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3 août 2013 6 03 /08 /août /2013 23:40

SPHINGE MIRETTES
Notes sur le sonnet Le Flambeau vivant, de Charles Baudelaire.

 

Le narrateur baudelairien du sonnet Le Flambeau vivant est un précédé, un précédé de "Yeux pleins de lumières". Quel être étrange se tient ainsi sur ses deux jambes et sous ce masque lumineux ? Notons déjà qu'il est en marche - il n'a donc pas que des yeux, il a des pieds aussi - et donc le narrateur a des pieds de même, puisqu'il le suit, comme dans un rêve, d'autant plus rêve que ce regard est magnétique, aimanté sans doute par un Ange très savant ; ce qui est heureux car si l'Ange eût été crétin bovin, le regard de l'être en eût été changé.
Donc, le narrateur baudelairien du sonnet Le Flambeau vivant  suit des yeux, et même des Yeux avec un Y majuscule. Ce qui épate, c'est que l'être précédant, çui-là qui ouvre la marche, des fois, il se retourne (il n'est donc point Orphée, et le narrateur baudelairien, nous le savons, n'a rien d'une Eurydice), il se retourne et il les secoue, ses Yeux, puisque ceux-ci jettent des éclats "diamantés" dans les yeux du narrateur.
Pourquoi se retournent-ils, ces Yeux mystérieux ? Est-ce pour vérifier qu'il est toujours là, le narrateur ? Est-ce pour lui blaguer du Toto, lui gossiper la cogite, le chamailler, lui détailler la bataille de Pharsale, lui poser des devinettes, l'avertir des dangers en chemin ?
C'est qu'il a tout de l'Ange gardien, celui qui sauve de tout piège et de tout péché grave ; et c'est qu'on dirait aussi l'Ange de l'esthétique, vu qu'il conduisent les pas dans la route du Beau. Et pour voir le Beau, vaut mieux avoir de bons yeux ; du coup (d'oeil), des yeux lumineux, qu'on dirait des phares, quoi de mieux ? Et s'il était dans une automobile, le narrateur baudelairien, ou un hélicoptère, ou une soucoupe volante ? En tout cas, il est accro, le Charlot, qui entretient avec ce regard devant lui une relation d'intimité façon "Ils sont mes serviteurs et je suis leur esclave", et que tout son être obéit à ce vivant flambeau.
Le premier tercet vire mystique - je dis ça à cause de l'expression "clarté mystique" et la comparaison des carreaux volants à des "cierges brûlant en plein jour". Et quand on flanque du mystique à la rime, il n'est pas étonnant qu'on fasse jaillir une "flamme fantastique". D'ailleurs, le mystique à ténèbres, ça peut vite verser dans l'occulte, gothico-ouh-ouh-j'te-fais-peur, et la "flamme fantastique" ici, elle n'est pas si loin de suggérer le sphinx.
Le narrateur baudelairien du sonnet Le Flambeau vivant commence le second tercet en parallélisant que les cierges "célèbrent la mort" (d'où leur présence récurrente dans l'imagerie gothico-kitch) tandis que les Yeux, eux, "ils chantent le Réveil". Marcher derrière des yeux chanteurs puis qui vous réveillent, c'est pas courant, c'est même carrément époustouflant, hallucinant, qu'à mon avis, ces mirettes flottantes, c'est celles d'une sphinge, dont il est tombé amoureux, le narrateur baudelairien. Pas étonnant dès lors que ces yeux-là soient plus brillants que le soleil lui-même, puisqu'ils sont aussi mythiques que l'énigme.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 3 Août 2013  

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2 août 2013 5 02 /08 /août /2013 22:28

ET MÊME SI PERSONNE N'EST SON NOM

 

1.
Entendu sur France Culture, ce matin, que Baudelaire, condamnait "la prédilection des Français pour les métaphores militaires. Toute métaphore ici porte des moustaches." (cf Baudelaire, Journaux intimes). Ainsi peut-être condamnait-il le terme "Avant-garde", comme on peut le penser à la lecture des lignes suivantes :

 

"Littérature militante. - Rester sur la brèche. - Porter haut le drapeau. - Tenir le drapeau haut et ferme. - Se jeter dans la mêlée. - Un des vétérans. - Toutes ces glorieuses phraséologies s'appliquent généralement à des cuistres et à des fainéants d'estaminet." (Baudelaire, Journaux intimes).

 

Pour l'intervenante de France Culture, entre 10 et 11 heures, ce vendredi 2 août 2013, qu'il fait chaud à fiche tous les chats dehors (allez, ouste, les greffiers, mais je précise que je vis dans un lieu plus ou moins apparenté à la campagne), cela ne faisait pas de doute, Baudelaire désapprouvait l'appellation "Avant-garde" et ses métaphores à moustaches ; c'est drôle, me dis-je, car c'est justement en flanquant des moustaches à la Joconde métaphore de la sacralisation de la peinture que l'avant-garde européenne commença à faire froncer les sourcils des bien-pensants.

 

2.
Et maintenant, quelques brefs sur les premiers vers de "L'Irrémédiable", qui est un poème de Baudelaire, qui comme c'est écrit dessus, est consacré au diable Irrémé, celui que quand on le voit, bin, c'est déjà trop tard et vous savez que vous n'auriez pas dû jouer Balthazar gagnant dans la cinquième, alors qu'au train où il va, i s'ra même pas placé, le pingouin.

