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16 novembre 2009 1 16 /11 /novembre /2009 06:01

LES JAMBES EN L’AIR

« Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,
                     Brûlante et suant les poisons,
   Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique
                     Son ventre plein d’exhalaisons. »
(Baudelaire, Une Charogne, vers 4- 8).

Se promenant, lui et son « âme » (lui-même ? sa maîtresse ?) par un « beau matin d’été si doux », le narrateur baudelairien « au détour d’un sentier » tombe soudain sur le spectacle d’une « charogne infâme / Sur un lit semé de cailloux ».
C’est à l’autre qu’il destine cette comparaison : « les jambes en l’air, comme une femme lubrique ». La charogne est d’ailleurs « brûlante » et « nonchalante ». Active aussi. Il ne s’agit plus de l’âme, mais du « ventre » ici. Il s’agit de la leçon des cyniques : nous, esprits si vifs, nous sommes esprits si vifs parce que nous sommes des corps vivants ; nous sommes si charmants, nous sommes si « âme » par un « matin d’été si doux », parce que nous sommes encore vivants, et vifs, et jeunes. Rappel donc de la nature carnée des êtres. Rappel à l’organique.
Les sons montent et descendent (« lubrique », « poisons », « cynique », « exhalaisons ») comme une musique qui ferait soudain des dissonances dans une mélodie charmante.
La vision morbide constitue un spectacle obscène. La mort et le sexe fascinent, et de cette fascination le créateur tire des comparaisons, des analogies. La fascination cristallise. Les comparaisons proposent des fragments d’analyse, suggèrent des soleils noirs, des mélancolies, des complaisances qui rappellent que le vivant est à la merci des fascinations.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 16 novembre 2009

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