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3 avril 2013 3 03 /04 /avril /2013 03:40

UNE FOIS DEUX FOIS
En feuilletant Le réel et son double, de Clément Rosset, folio essais n°220.

 

1.
"une fois sur le mode du présent et une fois sur le mode du souvenir"
(Le réel et son double, p.43)

 

 Ce qui fait deux fois à la fois, et la simultanéité de l'autre (celui qui fut, et qui n'existe donc plus) avec soi (celui qui est, et manifeste ainsi l'être-là).

 

2.
Ce mot "d'être-là" suppose un observateur, une conscience réflexive : pour l'animal, il n'y a pas d'être-là ; il n'y a que du là, du circonstanciel.

 

3.
Le mépris refuse de voir en l'autre une conscience capable d'ontologie, capable de reconnaître l'être-là, ou une conscience qui se ferait avoir par l'être-là. Un philosophe ! Jetez-lui des cailloux !

 

4.
On peut se demander si, à certaines périodes de leur histoire, certains peuples n'ont pas manifesté de grandes capacités ontologiques, tandis que d'autres en furent catastrophiquement dépourvus. Les Gréco-Romains d'il y a des siècles semblent mystérieusement dotés de ces capacités, cependant que les Prussiens et les Allemands passent pour des brutes à bottes, écoutant de lourds orchestres débiter de délirants opéras à casques et des symphonies à n'en plus finir - quand ce ne sont pas des musiques de chambre, ainsi nommées parce qu'elles finissent par endormir l'auditeur égaré. Evidemment, c'est une illusion d'optique car Grecs, Romains, Prussiens, Allemands, ont tous eu le même souci : comment vivre le moins mal possible dans un monde impossible.

 

5.
"l'impression d'avoir été pris au jeu d'une fatalité omnipotente et rusée"
(Le réel et son double, p.38)

 

La tragédie : un inventaire de toutes les ruses d'une fatalité omnipotente et rusée. Une description de la façon dont, malgré les coups d'épée qu'on lui flanque, le cercle s'y prend pour, quoiqu'on fasse, toujours se refermer sur nous.

 

6.
Je ne crois pas aux grands sentiments, je ne crois qu'aux grandes oeuvres.

 

7.
Entendu (et cité de mémoire) dans un documentaire sur la Seconde Guerre Mondiale : "Le Bismarck, le plus grand des vaisseaux de guerre jamais construit réduit à l'état de canard en plastique par un simple avion de chasse." Terrible humour, quand on songe que le canard se saborda emportant avec lui près de 2000 marins. Terrible et terriblement efficace humour.

 

8.
"et c'est la disparition de ce pâle fantôme du réel qui surprend un moment la conscience lorsque s'accomplit l'événement."
(Le réel et son double, p.43)

 

Nous agitons des fantômes événementiels que dissipe l'accomplissement de l'événement prévu.

 

9.
"A lui le réel, à moi l'ombre."
(Le réel et son double, p.91)

 

De là l'origine des grandes jalousies pour ceux que l'on imagine vivre plus intensément, plus réellement que nous, plus authentiquement que nous, et dans lesquels nous ne faisons que projeter nos fantasmes. Le plus sage serait de dire :"Oui, il a du succès, il plaît, il a de l'argent, Titine s'extasie devant son nombril, il est apprécié, et, en plus, il a du talent", mais comme ce n'est pas lui qui me tendra la pièce si j'ai faim, ignorons-le. Pourtant, la peur de la solitude fait que l'on ne peut s'empêcher d'aller perdre son temps avec cet autre-là que l'on ferait mieux d'envoyer balader au diable.

 

10.
Avoir de l'argent sert à se passer d'amis.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 3 avril 2013

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24 mars 2013 7 24 /03 /mars /2013 16:05

TOUT S'EXPLIQUE A MERVEILLE
En lisant Cioran, De l'inconvénient d'être né, Folio essais n°80.

