BÊTE AFFAIREE
Bête affairée ne pense pas à sens. L’humain y songe lui qui se perd en conjectures, en masques, en comédie, en dramaturgie.
L’humain s’en remet aussi à l’autre. Et pour se rassurer, il le dote, cet autre, d’un Dieu, d’une âme, d’une vocation à la sainteté. Et la plupart du temps, ce saint n’est jamais qu’un usurier.
Le coup de dés n’est jamais qu’une probabilité et l’humain une suite de coups.
Cioran fut fameux dans l’art de forger des éclairs. Ses recueils sont des orages. Nous les feuilletons, amusés, agacés, intrigués, étonnés que souvent le coup porte si juste et que le monde soit toujours aussi nécessairement imbécile.
De Cioran cette pensée tirée du recueil De l’inconvénient d’être né (folio essais, p.65) : « Si c’est le propre du sage de ne rien faire d’inutile, personne ne me surpassera en sagesse : je ne m’abaisse pas même aux choses utiles » qui me rappelle toute la prétention de l’utile, tout ce mépris affiché sur les faces de nos dirigeants si persuadés de l’intelligence de leur action qu’il ne leur vient pas même à l’esprit qu’un bon chirurgien vaut mieux qu’eux, qu’un sapeur pompier vaut mieux qu’eux, qu’un saint-bernard ou un terre-neuve vaut mieux qu’eux. On me dira que je pousse un peu loin le bouchon. Mais allumez donc le poste de télévision et regardez les, tous ces faiseurs de lois, prêts à sacrifier le sort de quelques milliers d’étrangers si cela peut leur permettre d’être réélus. Franchement, que valent-ils ? Le prix de leur soumission, le montant de l’argent blanchi, une légion d’honneur distribuée comme une aumône ?
Mais j’y songe… Que font-ils de tout leur argent, tous ces ministres intègres ? Ont-ils quelques bonnes œuvres au moins ? Font-ils de généreuses donations à des associations de secours aux accidentés de la vie ? Elevé dans une tradition de droite catholique, il est pour moi que l’argent doit servir à faire travailler celui qui a besoin de travailler : consommer plutôt qu’investir, employer plutôt que débaucher. Aussi, il m’est difficile de croire que toutes ces têtes à scandales (pour ne pas dire à claques) que l’on voit pérorer sans cesse et partout et dont on dit qu’entre leurs blanches mains à diplômes passe beaucoup d’argent, il m’est difficile de croire qu’ils n’utilisent pas une partie de cette bonne fortune à aider les nécessiteux. Sont-ils réellement si vulgairement ploutocrates, si rapaces, si mal élevés, si vendus ?
Patrice Houzeau, Hondeghem, le 13 septembre 2010
DE LA MORT DE PHILIPPE SEGUIN
De la mort de Philippe Seguin (7 janvier 2010) perçue par un cancrelat. J’ai d’abord pensé, à l’annonce de la mort de Seguin : « Ah tiens, il est crevé, l’enflure aux valises sous les yeux. » Et puis, j’ai entendu que le gars était d’origine modeste, qu’il avait un an quand son père était mort pour la France, pendant la Seconde Guerre Mondiale, qu’il était d’origine modeste, le Philippe, et je me suis souvenu de sa politesse, de son respect dans un débat qu’il avait eu avec François Mitterrand à propos de je ne sais plus quoi (Maastricht peut-être ?), j’ai entendu aussi qu’il pouvait être « tendre » et « colérique ». Et, du coup, ça me l’a rendu sympathique, le défunt, même si de mon Nord Pas-de-Calais en crise, c’est tout à fait relatif, ce genre de personnalité parisienne. J’ai pensé aussi, en entendant les hommages rendus par toute la fausse jetonnerie habituelle de la presse parisienne : « Les gens, ils ne sont jamais aussi présents qu’au moment de leur mort, avant qu’on les oublie tout à fait. »
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 8 janvier 2010
NOTES SUBJECTIVES SUR L’INCIPIT DU MYSTERE DE LISTERDALE
Notes sur l’incipit du Mystere de Listerdale d’Agatha Christie, Club des Masques n°60, traduction : Monique Thies.
