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16 février 2009 1 16 /02 /février /2009 16:36

TATOUAGES

Notes sur The Courage of Shutting-up (Le Courage de se taire) de Sylvia Plath, poème du recueil Winter trees publié en édition bilingue dans la collection Poésie/Gallimard et traduit par Françoise Morvan (cf Arbres d'hiver précédé de La Traversée, Poésie/Gallimard, p.194).
Les citations faites ici du texte de Sylvia Plath figurent en caractères gras.

Troisième strophe du poème :

Tattooing over and over the same blue grievances,
The snakes, the babies, the tits
On mermaids and two-legged dreamgirls.
The surgeon is quiet, he does not speak.
He has seen too much death, his hands are full of it.

"Tatouant sans fin les griefs bleuâtres,
Les serpents de mer, les enfants, les seins
De sirène ou de vamp à deux jambes.
Le médecin est calme, il ne parle pas.
Il a vu trop de mort, ses mains en sont pleines."
                                         (traduction : Françoise Morvan)

Le texte mêle, énumère des éléments légendaires, hallucinatoires et rapproche l'acte chirurgical du geste du tatoueur.
"Snakes, babies, tits on mermaids, dreamgirls, surgeon" : autant d'élèments qui font de cette scène d'opération une évocation imaginaire.
Pour cela, Sylvia Plath convoque cet étrange bestiaire que l'on a pu rencontrer dans bien d'autres poèmes. cf Zoo Keeper's Wife (Femme de gardien de zoo, in La Traversée, p.150, op.cit.) :

... my belly a silk stocking
Where the heads and tails of my sisters decompose.

"...mon ventre un bas de soie
Où les têtes et les queues de mes soeurs se décomposent."
                                              (traduction : Valérie Rouzeau)

Bestiaire de Sylvia Plath : anguille, -"cold as an eel"-, "froide comme une anguille" se décrit ainsi la narratrice de Zoo Keeper's Wife, sirène au ventre de soie, serpent de mer, un monde marin, un monde englouti dont le praticien ne sait rien car il est tout entier dans le calme et la lucidité de son acte :

The surgeon is quiet, he does not speak.
He has seen too much death, his hands are full of it.

La lucidité, c'est la patience devant l'ordinaire de la mort. "Death, too much death", mort si nombreuse, à en remplir les mains des hommes pourtant "calmes" (quiet).
Ainsi s'explique le titre du poème : "The Courage of Shutting-up" (Le Courage de se taire)./

Les vers de Sylvia Plath mettent ici en évidence quelques éléments du blason du corps qui se chargent ainsi de cette énergie symbolique que l'on appelle le sens :
Les seins des sirènes (the tits on mermaids) et les "filles de rêves à deux jambes" (two-legged dreamgirls) qui s'opposent à l'horreur des anguilles, des êtres au ventre en bas de soie de la femme du gardien de zoo, sont ainsi les mots-clés d'un univers où l'imaginaire "tatoue sans fin les mêmes griefs bleuâtres".
Le poème réunit les figures légendaires de la tradition (mermaids) et les fantasmes ordinaires des magazines (dreamgirls). Le mot "tits" (seins) opère cette analogie.

                           Patrice Houzeau
                           Hondeghem, le 18 juin 2005

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