 

3.
Je réponds tout de suite à la question avec laquelle l'allumette de l'enthousiasme ne manquera pas de vous brûler les lèvres :
"- Pourquoi seulement, cher Maître, les premiers vers ?
- Parce que j'ai pas qu'ça qu'à faire."

 

4.
Jigo, et même jivago comme disait jadis un célèbre docteur qu'a eu bien des malheurs, allez :

 

"Une Idée, une Forme, un Être
Parti de l'azur et tombé"
(Baudelaire, L'Irrémédiable)

 

Une  idée vous tilte la cafetière, vous eurékate la rate, puis elle s'ectoplasme, l'Idée, se fantasme, puis devient son devenir. C'est ainsi que je définirai l'Être, non pas tellement que je comprenne exactement ce que je viens d'écrire, mais je trouve ça joli. Quant à "partir de l'azur", c'est risquer de tomber bêtement sur le sol, dzim, boum, pan, et même sur votre beau-frère qui passait par là et comme par hasard Balthazar qu'il s'appelle.

 

5.
"Dans un Styx bourbeux et plombé
Où nul oeil du Ciel ne pénètre"
(Baudelaire, L'Irrémédiable)

 

Définition du Styx par Frédéric de Scitivaux dans son édition des Fleurs du mal des "petits classiques Larousse" : "voir note 5, p.80." Voilà une définition qui en vaut bien une autre, et dont nous ne pouvons que louer la précision et la sobriété stylistique : "voir note 5, p.80", c'est admirable !
Pour ce qui est du Ciel, nous le savons bien, qu'il a le "regard pénétrant". Le ciel est plein d'yeux, c'est point douteux, et il en tombe cent à chaque fois qu'il pleut.

 

6.
"Un Ange, imprudent voyageur
Qu'a tenté l'amour du difforme"
(Baudelaire, L'Irrémédiable)

 

Les Anges, on ne le répétera jamais assez, sont, en tant que voyageurs, diablement imprudents. Par exemple, ils ne regardent pas toujours en traversant la rue, et c'est comme ça qu'ils se font écraser. Tout à leur joie angélique, vous les voyez s'engager prestement sur la chaussée, chantonnants comme des johnnys, et paf ! pif (le chien), les voilà renversés par un transporte-couillon quelconque qui par là passa et, comme par hasard, le chauffeur s'appelait Balthazar.
Quant à "l'amour du difforme", c'est là notre lot : avec le temps, voyez, nous nous difformons ; y en a même qui disent que nous nous déformons, mais ce sont de mauvaises langues.

 

7.
"Au fond d'un cauchemar énorme
Se débattant comme un nageur"
(Baudelaire, L'Irrémédiable)

 

Le problème des "cauchemars énormes", c'est que l'on ne sait jamais où les ranger ; i prennent d'trop d'place, ces machins-là ! Et pis i sont lourds. Faut faire attention ! C'est un coup à avoir les pieds plats définitivement, et même plats plus plats que plats.
Mais ce qui est turlupinant, c'est le "nageur se débattant"... Outre qu'il est étrange d'aller nager dans les étagères à cauchemars, on peut penser qu'il a a pu être frotti-frotta par la méduse pique-brûlé ouille, mais, comme il s'agit d'une méduse de cauchemar, la douleur devrait disparaître au réveil. Si ce n'est pas le cas, allez consulter le Docteur Borges, ou son remplaçant, le Docteur Balthazar.

 

8.
"Et luttant, angoisses funèbres !
Contre un gigantesque remous"
(Baudelaire, L'Irrémédiable)

 

Il n'arrive jamais que les angoisses ne soient pas sous-tendues par le funèbre. Et l'on a rarement l'angoisse guillerette youp la boum tagada tsoin tsoin, pimpante et jouant tout Gerschwin sur des verres à moutarde, comme l'écrivit joliment jadis David McNeil.
Pour le remous, s'il n'est pas "gigantesque", il ne vaut certainement pas le coup que l'on y frotte son prestige, que l'on s'en tracasse la cafetière, que l'on s'en gigote les méninges, et s'en batte l'oeuf dans la coque, jusqu'à en tarabuster ce pauvre Balthazar.

 

9.
"Qui va chantant comme les fous
Et pirouettant dans les ténèbres"
(Baudelaire, L'Irrémédiable)

 

C'est que, parfois, on a le remous chantant, qu'on en est tout fou, gaga, baba, gogo, bobo (amis de la poésie lettriste, je vous salue et vous balbutie bien bas !).
La pirouette ténébreuse, la in the dark cabriole, en voilà un truc à pas faire, un truc qui commence par dzim, pis boum, dans le mur, toujours. C'est même à ça qu'ça sert, les ténèbres, à tomber dedans, comme par hasard, et même si personne n'est son nom, pas même Balthazar.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 2 août 2013

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1 juillet 2013 1 01 /07 /juillet /2013 04:05

UN OEIL DANS UNE LARME
Fantaisie en lisant Tristesses de la lune, de Baudelaire.

 

Ce soir - le soir,  il y a du bleu, et de
La lune, laquelle est un caillou, un caillou qui
Rêve, comme c'est curieux...
Avec plus de paresse - paresseux en plus, le caillou,
Ainsi qu'une beauté - un beau caillou donc, cercle lisse
Sur de nombreux coussins - nuages, nuées, nébulosités
Qui d'une main distraite - oups ! le verre a chu !
Et légère - des fois elle s'envole...
Caresse, et des fois elle revient...
Avant de s'endormir - au dodo ma jolie
Le contour de ses seins - ah tiens donc...

