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31 janvier 2009 6 31 /01 /janvier /2009 15:43

MACHINA POUR D’AUTRES DIEUX

« - J’ai découvert un moyen de ressusciter. Tiens ! Cherche dans le tiroir de la table, tu l’ouvriras en pressant un ressort caché par le griffon. » (Honoré de Balzac, L’Elixir de longue vie, in La dimension fantastique – 2, Librio, 1998, p.10).

Revenir vivant de là d’où nul ne la ramène jamais, sa fraise. Ressusciter sans cette fameuse résurrection des corps dont, histoire de ne pas désespérer le miséreux, l’Eglise nous cause avec l’art consommé de la plus absolue des convictions. Avoir ça, dans le « tiroir » d’une « table », à sa portée, sous la main, - ah le pied ! -, bien qu’en l’occurrence, faille quand même actionner un « ressort », rapport à ce que le monde, c’est d’la mécanique, d’la machina pour d’autres dieux, et même de la foutue camelote, qu’ils disent certains, « ressort » d’ailleurs signalé comme étant occulte. Et ça tombe bien, vu que c’est son sujet, l’étant occulte, au récit fantastique.
La résurrection, certes oui, mais la chair ? Ah la chair ! Ainsi :

« Les femmes, toutes étrangement belles, étaient parées de robes aux couleurs vives d’un dessin fantastique. » (Fitz James O’Brien, La Chambre perdue, op. cité, p.49).

Etrange, la beauté, tout de même… C’est cette belle étrangeté de l’être que dévoile aussi l’ange du bizarre du fantastique. Un beau visage qui ouvre la bouche pour en sortir un flot de ces trivialités communes du temps, voilà qui illustre que la beauté dépasse l’étant le plus sot qui soit. J’entends ici par sottise cette absence de réserve et de réflexion qui caractérise cette si répandue impolitesse à être.
La plus jolie fille du monde ne pouvant donner que ce qu’elle a, les belles femmes du fantastique sont donc vouées à « l’étrangement belles », et leur apparence, ce masque élégant de la nudité, cette sublimation des corps, relève donc de la haute couture, de l’atemporalité de la mode, les grands stylistes travaillant autant pour leur postérité que pour leurs riches clients.
C’est qu’ils semblent si vivant, les habits de l’étrange, ces « robes aux couleurs vives d’un dessin fantastique » qu’il n’est pas besoin ici d’en préciser ni le dessin ni les couleurs, lesquels semblent alors générer tous les dessins et toutes les couleurs possibles du pressentiment de l’imaginaire, du pré-imaginable, ce qui affleure à la conscience sans jamais réellement se préciser, à la façon d’un visage désespérément flou dans le cauchemar d’un miroir. A la semblance, ces femmes fantastiques, du dragon glissant sur l’eau, la Vouivre ou la Serpente, et qui fait jaillir de ses « écailles d’anamorphoses » (1) de quoi vous hanter les mirettes pour des lustres.

(1)
   
« Ecailles d’anamorphoses » : Titre d’un recueil de Frédéric Tavernier. Je lui emprunte ici ce beau titre qui m’évoque assez la peinte arabesque du serpent de certaines calligraphies orientales.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 18 octobre 2008

 

 

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