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1 octobre 2009 4 01 /10 /octobre /2009 17:16

SPIRALE DU TEMPS

"Elles ne sortent pas de l'école... La porte est sur la gauche... les pas vers la droite..."
(in Suspiria, Dario Argento)

Elle frêle chétive à côté du char dans la nuit bleue dit qu'elle va cacher son sac sous ce char en réfection et ne garder avec elle qu'un document ! et c'est ainsi dans les bandes dessinées que l'on est au courant des pensées des personnages ; on peut les lire dans les phylactères qui se baladent nuages chargés de signes au-dessus des têtes ; ici, celle de Yoko Tsuno, mignonne et brune à reflets bleus et bandeau rouge que l'on peut voir sauter par la fenêtre d'un bungalow, le corps propulsé par son propre élan, auto-propulsé, dynamique, prenant soudain dans le temps arrêté du papier la forme d'un angle, le buste partant en diagonale du bassin, la tête baissée, ainsi qu'elle le ferait pour passer sous un fil invisible, la jambe gauche projetée en avant, légérement pliée au genou, la jambe droite constituant elle aussi un angle de telle manière que la ligne du corps, du chausson droit à la tête brune et ombrée, figure nettement un éclair.
Les deux cases que je viens d'évoquer se trouvent dans l'album n°11 des aventures de Yoko Tsuno (pages 30 et 31, auteur : Roger Leloup, éditeur : Dupuis) intitulé : La Spirale du Temps.
Somme toute intéressant, ce titre, puisque, implicitement, ce drôle de complément de nom lui confère une forme, à l'abstraction du temps ; ce qui est assez déroutant en soi mais, après tout, pas unique, puisque déjà les collégiens apprennent que le temps se représente au tableau par une flèche surgissant de l'infini du passé et se dirigeant vers l'infinie indétermination du futur, flèche qui a aussi cette propriété d'être adaptable en frise chronologique, graduée comme un mètre, synchronisée, domestiquée à l'usage des enseignants et de leurs élèves (lesquels ne se repèrent pas toujours très aisément dans l'espace et le temps, pas d'une façon satisfaisante avant la puberté prétendent certains psychologues), fictionnelle, puisque ce temps de l'Histoire n'est jamais qu'une temporalité organisée par les historiens, un temps académique, un temps de minutes et de juridictions, un temps de dates mémorables et de publications, cependant que l'on peut se douter que ce temps passé que sans cesse l'on ressasse, rabâche, analyse, commente, synthétise, est un être qui n'existe plus, qui ne peut plus exister (et c'est en effet que l'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve), un temps sans mesure, révolu, résolu, dissous dans ce présent que déjà passe le futur.
Quant à la Spirale, c'est ce serpent enroulé sur lui-même, queue au centre et gueule périphérique, c'est cette ligne qui s'allonge ni ne se réduit mais qui semble sans cesse sur le point d'ouvrir une nouvelle dimension à notre imparfaite - et donc imaginative - conscience réflexive (Dieu, puisqu'il est omniscient n'a pas besoin d'imagination ; il est donc absolument dénué d'imagination ; d'ailleurs, les êtres imaginaires sont, par définition, sans imagination... ou alors c'est que sa Création ne fut qu'un immense coup de dés, l'occasion pour Dieu de pouvoir quand même, malgré son omniscience, spéculer en lançant le vivant au hasard et les humains comme autant de billes propulsées dans une aire de jeu ; nous serions ainsi les marionnettes spéculatives d'un Dieu dont l'omniscience ne pourrait se passer de la science imparfaite des éternels étudiants, ces animaux à conscience réflexive) semblant sans cesse vouloir creuser dans l'espace un couloir, que les clichés associés au genre de la Science-Fiction nomment d'ailleurs "couloir du temps", comme si le temps était le medium d'un passage entre deux univers, comme si le temps s'architecturait, se structurait en une géométrie que l'on pourrait symboliser par un 8 couché, un serpent qui se mord la queue, une spirale impuissante cependant que très décorative et fort utile à ceux qui font profession de bâtir des plans sur la comète du roman.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 28 juillet 2008

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