 

Sur le dos satiné - c'est doux si doux dis donc
Des molles avalanches - il le prépare bien, le mot
Avalanches, ce mot molles, qui suspend le rythme, puis
Avalanches précipite le vers ;
Mourante, - faut rien exagérer...
Elle se livre - c'est donc une "belle d'abandon"
Aux longues pâmoisons - et qui prend son temps
Et promène ses yeux - avec la laisse de son regard
Sur les visions blanches - l'oeil crée sa réalité...
Visions blanches - la lune voit passer les vapeurs
Blanches - des trains pour les vaches sélénites,
Blanches vapeurs des visions d'antan
Qui montent dans l'azur - comme des fantômes ou
Comme des floraisons - ça doit être la saison.

 

Quand parfois sur ce globe - revenons sur terre
En sa langueur oisive - la lune est une branleuse
Elle laisse filer une larme - pis qui ouine en secret ;
Furtive cependant, la larme, comme l'allitération -
Un poète pieux, en quoi donc croit-il ?
Ennemi du sommeil, et pourquoi veille-t-il ?

 

Dans le creux de sa main - hop ! il l'attrape, il la
Prend cette larme pâle - on dirait une image de conte -
Aux reflets irisés, un oeil dans une larme donc...
Comme un fragment d'opale, la lune pleure des pierres
Et la met dans son coeur - comment fait-il ça ?
Loin des yeux car faut pas qu'ils voient ça les yeux
Du soleil ; il serait trop jaloux, le
Soleil ; c'est un secret entre la lune et nous.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 1er juillet 2013

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28 juin 2013 5 28 /06 /juin /2013 08:13

GRAND OEIL AILES DE CORBEAU TROU NOIR

 

1.
"Et le soleil, le soir, ruisselant et superbe,
Qui, derrière la vitre où se brisait sa gerbe,
Semblait, grand oeil ouvert dans le ciel curieux,
Contempler nos dîners longs et silencieux"
(Baudelaire, Les Fleurs du mal, pièce XCIX)

 

Encore dans le ciboulot... à deux pas c'était... quasi cambrousse... la "blanche maison"... l'immaculée baraque...  avec des chastetés de "Pomone de plâtre" et de "vieille Vénus"... Elles se montraient pas, les statues... se planquaient au bosquet... dans l'ombre feuillue leurs yeux sans yeux devinaient le visiteur... puis le soir... au dernier soleil... quand il ruisselait encore superbe... bavant d'or... s'écrasant les pinceaux aux vitres... tache de touches la toile... (1) "grand oeil ouvert dans le ciel curieux" qu'il dit Baudelaire... "grand oeil ouvert"... ça fait l'oeil à Suspiria... où y a une maison aussi, une grande demeure maudite... dans le ciel étrange l'oeil... l'oeil qui sait... l'oeil qui siffle son "Et le soleil, le soir, ruisselant et superbe"... bande-son... la terrible présence du grand autre... du tout autre... du curieux... celui qui cherche à savoir, à vérifier si, et le bien bizarre aussi... a l'air d'assister au repas des fantômes à contempler ainsi des dîners longs et silencieux... il s'étale... se vautre dans son infini couchant... se répand largement... s'épate du groin... se reflète le beau... le beau cierge, sur la nappe frugale... s'agit pas de se goinfrer, mais de faire tableau, de poser pour les yeux d'après... de faire scène, et même scène bénie... scène avec cierge... tableau de genre... intérieur austère un peu... austère et calme... à la Port-Royal... on voit bien tout ça, comme si c'était peint.

 

(1) : "On remarquera le rythme sautillant, pictural vif de cette séquence, et la définition qu'en passant, l'air de rien et le sourire aux lèvres, Patrice Houzeau donne de la peinture : "Tache de touches la toile", la toile comme une tache de touches, où l'oeil, cherchant sa synchronie, se perd, se spatialise, se répand." (François-Jacques de la Peignerie, Le bilboquet à tête de mou, essai sur l'oeuvre abondante de Patrice Houzeau, Université de Chardon-les-Orties, à paraître quand l'auteur aura retrouvé ses clés).

 

2.
"ailes de corbeau"... des choses souples battant l'air... l'air froid, les corbeaux, ça va bien avec l'hiver... les champs de bataille aussi où ils piquent... crèvent les yeux... déchirent les chairs... fouillent les poitrines... on entend des croassements... ça tournoie dans le ciel. Bel emblème pour coeur gothique.
Baudelaire dans "Brumes et pluies", évoque son "âme" qui "mieux qu'au temps du tiède renouveau / Ouvrira largement ses ailes de corbeau". Voyez un peu ça : le bonhomme Baudelaire déambulant dans Paris avec son âme en forme de corbeau. Peut-être alors que dans le secret de sa tête, il tournait en boucle ses croassements... qu'il croassait en secret, le Charles en marchant... qu'il se sentait tout corbeau, en secret, le Charles...

 

3.
"dormir son sommeil" : expression curieuse que l'on trouve dans la pièce C des Fleurs du mal :

 

"La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse,
Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse"

 

"dormir son sommeil", c'est donc reposer en paix. Remarquez que "Et qui repose en paix sous une humble pelouse" aurait fait ses douze syllabes. C'est donc par souci de renouvellement expressif que Baudelaire a choisi ce joli "dormir son sommeil", surtout qu'en fait, c'est pas si la paix que ça, sa dernière demeure à la "servante au grand coeur" :

 

"Certes, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,
A dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps,
Tandis que, dévorés de noires songeries,
Sans compagnon  de lit, sans bonnes causeries,
Vieux squelettes gelés travaillés par le ver,
Ils sentent s'égoutter les neiges de l'hiver".
(Baudelaire, La servante au grand coeur...).