 

1.
Le Diable, lui, au moins, le fait exprès.

 

2.
Je vois le Diable comme un négociant qui tente de saouler Dieu de paroles afin qu'il finisse par lâcher le morceau.

 

3.
Quand les hommes ne seront plus les hommes, ils seront encore les hommes, contrairement aux chiens qui eux seront tout autre et que l'on appellera d'ailleurs autrement.

 

4.
Le peuple est l'os du politique.

 

5.
Diogène, chien patron.

 

6.
Le philosophe cynique est quelqu'un que l'on écoute avant de le chasser. C'est égal, la leçon, généralement, a porté.

 

7.
Saint François, ce cynique qui fit mine de préférer s'adresser aux oiseaux puisque les hommes ne l'écoutaient pas.

 

8.
Naître, c'est entrer dans l'absurde. Encore faut-il apprendre à se composer une tête de circonstances. C'est là le rôle de l'éducation.
(cf De l'inconv. p.117 "Tout s'explique à merveille...")

 

9.
Tant à dire et si peu de temps.

 

10.
Ceux sur qui on a porté un regard admiratif sont impardonnables d'avoir été si admirables avant d'être si encombrants. Bonne médiocrité vaut mieux que mauvais génie.
(cf De l'inconv. p.116, "On ne peut pardonner...")

 

11.
"Tout s'explique à merveille", c'est à dire ne s'explique pas.
(cf De l'inconv. p.117, "Tout s'explique à merveille...")

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 24 mars 2013

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24 mars 2013 7 24 /03 /mars /2013 08:09

CHAQUE FOIS QUE LE TEMPS
Amusettes réflexives en lisant Cioran, L'inconvénient d'être né, Folio essais, n°80.

 

1.
Nous persistons souvent afin de ne pas détruire l'illusion si vive sans l'oeil de l'autre.

 

2.
L'Histoire, une péripétie qui va des ténèbres aux ténèbres.
(cf De l'inconv. p. 144 "Au plus intime de lui-même...")

 

3.
Un entêté chevalier qui n'en finit pas d'être terrassé par le dragon des horloges.
(cf De l'inconv. p.134 "Chaque fois que le Temps...")

 

4.
"Chaque fois que le Temps" : Cet incipit de Cioran rappelle la nature du Temps : une collection de chaque fois qui s'organise sur deux axes : la fameuse flèche où chaque chaque fois passe de l'avenir au présent puis du présent au passé, comme l'escalier roulant sous les pas du voyageur, mais aussi l'ensemble de toutes les chaque fois prévisibles et imprévisibles qui, au moment où vous lisez ces lignes, tombent comme une probabilité dans la sphère opaque des possibles.

 

5.
L'événement est une solution à un problème dont nous ignorons l'énoncé.
Ecrire de l'Histoire, c'est tenter de rendre cohérentes entre elles ces énigmatiques réponses .

 

6.
La singularité est une somme d'incompatibilités.

 

7.
Le temps est un parasite ; il est voué à mourir avec son hôte. Nous avons donc préféré un Dieu éternel à l'éphémère Chronos.

 

8.
Une fois que l'humain aura disparu de la surface des choses, Dieu ne sera plus qu'un éternel oubli.

 

9.
Peut-être Dieu se réveillera-t-il de la Création comme nous nous réveillons au lendemain d'une cuite : Mais qu'est-ce que j'ai fait ?

 

10.
Les humains n'ont de commun entre eux que leur humanité. Pour le reste, ils sont tout à fait étranges, et aussi différents et indifférents que les dieux voltigeurs des Romains.

 

11.
Imaginer, c'est rattraper du probable.

 

12.
L'ingénieur construit la porte dont le génie a forgé la clé.

 

13.
Les dieux antiques, quels voltigeurs ! Pas sans filet toutefois: ils avaient les hommes.

 

14.
Peut-être que, d'ici quelques siècles, l'oeuvre de Cioran servira de Livre à quelque singulière école de pensée. On dira le cioranisme comme on dit le confucianisme. Les disciples et penseurs de ce collège singulier iront fumer des cigarettes au bord des tombes, et ils recueilleront scrupuleusement les paroles des putains prophétiques.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 24 mars 2013

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23 mars 2013 6 23 /03 /mars /2013 22:08

IL M'ARRIVE DE PENSER
Aphorismes et paraphrases de quelques pensées et réflexions tirées du recueil "De l'inconvénient d'être né", de Cioran, Folio essais n°80).