« Mrs Saint-Vincent alignait des chiffres. »(Quel boulot en effet que d’aligner des chiffres, ça me fait penser aux professeurs qui alignent des notes en fin de trimestre) « En soupirant, elle passa la main sur son front douloureux. » (la douleur et les chiffres, c’est ce qui doit caractériser la plupart des ministères en butte aux chiffres, aux camemberts, aux statistiques, non ?). « Elle avait toujours détesté l’arithmétique. » (En conséquence, Mrs. Saint-Vincent eût été malheureuse au sein d’un ministère). « L’addition de sommes ridiculement faibles atteignait un total qui ne manquait jamais de la surprendre et de l’alarmer. » (vertige ! le total de sommes « ridiculement faibles » finit toujours par vider le porte-monnaie ! C’est là le secret du commerce – je hais les commerçants, vendeurs de soupe qui n’aspirent qu’à une chose, que leur progéniture fasse les Grandes Ecoles ! – je hais les commerçants, mais comme tout le monde, je suis bien poli avec eux, parce que c’est comme ça et que l’on sait que la vie des commerçants n’est pas si facile, etc… D’autre part, le passage du franc à l’euro nous a grugés, nous les petits, vu que là on où on rechignait à claquer 30 francs (le tiers d’un billet de cent, tout de même !) on ne fait plus attention au billet de cinq euros, et zou !). M’est avis que le passage à l’euro, ça a été fait surtout parce que les gens commençaient à dépenser beaucoup moins rapport à la hausse des prix ! J’ai toujours pensé que Jacques Delors, l'un des pères de l'Europe actuelle, était un faux-jeton ! Est-ce que sa fifille Martine Aubry vaut mieux, allez savoir ! Mieux que Ségolène, c’est sûr. Mieux que Sarkozy ? Sans doute, mais faut voir.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 7 janvier 2010
FRANCHEMENT, ÇA CRAINT !
« Tout en leur signifiant qu’ils sont condamnés : quoi qu’ils disent, quoi qu’ils fassent, ils ne sortiront jamais de leur condition ! Tandis que moi… » (Orlando de Rudder, Le Comte de Permission) : Bon, c’est toujours ce que l’on se souhaite, quand on est dans le souci. Le souci, ça met mal à l’aise. Insupportables, soudain, ces discours de la pauvreté qu’on entend sur les radios, ces prophéties catastrophiques (la France est en faillite, on annonce des centaines de milliers de destructions d’emplois, etc…). Franchement, ça pue, ça pue le tabac froid, la sueur, le sentiment qu’on est incroyablement mortel, fragile. On se demande où sont passés les temps plus heureux. Et s’ils ont jamais existé. Franchement, ça craint.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 6 janvier 2009
DU SECOURS POPULAIRE SUR LE CAMPUS
J’écoute cette émission de France Culture (« Les pieds sur terre ») qui traite aujourd’hui, lundi 4 janvier 2010, de la présence du Secours Populaire sur le campus de Lille 1. On en est donc là. A secourir les étudiants de cette façon, comme on porte secours aux sans-abris, aux déshérités. Il y a de quoi être en colère quand on pense aux millions trimballés d’un bout à l’autre de la planète par nos banques, quand on pense aux discours du candidat Sarkozy (« travailler plus pour gagner plus »), quand on pense aux millions dépensés par Madame Bachelot pour des vaccins dont l’utilité n’est toujours pas prouvée. Ce n’est pas la première fois que j’entends parler de la paupérisation du monde étudiant. On parle même maintenant, dans certains cas de prostitution. Ce qui est particulièrement déplorable, c’est que les discours angéliques sur la démocratisation de l’enseignement supérieur ne cessent pas, qu’il y a toujours des petits meirieu qui se font une rente sur le dos du toujours plus grand nombre de bacheliers, des fonctionnaires qui utilisent la démocratisation pour vivre plus que correctement, des intellectuels qui spéculent sur le mécontentement étudiant pour que, croient-ils, une crise grave éclate qui renverserait cette pyramide sociale dont ils profitent pourtant largement, des propriétaires, qui, tant qu’il y aura de plus en plus d’étudiants, percevront toujours plus de loyers. Je l’ai déjà dit et écrit tant de fois que je m’en lasse moi-même : il faut en finir avec cette politique d’allongement des études à tout prix. Il faut absolument, sous peine de voir le pays s’enfoncer dans toujours plus de précarité, en revenir à des diplômes professionnalisants au niveau du Lycée, lycée professionnel comme lycée général. Ce que je vois, ce que je constate, c’est qu’actuellement, une partie du pays vit sur le dos de la population étudiante, population qu’elle tend d’ailleurs à mépriser, comme le font beaucoup de banquiers, et de professeurs même qui, selon une habitude depuis longtemps acquise, tiennent un double discours de tolérance face aux étudiants et de mépris lorsqu’ils devisent ensemble de leurs prochaines vacances en Thaïlande.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 4 janvier 2010