 

4.
"les savants austères"... rides, bouquins, yeux perçants, l'air grave de ceux qui savent et que si vous saviez ce qu'ils savent, eh bien, vous seriez bien étonnés... l'austérité sied au savant des poèmes comme aux ruines le lierre... On peut évidemment songer un professeur Nimbus, un savant frivole, espiègle, distrait... mais c'est plus pour la bande dessinée ça, ou les chansons... dans les poèmes, le savant, austère qu'il est, faustien, plein du poids du temps, courbé de s'être si échiné à comprendre des grimoires dont tout le monde se fiche, grave d'avoir si peu de temps, et disparaissant peu à peu dans l'ombre qui envahit sa bibliothèque.

 

5.
"Coucher auprès du ciel, comme les astrologues"... ce joli vers du poème Paysage :

 

"Je veux, pour composer chastement mes églogues,
Coucher auprès du ciel, comme les astrologues"
(Baudelaire, Paysage)

 

suppose des plus hautes tours, où des savants à barbe pointue regardent passer des croissants de lune. Je l'avais déjà écrit ça ; je ne m'en lasse pas ; j'ai beaucoup lu L'Etoile mystérieuse. D'une certaine manière, tous, nous couchons  auprès du ciel.. toujours... C'est que l'espace n'est pas si au-dessus de nous que ça, que c'est plutôt nous qu'on est en plein milieu, qu'on est même fait de cet espace, tissé de cet espace, espace nous-même, plein de vide où nous finissons par tomber comme tout un pan de chose happé par quelque trou noir.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 28 juin 2013

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16 juin 2013 7 16 /06 /juin /2013 11:22

DANS MON FONDS

 

1.
"Sganarelle en riant lui réclamait ses gages"
(Baudelaire, Don Juan aux Enfers)

 

- Moi y en a vouloir des sous qu'il beuglait le gueux.

 

2.
"Les fleuves de charbon monter au firmament
(Baudelaire, Paysage)

 

Aux mines du Seigneur, faut qu'ils bossent, les Anges !
Sinon, c'est les Enfers, pour nourrir les Démons !
Ou alors la Réincarnation, en cloportes !
En blattes et cafards, en bêtes qu'on écrase !

 

3.
"Et mon pied peureux froisse, au bord du marécage,
Des crapauds imprévus et de froids limaçons."
(Baudelaire, Le Coucher de soleil romantique)

 

Faut faire attention à pas glisser ! Attention
A pas s'y engloutir, au fond d'ces marécages !

 

4.
"Et courent, sanglotant et gloussant par saccades"
(Baudelaire, Lesbos)

 

C'est ainsi que les bois sont tout grouillants d'lutins ;
Et puis les murs aussi, qu'c'est affreux très grouillant !

 

5.
"Quand, ainsi qu'un poète, il descend dans les villes"
(Baudelaire, Le Soleil)

 

Ainsi qu'un poète, il se tape des boudins.

 

6.
"Dans mon fonds le plus ténébreux"
(Baudelaire, Le Chat, I)

 

Tellement ténébreux que j'peux pas y plonger la main, dans mon fonds, que j'y perdrai pied sûrement, dans mon fonds, que j'm'y noierai, dans mon fonds, je pense.

 

7.
"Tu ressembles parfois à ces beaux horizons"
(Baudelaire, Ciel brouillé)

 

Où l'on voit grange en feu et fou qui court.

 

8.
"Elle est toujours riche et profonde"
(Baudelaire, Le Chat, I)

 

C'est là l'intérêt des philosophes à héritages.

 

9.
"Dégoûtant Phénix, fils et père de lui-même"
(Baudelaire, Les Sept Vieillards)

 

Plus j'y pense et plus en effet c'est dégoûtant,
Cette affaire d'être à auto-engendrement !

 

10.
"Dans mon fonds le plus ténébreux"
(Baudelaire, Le Chat, I)

 

Là où j'vas à la pêche aux yeux !

 

11.
"Comme un sanglot coupé par un sang écumeux"
(Baudelaire, Le Crépuscule du matin)

 

Gorge tranchée, bouche ouverte sur cri coupé.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 16 juin 2013

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16 juin 2013 7 16 /06 /juin /2013 03:22

PETITES BOUFFEES DE SONGE

 

1.
"Et promenant l'ennui de ton regard profond"
(Baudelaire, L'Amour du mensonge)

 

La promène... sa vache dans l'oeil... qui regarde passer des trains imaginaires dans la perspective de la serre.

 

2.
"La femme cependant, de sa bouche de fraise"
(Baudelaire, Les métamorphoses du vampire)

 

Donzelle... un cependant auquel faut être attentif... et puis bouche de fraise, miam.

 

3.
"Cherchant le soleil rare et remuant les lèvres"
(Baudelaire, Réversibilité)

 

C'est dans sa Valse de Melody que Serge Gainsbourg l'a constaté aussi que "le soleil est rare / Et le bonheur aussi / L'amour s'égare / Au long de la vie"... une expression baudelairienne donc que ce "soleil rare"... un point de vue parisien, fiévreux... à balbutier... en s'traînant "le long des grands murs de l'hospice blafard" du poème de Baudelaire, ou des "murs d'enceinte / Du labyrinthe / [qui] S'entrouvrent sur / L'infini" de la chanson de Gainsbourg.