 

1.
Il m'arrive de penser que l'infinie variété des miroirs n'a pas d'autre but que de renvoyer le réel à son reflet, et donc à un double mensonge.

 

2.
Ce que l'on ne sait pas faire, il faut le bien penser. Cela soulage.
(cf De l'inconv. p.103, "J'ai transformé...")

 

3.
Ne pas songer à la mort, c'est déroger à une saine habitude. (Cf De l'inconv. p.41, "Toutes les fois que...").

 

4.
Regarde-toi avec l'oeil d'un autre, et tu verras clairement à quel point tu es vain.
(cf De l'inconv. p.56, "Si l'on pouvait...")

 

5.
Nos fascinations sont monstrueuses puisque le monstrueux "proclame" - le mot est de Cioran - notre humanité aussi bien que le plus grand bien. Mieux peut-être, puisque le monstrueux est voué à l'obscène comme la vertu est vouée à la discrétion.
(cf De l'inconv. p.125, "Un monstre...")

 

6.
Des siècles de bouffonnerie et de royauté ont permis aux bouffons, à force de travail, d'acquérir une sorte de perfection telle que nous les confondons parfois avec des rois.
(cf De l'inconv. p.174, "On ne peut admirer...")

 

7.
L'imaginaire se nourrit de ce que nous croyons réel, et plus nous en croyons nos yeux, plus l'imaginaire s'impose à nous comme un pis-aller, voire un substitut confortable à cette réalité qui finit par dépasser la fiction.
(cf De l'inconv. p.65, "Les douleurs imaginaires...")

 

8.
Outre l'infiniment petit et l'infiniment grand, outre l'infiniment bon et l'infiniment mal, il y a au moins deux autres infinis : l'infiniment réel et l'infiniment imaginaire. Je me demande si les deux sont parallèles, ou s'ils se superposent, ou sont à la fois l'un et l'autre, sortes de cordes qui entre elles se nouent, se dénouent, se renouent .

 

9.
Chaque parole dénoue un noeud et, simultanément, en noue un autre. Chaque bonjour est déjà un au revoir. Chaque bonsoir un possible adieu. Chaque parole masque un dénouement aussi bien qu'un complot : celui du réel qui échappe à l'émiettement des paroles dans le temps.
(cf De l'inconv. p.176, "Aucune parole...")

 

10.
A l'hypocrite tutoiement des bonnes âmes, Cioran préfère le je de la singularité ou le nous de l'humaine condition. En cela, il est bien un moraliste français. Et l'un des plus grands parmi les plus vifs.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 23 mars 2013

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9 février 2013 6 09 /02 /février /2013 06:07

AUSSI FUYANT QUE LOUP
Brèves fantaisies spéculatives en lisant "Le réel et son double", de Clément Rosset, folio essais n°220, pp.55-64.

 

1.
"d'un autre monde qui le double" : course des mondes, ils se doublent, se dépassent, se font des queues de poisson, des illusions, des eaux de boudin, des farces-cafetière et attrape-couillon, manteaux élancés dans l'espace.

 

2.
"cette impression d'avoir été doublé" : c'est le temps qui nous farce ; on a beau prévoir, ça se passe fatalement autrement. Après, il y a toujours un oracle pour dire qu'il l'avait bien dit. Le plus curieux, c'est quand on pense que ça se passe comme prévu et qu'en fait, c'est pas ça, pas ça du tout, c'est juste l'illusion de la prédiction réalisée, du déjà-vu spéculatif.

