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21 août 2012 2 21 /08 /août /2012 05:14

EVITER SANS FUIR

Ce que c'est tout de même qu'une belle langue ! Par exemple, cette phrase que je trouve chez Cioran :

"On ne peut éviter les défauts des hommes sans fuir, par là même, leurs vertus."

C'est dans ses Syllogismes de l'amertume ; on dirait du La Rochefoucauld & il est vrai que les autres sont à la fois vertus & défauts. Moi qui suis plutôt défiant, il me faut bien faire une raison des qualités des gens. C'est que, tout compte fait, ce qui en eux me déplaît finit par m'éloigner. Ce qui ne serait rien sans grincements de dents et vipérins malentendus. Aussi, connaissant mon peu de compétence pour l'amitié, je tends en vieillissant à ne fréquenter les gens que par pur besoin social, et je leur laisse le plaisir de se retrouver entre eux. Ainsi, jamais je ne retomberai dans cette naïveté de me prendre d'affection pour quelqu'un qui eut bien autre chose, la belle personne, à faire que de se soucier de ma trogne. Adieu donc, Mademoiselle & puisque j'ai tendance à considérer qu'une amitié ne peut exister entre deux hommes - cela me semble de la fiction, de la miévrerie & l'on ne doit considérer que le respect ou le mépris qu'un homme peut éprouver pour un autre (le commerce des services et des biens pourvoit au reste, et cela est très bien) & c'est très grotesque à mes yeux que deux hommes se faisant la bise comme s'ils étaient frères & nous savons qu'il n'est de meilleur traître que celui qui se prétend notre frère - y a-t-il donc de la place pour quelqu'un d'autre que mes parents & la femme qui m'accompagne ? Oui ? Une autre femme ? Voilà qui, à mon avis, n'arrivera pas. Ce qu'il y a dans ce que j'affirme, c'est que le vivre ensemble convivial, et cette trop grande familiarité entre les personnes ne peut amener qu'hypocrisie grotesque vaudeville manipulation aveuglement et déception, en un mot guignolade. J'écris ceci en regardant une fois de plus les belles scènes du film Louis, Enfant Roi de Roger Planchon. Oui-da, les personnes du Grand Siècle furent si violentes et sales et de parti pris - c'est du masque dont je parle, celui qu'on lui colla, au Grand Monde qui était peut-être encore bien pire que ce qu'on en dit - sales et très injustes, cyniques bien sûr & bien sûr d'une terrible morgue des grands, i faut bien le dire - mais quelle jactance fabuleuse! Quel esprit! Quelle puissance d'évocation! Quelle liberté de ton chez certains, loin de la langue de bois que l'on trouve maintenant dans toutes les bouches, dans les cours et discours, les voeux et les désaveux, les rôles et les paroles, les messes et les promesses. Je dis ceci car je le pense, même si c'est un autre langage qui m'anime, que je ne connais pas, une langue étrangère à moi-même : Je dis je, mais qui est donc ce je que je dis et qui n'est que convention du langage ? Je dis je, et si je dis faux, n'est-ce pas ce je qui est accusé ? Mais ce je n'est pas plus moi que le tu que j'emploie est toi. Seigneur, qu'elle est sanglante alors cette langue qui coupe & tranche & ment comme nous respirons.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 21 août 2012

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