 

4.
"Au coeur d'un vieux faubourg, labyrinthe fangeux"
(Baudelaire, Le Vin des chiffonniers)

 

Oùsque donc nous traînons nos carcasses et nos énigmes, ainsi que des sphinx en proie à l'ennui.

 

5.
"Bizarre déité, brune comme les nuits"
(Baudelaire, Sed non satiata)

 

Brune la nuit, blonde le jour, rousse au crépuscule... question d'harmonie... Sinon, étrange, la fille, comme capricieuse divinité... se détachant du fond de la nuit pour vous mordre le cou, on pourrait croire... image du sommeil qui soudain vous réveille.

 

6.
"La joue et l'oeil en feu, jouant son personnage"
(Baudelaire, Sisina)

 

Actrice.

 

7.
Le réel se divise en fictions.

 

8.
"Ils me disent, tes yeux, clairs comme le cristal"
(Baudelaire, Sonnet d'automne)

 

Si clairs que j'y vois à travers que tu n'existes pas... c'est clair comme pas toi.

 

9.
"Clairs fanaux, vivantes opales"
(Baudelaire, Le Chat, II)

 

Une mine d'yeux, la nuit, une mine d'yeux qui vous scrutent, et qui se détournent dès que vous les regardez, ou qui se font soudain si fixes, et si proches, que...

 

10.
"Et ce monde rendait une étrange musique"
(Baudelaire, Une Charogne)

 

Le vent balayant le désert de plus personne ici, de plus personne en ce monde.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 16 juin 2013

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15 juin 2013 6 15 /06 /juin /2013 06:21

L'ÂCRE ODEUR DES TEMPS
Vaporeuse fantaisie sur le poème Le Flacon, de Charles Baudelaire.

 

1.
"Il est de forts parfums pour qui toute matière
Est poreuse. On dirait qu'ils pénètrent le verre.
En ouvrant un coffret venu de l'Orient
Dont la serrure grince et rechigne en criant,"
(Baudelaire, Le Flacon)

 

Forts parfums... d'l'entêtant... ça pore, ça troue la matière... l'étanche se dissout... le verre lui-même s'évapore... ah tiens, quelque coffret venu de l'Orient... serrure qui grince, rechigne, crie, répugne... vieilles choses enfermées dans le passé... cède enfin, laisse s'échapper de forts parfums.

 

2.
"Ou dans une maison déserte quelque armoire
Pleine de l'âcre odeur des temps, poudreuse et noire,
Parfois on trouve un vieux flacon qui se souvient,
D'où jaillit toute vive une âme qui revient."
(Baudelaire, Le Flacon)

 

Ou une maison déserte... on franchit des couloirs... on traverse des fantômes... on passe les plis... l'âcre odeur des temps... on entre dans une pièce... une armoire... un flacon, un flacon qui se souvient... D'où jaillit toute vive une âme qui revient... revenance odorante, le spectre de la rose, le génie d'la lampe... les rimes suivies sont épatantes... fantôme succède à un fantôme comme parfum à un autre... comme la dame en noir au mystère de la chambre jaune.

 

3.
"Mille pensers dormaient, chrysalides funèbres,
Frémissant doucement dans les lourdes ténèbres,
Qui dégagent leur aile et prennent leur essor,
Teintés d'azur, glacés de rose, lamés d'or."
(Baudelaire, Le Flacon)

 

Pensers en grappes... une théorie de chrysalides... chauve-souris, elles roupillent... du frémissant doucement dans les lourdes ténèbres... échos : frémissant doucement...le son "an" , le son "ou" aussi, le léger sifflement du "s" ; échos : la dentale "d" rythme le vers, annonce les deux plus appuyées syllabes du mot "ténèbres"... des êtres s'en dépêtrent, de la chrysaliderie, d'l'orgue à papillons... d'l'azur, du rose, du lamé d'or... ça fait soierie, chinoise tunique, exquise broderie, fignolé mirage... pensées pour casse-tête, pensées pour pensums, pensées fantômes... on dirait bien qu'il sent comme une présence...

 

4.
"Voilà le souvenir enivrant qui voltige
Dans l'air troublé ; les yeux se ferment ; le Vertige
Saisit l'âme vaincue et la pousse à deux mains
Vers un gouffre obscurci de miasmes humains ;"
(Baudelaire, Le Flacon)

 

Voltige... Vertige... ça spirale, vole, s'envole, virevolte... le son "v" (voilà, souvenir, enivrant, voltige)... l'âme du flacon s'échappe... prisonnier de sa geôle de verre, voilà qu'il s'évade... il prend la forme du souvenir, il trouble l'air, entête, ferme les yeux, se fait Vertige, quasi personne, l'âme du flacon saisit l'âme vaincue...C'est un diable, un démon des vapeurs, un pousse au gouffre... avec son encensoir à miasmes, il vous écoeure, vous évoque la tombe.

 

5.
"Il la terrasse au bord d'un gouffre séculaire,
Où, Lazare odorant déchirant son suaire,
Se meut dans son réveil le cadavre spectral
D'un vieil amour ranci, charmant et sépulcral."
(Baudelaire, Le Flacon)

 

Terrassée, l'âme... sur le fil... gouffre se rapprochant... le vide en vous flanque de la chute... odorant, déchirant... Lazare sort du flacon... dans l'air son suaire... imprégné cadavre... le passé vous spectre... c'était censé draguer d'la gonzesse d'antan, cette rance odeur d'amour borgne, louche... opéra du "a", le charme terrasse, Lazare, cadavre spectral,  charmant sépulcral, sort de la tombe, empoisonne, empeste.

