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16 janvier 2010 6 16 /01 /janvier /2010 17:09

L’ŒIL VAUTOUR

« De son or je n’avais aucune envie. Je crois que c’était son œil ! Oui, c’était cela ! Un de ses yeux ressemblait à celui d’un vautour, - un œil bleu pâle, avec une taie dessus. Chaque fois que cet œil tombait sur moi, mon sang se glaçait ; et ainsi, lentement, - par degrés, – je me mis en tête d’arracher la vie du vieillard, et par ce moyen de me délivrer de l’œil à tout jamais. » (Edgar Poe, traduit par Baudelaire, Le cœur révélateur, in Nouvelles histoires extraordinaires, Le Livre de poche Classiques, p.79-80).

L’œil vautour : Il rappelle toute la malignité du réel ; il en est le symbole, l’œil froid qui « glace le sang ». Que cet œil vautour relève en fait de l’humain (cf « Un de ses yeux ressemblait à celui d’un vautour ») rappelle que le corps est un ensemble d’organes qui, sans l’existence de la conscience morale, constituent une machine parfaitement prédatrice. Observez l’œil de l’autre, ce tout un chacun qui tourne autour de vous : un peu de chair dont la spécificité organique jette sur le réel – et donc sur vous aussi – un regard purement organique et potentiellement prédateur.
Du reste, cet œil n’a pas besoin d’être noir et profond comme une nuit où il se passe on ne sait quoi, ou perçant comme le regard de l’enquêteur, de l’inquisiteur, du voyeur, du perceur de secrets ; ici, c’est même le contraire, il est bêtement animal, handicapé, aveuglé : « un oeil bleu pâle, avec une taie dessus. »
Cet œil suspend le temps de sa mort oculaire : il fige le monde dans son regard : « Chaque fois que cet œil tombait sur moi, mon sang se glaçait ». L’énigme suspend le voyageur dans le regard du Sphinx. Comment y échapper, à cette fatale synchronie ? - « lentement » et « par degrés » répond le texte. Degrés. Marches. Progression concentrique. Nous occupons toujours le même cercle, que, lentement, nous agrandissons, élargissons jusqu’à l’idée de tuer l’œil lui-même.  

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 16 janvier 2010

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