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18 février 2009 3 18 /02 /février /2009 12:29

TROIS NOTES SUR L'INHABITABLE

1.
 « hetzi-keri-ieï » - un visage dans les aiguilles de la pluie
presque transpercé, à la lueur de la torche, la tresse noire
la joue couleur safran dans le froid de cristal de l’hiver
(Katarina Frostenson, traduit par Christofer Bjurström, Canal, Maison de la Poésie Nord/Pas-de-Calais, 1998, p.23)

La langue du poème peut sembler si urgente qui enchaîne les notations et les compléments de noms (« dans le froid de cristal de l’hiver »).
Ecrire : accumuler des notations que l’obligation des genres oblige à mettre en ordre. Ici, l’ordre est un palais impalpable saisi par le vif : « froid », « cristal », « hiver ». C’est beau et inhabitable comme une chanson.

 

2.
Que voulait-il dire aussi, çui-là d’Arthur Rimbaud des « illuminations » avec sa « séance des rythmes » qui « occupent la demeure, la tête et le monde de l’esprit » (cf Jeunesse I) ? Voulait-il parler de la musique ? Ce qui différencie les vifs des morts : le rythme. D’ailleurs, nos films d’horreur nous présentent zombies et morts-vivants comme manquant de rythme et de souplesse dans cette grande nuit de leur retour lorsqu’ils se déplacent dans les zones urbaines en paquets, borborygmant, bavant, tout dégoûtants, les bras écartés et le pas lourd à servir de cible aux fusils des vivants retranchés.
« demeure », « tête », « monde de l’esprit » : Voilà de quoi nous la farcir, la caboche, de notations, de la « visite des souvenirs » (Rimbaud) aux « desperadoes » qui « languissent après l’orage » (Rimbaud), à ces « petits enfants » aussi qui « étouffent des malédictions le long des rivières » (Rimbaud).

 

3.
Celle-là aussi, tiens de notation dans le genre baroque, elle se pose un peu-là :

 
                                   "… y que a cada jugada
se tiende la Muerte ante el jugador desnuda
y enanos juegan con cabezas humanas."
(Leopoldo Maria Panero)

 

                       " … et qu’à chaque coup
la Mort se couche nue devant le joueur
et des nains jouent avec des têtes d’hommes."
(traduction : François-Michel Durazzo, Dans le sombre jardin de l’asile, poèmes de Leopoldo Maria Panero, Maison de la Poésie Nord/Pas-de-Calais, 1994, p.50-51)

Effet visuel : la mort et la violence. Le joueur se tient devant la Mort car, en fin de compte, c’est sa vie qu’il met en jeu. Ce désir de mort est sans doute aussi puissant qu’un désir amoureux, d’où cette parenté entre la Mort et la femme nue.
Quant aux « nains », ce sont figures de l’absurde que ces « nains » féroces que l’on imagine, dans quelque gravure surréaliste, jouer au football avec des têtes tranchées. Dans un film sur « la Révolution des Œillets », il y a ce militaire portugais qui déclare en avoir assez de ces parties de foot ougandaises où le ballon est une tête de prisonnier.

Ce qui me rappelle cette andouille politique locale qui, en préambule à une lecture, déclara : « Et maintenant, place à la poésie, au rêve, à la fantaisie et à l’émotion. » C’est-y pas qu’ils prendraient la poésie pour une forme ancienne de publicité, les fripouilles honorables…

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 18 février 2009

 

 

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