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31 janvier 2009 6 31 /01 /janvier /2009 15:38

UNE AFFAIRE DE SCRIBE II

"Trois jours, trois nuits
  que le vent s'était levé,
  s'engouffrait
  sous les portes,
  jetait bas les masques.
  C'était un temps
  de boîtes à lettres forcées,
  de plaintes,
  arrachées
  aux larmes du parquet.
  Désamarrée,
  la grande bâtisse
  claquait de tous ses volets."
  (Hervé Leroy, Trois jours, trois nuits in Sur les chemins ouverts, Panorama poétique Nord/Pas-de-Calais, Maison de la Poésie Nord/Pas-de-Calais, 2000, p.76)

"Trois jours, trois nuits" : nuits et jours dénombrables à l'infini. Ils sont donc innombrables.
A l'échelle de nous, voilà qu'ils font durée. Ce n'est rien pourtant, les jours et les nuits, que les clins d'oeil d'une paupière ignorée.

"que le vent s'était levé" : Le vent lève les lièvres du temps. Vent levé, comme une armée, une cavalerie invisible. Ainsi, ces "trois jours, trois nuits" confèrent au vent une temporalité, le rendent mémorable.
D'où la nostalgie du vent. De ce vent que l'on imagine soufflant dans les pages de Bernanos ou de Simenon, celui des villes du Nord, où le Diable, vieux professeur de langues lucide et désespérant, attend sa sempiternelle revanche.

"s'engouffrait
  sous les portes" :
Ces deux séquences obéissent au rythme ternaire. Elles rappellent que les vers libres se caractérisent avant tout par une spécificité rythmique.

"jetait bas les masques" : Que ce soit le vent qui jette "bas les masques" revient à dire que c'est le temps qui est à l'oeuvre dans la dénonciation des masques. Il est à noter que cet engouffrement du vent vient d'en bas, de dessous les portes, des failles inéluctables donc, des solutions de discontinuité, pour faire chuter ces masques qui ne peuvent affronter ni la chevalerie du vent, ni la justice du temps.
C'est ainsi que nous tous, beaux masques et caricatures, ne pouvons qu'être emportés par ce vent qui force les boîtes à lettres, qui arrache des plaintes, qui désamarre les bâtisses.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 17 octobre 2008 

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