A PROPOS DE LUCIEN SUEL
Que dire de Lucien Suel, sinon que c'est un des écrivains importants de notre époque. Voici le premier article que je lui avais consacré sur Le Blog Littéraire. Depuis, Lucien Suel a publié un excellent roman à La Table Ronde (Mort d'un Jardinier), a multiplié travaux, performances, collaborations diverses, expositions, lectures publiques. Sa renommée ne cesse de grandir. C'est tant mieux.
Très récemment, l'écrivain Lucien Suel a eu la gentillesse de laisser un commentaire sur mon blog. Or, Lucien Suel est un auteur que j'admire beaucoup pour l'originalité de son travail (plusieurs de ses oeuvres ont été éditées par les hélas défuntes "Editions du Marais" initiées par l'excellente libraire Elisabeth Chombard d' Hazebrouck; sa librairie "le Marais du Livre" est connue dans toute la région Nord et ce n'est que justice étant donnée la qualité de son travail.)
Du coup, il m'a laissé l'adresse de son blog (SILO http://academie23.blogspot.com/) et ce que j'y ai lu et vu est bougrement intéressant.
Au 14 janvier 2006, la page s'ouvre sur la capucine : une photo et un texte tiré de Visions d'un jardin ordinaire (juin 2000, éditions du Marais). Je cite simplement le début de ce texte pour vous mettre l'eau à la bouche et ensuite, vous pourrez aller vous régaler sur le site de Lucien Suel :
"La capucine allonge le bras au-dessus de l'eau. Elle veut danser, danser avec sa soeur noire, dans le soleil. La nuit seule interrompt la danse, la danse de la capucine.(...)"
Voilà qui est bien propre à être mis en bouche, lu en public, cadencé, déclamé, rythmé puisque bien sûr on se souvient alors des paroles terribles en fin de compte de la ronde enfantine que nous connaissons tous :
Dansons la capucine
Il n'y a plus de pain chez nous
Il y en a chez la voisine
Mais ce n'est pas pour nous !
Mais sur cette première page, ce qu'il ne faut pas manquer, c'est la mise en ligne d'un texte formidable : Le nouveau bestiaire, The new bestiary publié en 1977 par la légendaire S.U.E.L. (Station Underground d'Emerveillement Littéraire), cosigné par William Brown pour les illustrations ainsi que pour les traductions en anglais et Lucien Suel pour les poèmes.
1977 ! ça fait un bail ! C'est donc une chance incroyable de retrouver ce texte quasi introuvable et il faut en profiter car les gravures sur bois de William Brown sont superbes : allez voir par exemple le cheval et l'hippocampe de "Club de rencontres", "Lonely hearts" (je cite : Jeune hippocampe, souhaite connaître le Paradis avec un cheval terrestre ; Young Sea Horse, looking to find paradise with like-minded Earthy Horse) ou encore "le chat de Guarbecque" :
Le chat de Guarbecque ronronne
dans une fourrure d'étoiles,
griffant la paille
sur les prie-Dieu.
Oraison nocturne du matou.
The cat of Guarbecque purrs
in his coat of stars,
as he claws at the hassocks
This is the Tomcat's Angelus,
Tom's prayer.
Bref, une fois que vous aurez ouvert d'émerveillées mirettes sur le travail de William et Lucien, vous n'aurez plus qu'à avoir envie de les féliciter pour leur humour et leur poésie et accessoirement de suggérer à tous les éditeurs que vous connaissez de publier sur papier ce "Nouveau Bestiaire" qui, à coup sûr, est un des futurs classiques de la poésie européenne.
Les mêmes éditeurs en profiteront pour publier les "Oeuvres complètes" d'Orlando de Rudder et ils seront ainsi assurés de faire un investissement qui, la notoriété deruderienne, grâce à son blog (http://orlandoderudder.canalblog.com) connaissant une courbe exponentielle, ne pourra être que suivi de retombées financières mirifiques : l'oeuvre d'Orlando de Rudder est un feu qui couve ; il ne manque qu'une étincelle de publicité et la flambée sera généreuse !
Il est aussi beaucoup question d'une des grandes influences de Lucien Suel : ceux qu'il appelle "les Anges d'un nouvel ailleurs", les écrivains phares de la beat generation, Kerouac, Ginsberg, Burroughs. Il s'agit d'un travail collectif, un ensemble de textes composés par Arnaud Mirland, Lucien et Thomas Suel. Ce qui est dit dans ces courts textes est fort juste et terrible comme la beauté :
"Inde 5 - Pakistan 6. Qu'aurais-tu dit Allen ? Quelle vieille histoire serais-tu allé chercher ? Quel conte ? Par quelle pirouette de vieux juif new-yorkais bouddhiste homosexuel aurais-tu commenté ce score ? (...)" (AM)
"Le hurlement d'Allen à San Francisco est ici et maintenant une vibration de l'air dans les cheveux des enfants et les vomissements spasmodiques de Jack dans les toilettes du "Cellar" font trembler les feuilles des saules à des milliers de kilomètres et les déflagrations du flingue de William sont une caresse répétée sur la peau des adolescents éberlués. (...)" (LS)
Le tout est syncopé de photographies, petites images de la mémoire qui ne demandent qu'à grandir...
Patrice Houzeau
Hondeghem contre l'A24
le 15 janvier 2006
Commentaires
Décidément, on se retrouve "en famille" sur les blogs!
Sur Les beatnicks, il y aurait tant à dire! La récupération d'unmouvement par ce qui est devenu le hippisme, l'abandon du jazz pour une pop souvent superbe mais qui a confisqué le blues au noir et étouffé durant trente ans toutes les autres musiques (le jazz manouche et le flamenco, par exemple renaissent à peine après une sorte d'incubation, et le mépris subi...).Il y a eu un "coup d'arrêt" à ce mouvement divers, juteux, mais radical...
Peut-être que, maintenant, avec la renaissance obligée de "l'autre amérique", celle qui ne veut pas de Bush, pas plus qu'elle ne voulait de Regan ou de Truman va , elle aussi renaître des cendres de tant d'espoir déçu!!!
Suel, la poésie, l'écriture d'offrande... je n'en suis pas sûr, Patrice que, ni lui ni moi, ne pouvons intéresser les éditeurs actuels... ne nous plaignons pas, nous existons! MAis nous sommes bien "en-dehors", comme disait Zo d'Axa, bien loin de ces agitations actuelles... Moi, elles me dépassent!