 

3.
"la théorie de la réminiscence" : je sais pas à quoi ça fait allusion (d'ailleurs je m'en moque), mais il me semble que nous sommes si bien tissés de réminiscences que nous agissons en fonction de ces réminiscences, que c'est le passé qui nous actionne, nous, les bouffons du présent.

 

4.
"de ne pouvoir jamais reconstituer ailleurs, en un autre temps, ce même objet sensible" : unicité de l'événement. Le pari du capitalisme, c'est l'éternel retour du meilleur via la production en série. Le problème est que cette production en série induit une uniformité de la consommation, et donc des comportements. Les héros sont morts sur la chaîne d'assemblage et il n'y a plus que des destins communs.

 

5.
"caractère décevant du réel" : c'est qu'c'est jamais aussi bien qu'on croit, et que, quand bien même, il faut alors que la conscience dévalorise, déprécie, décôte le réel sous peine de se laisser prendre au filet de la fascination et de tomber amoureux du réel, ce qui revient à se fondre dans ce réel, à se dissoudre dans le tangible comme la chair se dissout dans la terre.

 

6.
"ne découvre pas mais re-découvre" : la conscience redécouvre sans cesse le réel qu'il l'a produit et qui, en tant que conscience, invente ce monde où elle se meut. L'être-là est une création consciencieuse. Que soudain l'on ne le reconnaisse plus, qu'on ne le redécouvre plus, et c'est alors que notre esprit prend nuit, s'affole, se supprime.

 

7.
"se fonde sur un refus" : la conscience, avec raison, refuse de trouver admirable ce réel qui tente de la retenir. La mariée est toujours trop belle, ou trop vieille, ou trop jeune, ou on la connaît trop bien. La critique est un exercice salutaire. Sa variante cynique a pour but de substituer au spectacle consensuel le spectacle scandaleux. La vertu du cynique, c'est de détourner la conscience du péril de la fascination pour l'illusion de l'admirable. Le cynique s'attend à être critiqué à son tour, mais s'il l'est, c'est qu'il a réussi son coup ; il a fait diversion, il a empêché le réel de posséder les esprits. Il a fait oeuvre d'exorcisme. Du coup, le diable se venge et le cynique prend ses jambes à son cou.

 

8.
"le réel ne commence qu'au deuxième coup" : au moment où la conscience redécouvre le péril et a appris à s'en défier, et donc à le maîtriser. Perte du pucelage.

 

9.
"selon donc une structure itérative" : le donc structure cette itération. La logique est l'art par lequel nous donnons de la cohérence à cette succession de périls dans lesquels nous pourrions retomber si facilement si, justement, nous n'usions pas de la logique, de la raison, du bon sens, de la ruse, pour nous en écarter, ou, à tout le moins, pour en atténuer la dangerosité. Chat échaudé craint l'eau froide. Ou feint de la craindre.

 

10.
"L'illusion est parfois si complète" : de fait, elle l'est toujours. Mais toutes n'agissent pas de la même façon et chaque conscience choisit elle-même son poison. Je ne suis pas fasciné par l'ailleurs géographique ; il y a donc fort peu de chances que je meure dans un accident d'avion (à moins que l'ironie de l'illusion en fasse dégringoler un sur ma tête). Par contre, je suis si facilement tenté par l'écriture qu'elle me prend toujours trop de temps, captive mon attention et me fait aussi ours que misanthrope, aussi fuyant que loup.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 9 février 2013

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4 février 2013 1 04 /02 /février /2013 22:04

POLITIQUES II

 

1.
Le bonapartisme tempéré par la modernité est la meilleure des maladies politiques.

 

2.
Est-il vrai que Lénine a écrit que l'existence conditionnait (ou précédait) la conscience ? L'existence précède la conscience implique en tout cas que notre mode de vie influe sur notre idéologie. Ce qui ne signifie pas que mieux nous vivons et mieux nous pensons (sophisme typique des classes moyennes).

