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6 février 2009 5 06 /02 /février /2009 17:08

QUATRE NOTES SUR RIMBAUD ET VERLAINE

1) Verlaine

Sur la couverture d'un choix de poèmes de Verlaine publié par les Nouveaux Classiques Larousse, on trouve la reproduction d'une peinture de Lotti Van Der Gag (Paul Verlaine en prison). Le dessin représente un visage d'homme barbu et chauve, aux sourcils de loup-garou, - puisqu'ils se rejoignent -, sur un fond lilas où l'on voit sur la gauche la rectitude des barreaux.
Une inscription dans le style des graffitis : Je suis élu ! Je suis damné !

2) Rimbaud

Souvent utilisé aussi le célèbre détail du tableau de Henri Fantin-Latour "Un coin de table" (1872) où l'on voit un Rimbaud en jeune fille, les cheveux à la diable, les yeux grands ouverts à travers les traits du pinceau, songeuse au visage rond posé sur la main, soudain immense la main, comme si ce jeune homme était prêt à faire le coup de fusil.

3) L'eau claire

L'eau claire ; comme le sel des larmes d'enfance,
                                       
(Arthur Rimbaud, Mémoire)

Ce vers de Rimbaud, cet alexandrin jeté, ce début de Mémoire, caractéristique des recherches syntaxiques de la poésie rimbaldienne : une comparaison entre la pureté de l'eau et les larmes d'enfance bien que le groupe "le sel" complète le mot-outil "comme". L'anacoluthe, la rupture de construction, le flux des images mentales est ainsi suggéré, et ce goût pour la musique des phrases, des phrases que l'on se répète, pour soi.
On dit que Rimbaud aimait composer ses poèmes en marchant, de "mémoire" donc, faisant tourner vers et phrases dans sa caboche de mauvais fils, comme les phrases d'une autre musique.
L'eau claire ainsi salée, comme la mer, comme la mer rêvée.

4) "Pauvre âme"

Pauvre âme pâle, au moins cette eau du puits glacé,
                                       (Paul Verlaine, Sagesse, III, 3)

Une autre source : l'eau glacée des prisons au début du second quatrain d'un sonnet de Verlaine.
Pas de sel ici, pas de mers sans limites mais l'eau domestiquée du puits.
Une autre pureté si l'on veut, celle de la solitude assumée : Midi sonne. De grâce, éloignez-vous, madame. (Verlaine, ibidem).
Et pourtant, l'homme blessé, lui aussi comme un enfant, "un enfant bercé", un fils secouru :

Pauvre âme pâle, au moins cette eau du puits glacé,
Bois-là. Puis dors après. Allons, tu vois, je reste,
Et je dorloterai les rêves de ta sieste,
Et tu chantonneras comme un enfant bercé.
                                       (Verlaine, ibid.)

Discours indirect libre. C'est la femme rêvée par le prisonnier Verlaine qui parle ici. Verlaine fantasme comme un adolescent un peu niais tandis que Rimbaud fiche le camp à l'autre bout du monde, renonçant à la poésie pour l'action solitaire, tête de lard.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 19 novembre 2005

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