 

6.
"Ainsi, quand je serai perdu dans la mémoire
Des hommes, dans le coin d'une sinistre armoire
Quand on m'aura jeté, vieux flacon désolé,
Décrépit, poudreux, sale, abject, visqueux, fêlé,"
(Baudelaire, Le Flacon)

 

Elles reviennent, les fées rythmiques des rimes... Mémoire, armoire... on se fait parfum soi-même... on se dissipe... s'évapore, s'distille dans le souvenir... c'est qu'on est mort... dans la pièce tombé... on a rangé nos affaires... nos flacons dans les armoires... reléguées, nos fêlures... abandonnées à la poussière... mises au secret des armoires... enterrées.

 

7.
"Je serai ton cercueil, aimable pestilence !
Le témoin de ta force et de ta virulence,
Cher poison préparé par les anges ! liqueur
Qui me ronge, ô la vie et la mort de mon coeur !"
(Baudelaire, Le Flacon)

 

Enigmé qu'on sera... énigmé gothique... enterré, cercueil... recyclé par la ritournelle éternelle des odeurs... oxymore, le mort... aimable souvenir on veut croire, et pestilence tout à fait... poussière d'ange, sorcier poison enclos... flacons nos fioles... ah la farce qu'c'est nous qu'on trouve le flacon et qu'on finit dedans... dans la proximité des rimes, leur boucle, Orient, criant, pestilence, virulence... dans la matière, le verre, liqueur qui écoeure, vie et mort, virulence du spectre... le passé qui prend à la gorge, avec la griffe de son maccab' parfum... se déploie dans l'air... ronge le présent comme un acide.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 15 juin 2013

 

 

 

 

 

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12 juin 2013 3 12 /06 /juin /2013 18:55

LUNE, EAU SONORE

 

1.
"Lune, eau sonore"
(Baudelaire, Le Jet d'eau)

 

Le surréalisme a la beauté du diable et fréquente les écailles.

 

2.
"éclaboussé l'air de lueurs et de sang"
(Baudelaire, Duellum)

 

C'est dans les éclairs qu'il apparaît, toujours, le spectre sanglant. Et comme la pluie le dégouline, le sang se mêle aux rigoles d'eau qui serpentent sur le sol. Du coup, on voit des crapauds sautiller une croix rouge sur le dos.

 

3.
"Deux guerriers ont couru l'un sur l'autre ; leurs armes
Ont éclaboussé l'air de lueurs et de sang.
Ces jeux, ces cliquetis du fer sont les vacarmes
D'une jeunesse en proie à l'amour vagissant."
(Baudelaire, Duellum)

 

Deux guerriers... gueule contre gueule... ah les carapaces ! luisants scarabées... Sont déjà pleins de sang les furieux !... Lueurs... le soleil les éclate !...  le pinceau y sabre à larges traits clairs, du tourment dans la mâchoire, de la noire flamme... l'oeil aigu, d'la ponctuation plein la tronche !... fer qui frappe... Fracas, vacarmes, bam-bam blang, cris, gueulantes, bong bong, gerbes, dégueulis, tripes, odeurs, merde et sang... la jeunesse en proie...

 

4.
"Souvent, à la clarté rouge d'un réverbère
Dont le vent bat la flamme et tourmente le verre,
Au coeur d'un vieux faubourg, labyrinthe fangeux
Où l'humanité grouille en ferments orageux"
(Baudelaire, Le Vin des chiffonniers)

 

Clarté rouge... ça rappelle les lanternes des bordels... les attelages, les portes cochères, les pavés mouillés, les réverbères... le passé nous balance ses miroirs... à la faveur du vent... comme quoi souvent on y pense à ça, que le vent nous r'passe des choses, des visages, des faces, des ombres, des silhouettes, des paroles perdues, images anciennes, d'la ritournelle hantée... Comme je m'endors à l'église... Comme il est barbant ce prêtre... du verre tourmenté aussi... Le diable est au clocher... vieux Rimbaud, tu nous en a refourgué des spectres... ils dansent pendus dans ma tête... regardez, les vitraux se gondolent... on dirait que les Saints vont parler !... Et Jésus comme il s'anamorphose !... Attention aux éclats ! Aux griffes ! Aux becs et ongles ! Quelle gueule noire, Seigneur ! Et ces clartés rouges aux ardentes fentes ! Des faubourgs en dégoulinent ! en labyrinthe fangeux ! On y voit, au milieu des flammes et des paperoles de latin, les vivants et les nus s'y tordre... c'est d'l'humain tout grouillant... bouches ouvertes sur des abîmes... leurs cris ne sont pas leurs cris... on dirait qu'ils sortent de tuyaux d'orgues... et de la terre, d'où montent des lueurs, des éclairs, des orages, que la paix soit avec vous... Et avec votre Esprit.