 

3.
Puisque tout est choix tout est donc échéance.

 

4.
En situation de crise, il n'y a entre l'échéance et la déchéance que le poids de la dette.

 

5.
J'apprends par "La Voix du Nord" que l'aviateur Charles Lindbergh (1902-1974) était surnommé "l'aigle solitaire". Je suppose que ce genre de périphrase correspond au fameux "esprit pionnier" américain qui tend à faire de toute innovation une occasion de chevauchée solitaire, sinon d'échappée.

 

6.
Sans doute, au début du XXème siècle, les européens ont cru retrouver dans la communauté des aviateurs une nouvelle classe de chevaliers, un nouvel ordre guerrier et d'autant plus en odeur de sainteté qu'il s'élançait à l'assaut du ciel. Les sirènes infernales des stukas mirent fin à cette illusion.

 

7.
D'après ce que j'ai compris, la "manoeuvre du scorpion" est une tactique militaire qui consiste à attaquer l'ennemi de front de façon à mobiliser toute son attention cependant que d'autres troupes progressent parfois à plusieurs dizaines de kilomètres du champ de bataille de façon à contourner l'ennemi et à prendre position en aval de la ligne de front. La piqûre léthale du scorpion peut alors immobiliser définitivement sa victime, la clouant sur place. Lors de la campagne de Malaisie (janvier-février 1942), le japonais Yamashita utilisa cette tactique à plusieurs reprises, ce qui lui permit de remporter l'avantage sur le général britannique Percival dont les troupes étaient cependant supérieures en nombre à celles des Japonais.

 

8.
D'après le film "Marquise", de Véra Belmont (1997) Molière fut chargé de la création de la première tragédie de Racine (La Thébaïde, 1664). Or, si la troupe de Molière était excellente dans le registre de la farce et de la comédie, elle était, dit-on, très mauvaise dans la représentation tragique, déclamant les vers d'une façon si ampoulée, emphatique, ennuyeuse, que le public parfois manifestait son mécontentement en balançant à la tête des acteurs force "pommes cuites". Ainsi fut cette création, catastrophique. Il y a donc dans la perception actuelle du personnage de Molière la vision d'un comique de génie et d'un piètre tragédien. Aussi n'a-t-il pas écrit de tragédie, si l'on excepte ce chef d'oeuvre qu'est Dom Juan.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 4 février 2013

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4 février 2013 1 04 /02 /février /2013 07:18

JUSQU'AUX DENTS

 

"Chu d'dans
En plein d'dans jusqu'aux dents
L'drame c'est que même en voulant pas êtr'dedans
C'est pareil chu d'dans
Jusqu'aux as jusqu'aux dents"
(Malcel Sabourin, Robert Charlebois, "Le grand fatal c'est d'être dedans").

 

1.
Nous nous cramponnons aux choses comme si elles existaient.

 

2.
Exister, c'est insister sur le fait que nous ne sommes pas encore morts.

 

3.
Sans doute passons-nous une bonne partie de notre vie à choisir les pièges où nous nous laissons prendre.

 

4.
On a beau se dire que c'est l'état d'esprit qui influe sur l'état des choses, parfois le Bonaparte qui cavale dans notre tête est perclus de rhumatismes.

 

5.
Le rôle de l'administration est de confirmer que tout devrait fonctionner correctement maintenant.

 

6.
La psychanalyse a fait de nous des golems qu'un jeu de mots actionne ou immobilise. Nous sommes les machines du langage.

 

7.
Je peux comprendre que l'on considère le Logos comme Dieu. Tous les énoncés à l'oeuvre dans le monde, lâchés dans nos bouches comme autant d'anges et de démons.

 

8.
Les gens n'aiment pas la littérature ; ce qu'ils aiment, ce sont les histoires. C'est la nostalgie des contes et légendes qui travaille le public.

