements scolaires : Ah bin c'est bien !
(1)
Note : (1) comme on dit dans les Flandres, ce qui signifie que vous n'êtes qu'un paltoquet, un zozo des îles, un perfide, un affreux, un tout laid, un drôle et un sauvage.
Ce qui fait que par ces froids de novembre, j'ai vu pas plus tard qu'il y a pas longtemps un élève, dont je sais qu'il se lève tôt et qu'il rentre tard vu qu'il habite bien loin du lycée, dans une toute autre ville que la Dunkerquerie, venir me demander si je ne pouvais pas prendre pour lui, dans la salle des profs, au distributeur des profs, un chocolat chaud, rapport à ce qu'il se les gelait et qu'en vertu des paroles d'experts en diététique, - et l'on sait depuis le procès des innocents d'Outreau quelle est la valeur des paroles d'experts -, et qu'en raison du sentiment d'être utile propre aux représentants du peuple, y avait plus de distributeurs de boissons chaudes pour les élèves !
Que dalle, nib, que couic ! Que l'obéissance et les sentiments respectueux des fonctionnaires de service ; c'est qu'une carrière, Houzeau, ça se travaille !
Bien entendu, je lui ai filé son chocolat.
Et pourtant, je voyais bien que ça inquiétait l'unique collègue présent qui, à la requête de l'élève, suggéra que l'on demandât à l'administration l'autorisation exceptionnelle, - une dérogation ! -, de laisser un élève prendre peut-être l'unique boisson chaude de sa journée !
Mais devant mes cheveux en bataille, mes yeux de fou, et mon sourire ahuri (c'est bien pour ça que je serai jamais titulaire !), il laissa tomber et retourna à ses copies !
J'suis sûr, que l'air de rien, dans une conversation informelle et un grand sourire pédagogique, il m'a balancé au proviseur-adjoint !
Ça fait rien, j'l'attendrai à la sortie !

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 19 décembre 2005

Commentaires

Soyins sérieux

fallait lui filer un bol de jnieff', du Wambrechies bien râpeux!Ca, au moins, ça réchauffe! LE collègue aurait pu baver à son gré!!!

Posté par orlando de rudde, 19 décembre 2005 à 16:50

Je ris. Je devrais pas. Mais la bêtise, c'est tellement triste que je n'ai pas trouvé autre chose pour la combattre que le rire (je suis un brin moqueuse aussi, j'avoue).
(assis bouche bée à contempler s'agiter le guignol pédagogique)<-ça a commencé là à rigoler dans ma chaumière. L'image me parle ;o)

Chris
Posté par Icare, 20 décembre 2005 à 15:13
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22 février 2009 7 22 /02 /février /2009 08:43

NOTES SUR LES "AMOURS JAUNES" DE TRISTAN CORBIERE
CORBIERE EN POETE PUNK (3)

 

Les vers de Tristan Corbière cités ici sont extraits des Amours jaunes dans l'édition établie par Christian Angelet (Livre de Poche, collection Classiques de poche, 2003).

 

Il ne naquit par aucun bout,
Fut toujours poussé vent-de-bout,
Et fut un arlequin-ragoût,
Mélange adultère de tout.
              (Tristan Corbière, Les Amours jaunes, "Epitaphe", Livre de Poche, p.50).

 

Assonances. Le ouh ! moqueur. La moue auto-dérisoire.
"Par aucun bout" car il faut toujours que cela commence par un "bout", le "bon bout de la raison" de Rouletabille ou ces travaux qui tissent nos jours et dont nous devons venir à bout.
Sinon, on n'est jamais que porté, "poussé" par le deci-delà du vent.
Et nous voici "arlequins", petits rigolos, tout bricolés de pièces rapportées. Christian Angelet nous apprend d'ailleurs dans une note à ce vers que le terme "arlequin" désignait les "restes de comestibles provenant de la desserte des grandes maisons et qui se vendaient à bas prix sur les marchés parisiens".
Corbière en autoportrait ? Un néologisme : "l'arlequin ragoût", le "mélange de tout", "adultère" bien sûr, Tristan Corbière en poète punk ne serait jamais être trop bâtard.

 

A propos du titre.
Le recueil Les Amours jaunes fut publié à compte d'auteur en août 1873.
Les Amours jaunes est un titre qui appelle le commentaire puisque la couleur jaune le connote fortement.
Dans sa préface à l'édition parue au Livre de Poche (collection "Classiques de poche", 2003), Christian Angelet écrit que "les premiers commentateurs y ont vu un calque de l'expression rire jaune" (cf préface, p.13).
Il cite à ce propos André Breton :"On peut aimer jaune comme on rit jaune.".
Le préfacier ajoute que "l'interprétation désormais communément admise est que le jaune désigne tout bonnement le cocuage et, plus généralement, la trahison".
A mon sens, les deux interprétations ne s'excluent pas.
Le recueil se veut évidemment ironique, cynique, grinçant comme l'essieu fantôme de "la brouette de la Mort" (cf la pièce intitulée "Nature morte").
On ne rit jaune que de ce qui nous est déplaisant.
La trahison, le cocuage, sont déplaisants.
Mais en donnant ce titre, Tristan Corbière affiche la couleur : Il tourne en dérision le modèle romantique et ses illusions lyriques (l'amour éternel, l'éternel féminin et toutes ces fariboles qui font le succès des chansons de la starac', - à ce propos, je signale que le dernier album des Rolling Stones "Rollingstonesabiggerbang" (sic) marque un retour au rock n' roll dans ce qu'il a de plus ironique et de plus intéressant au niveau rythmique : Charlie Watts et Keith Richards tels qu'en eux-mêmes ; à mille lieues donc des dandineries gnangnans des dindes et dindons de la farce TF1) mais revenons à Corbière qui "trahit" en quelque sorte, en tournant le dos à l'école des bons sentiments et surtout en méprisant les convenances littéraires.
Les amours sont donc jaunes du jaune des cocus mais jaunes aussi du jaune des traîtres.
Ainsi les premiers vers du poème "la fin" où il "trahit" Victor Hugo (alors que tant d'autres allaient lui cirer les pompes !) en s'attaquant à "Oceano nox" :

 

Eh bien, tous ces marins - matelots, capitaines,
Dans leur grand Océan à jamais engloutis,
Partis insoucieux pour leurs courses lointaines,
Sont morts - absolument comme ils étaient partis.


Allons ! c'est leur métier ; ils sont morts dans leurs bottes !
                (Tristan Corbière, La fin, Les Amours jaunes)

 

Et pour que cela soit bien clair, il cite même en exergue les vers de Victor Hugo :

 

Oh ! Combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines
Dans ce morne horizon se sont évanouis !...
                (Victor Hugo, Oceano nox).

 

Patrice Houzeau

Hondeghem, le 29 décembre 2005

 

merci ^^
ça ma beacoup aidé ton texte aaaaaaaa javance
cest pas facile detre une littéraire !!
<<3
Posté par NANA 14 janvier 2007 à 11:53
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