 

5.
"J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l'ardeur des climats ;
Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève !
Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts"
(Baudelaire, La Chevelure)

 

Là-bas... ah bah c'est trop loin !... plein de sève paraît-il !...hommes, arbres, femmes, décors, tout magnifique, tout transcendant tellement c'est beau ! A ne pas croire ! Quelle chance on a de voir tout ça ! ça vaut quand même le coup d'économiser ! Et puis de supporter schnocks et pétasses... L'ardeur des climats ! C'est ça qu'on veut ! et d'la couleur ! et d'l'historique ! du dépaysement ! qu'on n'est pas que des gueux ! Et ces vêtements ! comme ils sont beaux ! Et ces tresses, comme elles sont fortes ! Et ces cheveux, comme ils sont noirs ! houle ! houlà, on nous enlève, on nous ravit, on vogue sur la mer d'ébène, d'ivoire, du bleu des yeux des idiotes dans les chansons, du vert des palmiers peints sur les papiers peints, du glauque des antiques ! On est tout ébloui qu'on croit rêver, que le temps existe pas ! Ah si quand même ! faut rentrer à l'hôtel ! envoyer des cartes postales ! et puis ces voiles, ces rameurs, ces flammes, ces mâts, ces prouts ! pour la tortore, c'est pas ça quand même, on aurait dû se méfier...

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 12 juin 2013

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10 juin 2013 1 10 /06 /juin /2013 14:57

UNE CAVALERIE DE CRAPAUDS

 

1.
"Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux"
(Baudelaire, Spleen "J'ai plus de souvenirs...")

 

Sans doute je finirai comme... parmi mes énigmes... fatigué d'avoir rien trouvé, tout raté... et l'on dira dans mon dos : "Ah le con !..."

 

2.
"Et sa chaude poitrine est une douce tombe"
(Baudelaire, L'Ame du vin)

 

Dans le poème, il s'agit du vin qui, passant par "le gosier d'un homme usé par ses travaux" - un homme - tombe dans le corps, par métonymie, ici : la poitrine, le coeur du bonhomme. Donnant la parole au picrate, le poète en fait donc de l'être vif, du mouvement animé de la conscience humaine, comme si nous pouvions les contrôler, les choses, comme si nous pouvions maîtriser le dragon alcool, comme si nous n'étions pas voués à l'humaine solitude, mais à la fraternité des objets.

 

3.
"Tes beaux yeux sont las, pauvre amante !
Reste longtemps, sans les rouvrir,
Dans cette pose nonchalante
Où t'a surprise le plaisir."
(Baudelaire, Le Jet d'eau)

 

Bon pour une anthologie de l'érotisme soft et chic, ces quatre octosyllabes. Illustrés par une encre, une aquarelle, une sanguine, je vois ça très bien, et l'amante dénudée et la ligne claire sur le papier, la rousse chevelure, les seins lourds, le gris-bleu des cernes, la blancheur des chairs... Certes, on n'entendra pas "dans la cour le jet d'eau qui jase", mais on l'imaginera, ce qui est tout aussi épatant... Il suffira de la clarté d'une fenêtre, de quelques ombres feuillues, d'une perspective sur une place, une cour, le parc d'un hôtel particulier, dans un autre temps, dans le blanc d'un autre soleil.

 

4.
"Beaux yeux, versez sur moi vos charmantes ténèbres !"
(Baudelaire, Les Yeux de Berthe)

 

La mélodie bien sûr ! Y a pas à dire, la ittérature, c'est l'art de dire... A quoi ça tient ? Le rythme binaire de l'hémistiche "Beaux yeux / versez / sur moi", la discrète allitération qui siffle ("versez sur"), l'écho de la labiale ("moi", "charmantes"), l'oxymore des "charmantes ténèbres"... Une marée muette d'ombre, celle de son regard, et puis le moi, envahi, inondé, enténébré, puisque nous ne sommes que par les ténèbres de l'autre.

 

5.
"Blessé par le mystère et par l'absurdité !"
(Baudelaire, Les Sept Vieillards)

 

Quand on y songe, la vie est assez absurde et nous ne pouvons jamais que composer avec les circonstances de cet absurde. On s'y cogne facilement, au sphinx, et facilement qu'aux rébus on paume son latin. Comment répondre ? A moins d'être physicien, ou concrétement utile, par autant de mystère et d'absurdité. C'est ainsi qu'on se sphinge et que l'on éloigne les absurdes voyageurs, ou qu'on les dévore.

 

6.
"Dans ton crâne où vivait l'immense Humanité"
(Baudelaire, Le Reniement de Saint-Pierre)

 

Etonnez-vous qu'après ça, ils attrapent la grosse tête, les prophètes !

 

7.
"Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues"
(Baudelaire, La Chevelure)

 

Un de mes vers préférés : l'abondante chevelure bleue promenée par un visage au sourire énigmatique, aux yeux brillants d'étoiles lointaines.
Vers qui, dans les mêmes Fleurs du Mal, fait écho au premier vers de la pièce XXIV : "Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne".

 

8.
Des fois, il faut bien le dire, je tousse comme si j'allais cracher une cavalerie de crapauds. Et dire que je n'ai pas plus de souvenirs que si j'avais mille ans...

 

9.
"Et tes yeux attirants comme ceux d'un portrait"
(Baudelaire, L'Amour du mensonge)

 

C'est dire la puissance de la représentation. On pourrait donc être aussi fasciné par le regard d'un tableau que par le regard d'une vivante. C'est que l'un fait penser à l'autre, et réciproquement.