 

9.
La lucidité est une manière de se fasciner pour la vérité. Et c'est ainsi qu'arrivent les accidents.

 

10.
Nous ne voulions pas nous mettre dedans, et nous sommes mis dedans, jusqu'aux dents, jusqu'à la langue.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 4 février 2013

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29 janvier 2013 2 29 /01 /janvier /2013 15:20

POUR LA DERNIERE FOIS

 

1.
"Quand avez-vous vu M. Ackroyd vivant pour la dernière fois?"
(Agatha Christie, traduit par Miriam Dou-Desportes, Le Meurtre de Roger Ackroyd, Le Livre de Poche policier n°617, p.125)

 

L'interrogation porte sur le quand, sur un moment dans le passé. Une synchronie. Elle porte aussi sur la relation entre le regard et le temps. Il s'agit de se souvenir de ce qui a été "vu". L'oeil porte la mémoire. L'interrogation a pour objet la vérité dans le passé, c'est-à-dire l'actualisation de cette vérité. Si la réponse est mensongère, c'est l'actualisation d'autres vérités qui permettra de confondre le menteur. Ainsi, une enquête, un travail d'historien a pour but d'actualiser un certain nombre de vérités passées et de les recouper afin de reconstituer non seulement une chronologie, mais aussi une généalogie. Cette interrogation est essentielle car elle précise implicitement que Roger Ackroyd est mort (puisqu'il a été vu "vivant pour" une "dernière fois"). Elle porte donc en réalité sur le passage de vie à trépas d'un être.

 

2.
La conscience humaine actualise des éléments du passé afin de les recouper et de pouvoir les (ré)utiliser efficacement dans le présent. Le sens de l'organisation, qui est l'une des meilleures facultés de l'humain, facilite ce travail. Elle est aidée par la mémoire, cette collection de passés que nous actualisons sans cesse.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 29 janvier 2013

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29 janvier 2013 2 29 /01 /janvier /2013 14:05

SOIF

 

"Un jour, avec des yeux vitreux, ma mère me dit : "Lorsque tu seras dans ton lit, que tu entendras les aboiements des chiens dans la campagne, cache-toi dans ta couverture, ne tourne pas en dérision ce qu'ils font : ils ont soif insatiable de l'infini, comme toi, comme moi, comme le reste des humains, à la figure pâle et longue."
(Lautréamont, Les Chants de Maldoror, Chant Premier, Presses-Pocket n°6068, p.33)

 

Il est des phrases qui sont de petits poèmes. Cette phrase de Maldoror, je la trouve superbe. Avec cette mère "aux yeux vitreux", comme si elle n'était plus elle-même, en proie à la fièvre, à la transe, à l'alcool, à quelque drogue peut-être, qui tient un discours métaphysique à son fils en lui recommandant, si jamais, la nuit, il entend "les aboiements des chiens dans la campagne", de se cacher sous les couvertures - pour échapper peut-être à la violence de ces appels, ou pour ne pas se montrer à quelque divinité de la nuit qui accompagnerait la meute - et de ne pas les "tourner en dérision", ces chiens - l'antidote de l'humour permet cependant de tenir à distance les masques du fantastique vénéneux -, car eux aussi, comme toutes les créatures conscientes, sont des assoiffés, des "insatiables de l'infini", et qu'alors, l'enfant, la mère et les chiens sont des frères de soif, des éternels insatisfaits, des révoltés, créatures qui déambulent "pâle et longue figure" dans l'ombre où ils guettent.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 29 janvier 2013

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29 janvier 2013 2 29 /01 /janvier /2013 10:46

SECRET RESSENTIMENT

 

"Il conservait un secret ressentiment contre l'idée du devoir qui l'empêchait de se conduire à sa guise."
(Lautréamont, Les Chants de Maldoror, Chant Sixième, V, Presses-Pocket n°6068, p.231) :

 

C'est là l'origine de la mauvaise humeur de bien des gens, le "secret ressentiment" contre tout ce que l'on a à faire et que l'on fait car il faut bien le faire (d'ailleurs, ce qui est fait est fait, et n'est plus à faire). S'il est vrai que chacun est touché par une grâce qu'il ignore, c'est souvent une bien mauvaise grâce.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 29 janvier 2013

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