BARABBAS (Du survivant au blason)
Notes sur la pièce Barabbas de Michel de Ghelderode, Edition Luc Pire, Espace Nord)
Survivant.
L’amour survivant à la disparition de l’autre : une tentative, - ou une tentation d’absolu.
Transformer l’imparfait des diachronies (une existence, un ensemble de faits et gestes voué à la narration à l’imparfait) en une synchronie, été infini, comme en donnent les images du paradis :
- « Pourquoi, femme, attends-tu qu’il meure ?
MADELEINE. – Parce qu’alors je m’éveillerai, je pourrai l’aimer comme il faut que je l’aime, dans l’absolu. Oh ! qu’il meure… » (Michel de Ghelderode, Barabbas, p.117)
Témoins.
La vérité ? – un masque baigné de larmes. L’humain ôte son masque, puis derrière le masque encore un masque, puis encore un masque, un masque, un masque, un masque… L’humain ne s’épuise pas. C’est une chute perpétuelle des masques. Les larmes ne cessent donc jamais ; l’histoire des masques ne cesse donc jamais. Seuls changent les témoins :
Cf Michel de Ghelderode, Barabbas à l’apôtre Pierre : « Tu as pleuré ? Il y a de quoi pleurer, camarade. Il y a de quoi pleurer, en vérité. » (Barabbas, p.124).
Mystères.
Une religion, c’est une collection de mystères.
(Pourquoi, comme si nous parlions toujours d’une même religion commune à tous les humains, notre premier mouvement est-il d’employer le générique « la religion » plutôt que le moins défini « une religion » ?)
Que masquent ces mystères sinon l’irrévocable au cœur de l’humain ? Sinon, le désir, face d’ange dans un jardin noir. Les mystères et leurs gardiens étranglent. Un apôtre se demande : « Pourquoi nous parla-t-il si mystérieusement de toutes choses ? Nous voici abandonnés ! Et le berger frappé, que devient le troupeau ? » (Michel de Ghelderode, Barabbas, p.79).
L’heure du Christ.
« C’est l’heure du Christ. » (Barabbas, p.148) : Le monde à l’heure du Ciel, l’heure de Dieu qui compte toutes les heures en un infinitésimal fragment de temps. S’il y a un point à l’origine, ce point est à la fois l’espace et le temps, le sable et le grain, la synchronie et la diachronie.
Blason.
Blason du Christ, une icône du corps supplicié : « Ô Crucifié, pantelant dans le temps, avec tes plaies torrentielles ! » (Barabbas, p.141).
Dans le temps, le Christ en croix, éclair qui n’en finit pas de déchirer le ciel pour rappeler aux humains qu’ils sont de chair à mystères.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 14 juin 2009