 

10.
"Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges"
(Baudelaire, Les Phares)

 

Je trouve ce vers délicieusement psychédélique. Il m'évoque la section de cuivres que l'on entend dans le morceau Jugband Blues de Syd Barret sur le deuxième album de Pink Floyd - A Saucerful Of Secrets - fanfare qui va et vient, bizarre et truculente comme une fatrasie, par bribes, par échos, par estompes.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 10 juin 2013

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2 juin 2013 7 02 /06 /juin /2013 00:29

DANS L'ETERNELLE FARINE

 

1.
Des yeux pleins de lumières... ça permettrait-y d'y voir dans la nuit la plus noire ?... celle de l'Angoisse... vu que de Baudelaire on cause, forcément alors, la question de l'angoisse... celle-là de despotique qui plante son drapeau... noir le drapeau, le voit-on dans la nuit ? C'est pour ça, sans doute, ces Yeux pleins de lumières...

  

2.
D'éternels escaliers sans rampe... pour le grimper, son rocher d'éternité... et puis sans rampe... pour qu'on tombe bien... puis qu'on n'a plus qu'à recommencer...

  

3.
Surtout qu'ils grouillent de monstres visqueux... yeux de phosphore... vous v'là lapin fasciné... ne rendent visibles qu'eux... bientôt dépiauté, le fasciné... peau d'lapin, le destin... on finit au cou des dieux, écharpe de sang pour d'autres batailles... Ce genre de trucs, Lovecraft, vous savez, le scribe aux glauques, il les savait aussi... C'est-y pas qu'ils chercheraient à nous avertir, Lovecraft, Baudelaire, Allan Poe and Co ?

  

4.
L'humanité fermente des orages... c'est Baudelaire qui le dit, que les faubourgs, surtout les vieux, ceux qui ont de la bouteille, c'est tout labyrinthe fangeux / Où l'humanité grouille en ferments orageux... Les villes, cités, capitales, vieilles villes, centres et places jusqu'à la petite horreur des banlieues... Me dites pas qu'il ne s'y passe rien, je vous rirais au nez... tout ça plein de foudre qu'c'est... en attente... patiente foudre... mais sûre et certaine comme un réglement de comptes...

  

5.
Mois après mois, l'augmentation du nombre de chômeurs accélère la course de la flamme le long de la mèche.

  

6.
Du coup de couteau métaphore... çui-là qui rentre dans le coeur du narrateur... faut dire qu'il est plaintif déjà, son coeur... il a le palpitant émotif, le Charles... après, à force de coups de couteaux dans la boîte à je t'aime, moi non plus, il finit par se sentir un peu fontaine de sang... Il me semble parfois que mon sang coule à flots, / Ainsi qu'une fontaine aux rythmiques sanglots... Il écrit ça, Charles, on peut pas plus se percer... se transpercer... si j'avais pas lu qu'il était hétéro pur jus, je dirais qu'il y a du Saint Sébastien dans c'bonhomme narrattant là... Il a évité l'image du beau gosse tout flèché, n'y a même pas pensé, si ça se trouve... S'est jamais senti saint persécuté, plutôt diable pauvre que pauvre diable... Diable tout de même, à litaner Satan... à se faire vampire... à se vampiriser...

 

"Je suis de mon coeur le vampire,
- Un de ces grands abandonnés
Au rire éternel condamnés,
Et qui ne peuvent plus sourire !"
(Charles Baudelaire, L'Héautontimorouménos)

7.
Avait un peu le goût gothique, Charles... à apprécier les dessins macabres... les crobards à camarde... les pochades d'yeux révulsés dont s'échappe / Un regard vague et blanc comme le crépuscule... Je me demande s'il aurait pas, le Baudelaire, de nos jours, fondé un groupe rock à cave et symboles zarbis... avec ses cheveux verts et la précision de ses évocations, il aurait fait un malheur, Baudelaire... Une sorte de Robert Smith, vous savez, çui des Cure (en frangliche prononcez Qioure)... le génie en plus... quoiqu'en fait, j'en sais rien... ça fait longtemps qu'j'les ai pas ouïs, les Qioure...

8.
Des fois, les humains, les si savants humains, i regrettent de l'avoir promu au haut de l'échelle, le petit Jésus :

"Jésus, petit Jésus ! je t'ai poussé bien haut !
Mais, si j'avais voulu t'attaquer au défaut
De l'armure, ta honte égalerait ta gloire,
Et tu ne serais plus qu'un foetus dérisoire !"
(Baudelaire, Châtiment de l'orgueil)

Le Charles, il imagine qu'alors, l'ainsi discoureur illico qu'il paume sa comprenette, devient très cinglé, cinoque, crêpé, que les mômes alors en plein se foutent de lui, lui lancent des pierres si ça se trouve... Outre que le voilà tout faible, et donc très pauvre créature de Dieu, le docteur des plus grands s'était cézig déjà condamné lui-même, car quelle idée d'aller inventer des transcendances à ce monde de fureur et de bruit ? Y a de quoi, à y réfléchir, finir crêpe et chèvre... Vous me direz que nos sociétés industriellement avancées sont pleines de fabuleux philosophes qui vous composent de ces traités de transcendance qu'on sait plus où les mettre, mais c'est surtout parce qu'il faut bien publier quelque chose si l'on veut être reconnu par les autres professionnels de la profession et récolter les honneurs, les postes, les sourires des donzelles, et la poignée chaleureuse de l'Inspecteur, du Recteur, et qui sait du Ministre peut-être... Qu'elle soit un peu moins industriellement avancée, la société, et vous verrez qu'on y grimpera moins souvent au rideau de la transcendance... surtout qu'il y a déjà des idoles à trompe qui se pointent, zen, détachées de tout, bien finement fignolées pour le rouler, l'amateur de transcendances, dans l'éternelle farine de l'éternel gogo.

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 2 juin 2013

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