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1 janvier 2013 2 01 /01 /janvier /2013 03:49

VENT INCONNU SOUFFLE LA NUIT
Notes sur le poème "Le Feu du ciel", de Victor Hugo, in Les Orientales. Les citations sont entre guillemets et/ou en italiques.

 

1.
Dans le premier poème des Orientales, "Le Feu du ciel" (ciel!) Victor Hugo se demande si "la nuée au flanc noir" qu'on est censé voir passer - alors qu'on a autre chose à faire - "Tantôt pâle, tantôt rouge et splendide à voir" ne serait pas par hasard "le char de feu qui porte des démons / A quelque planète prochaine ?". Une sorte de navette donc, qui trimballe des démons d'une planète l'autre, afin qu'ils puissent faire leur job de démon, provoquer des conflits, des crises boursières, promouvoir du rap, voter socialiste. Nous, sur la terre, on est tranquille, on sait faire s ans... les démons, je veux dire... on se débrouille très bien tout seul.

 

2
Dans la partie II du poème "Le feu du ciel" (Ciel!), Hugo évoque la mer ("La mer ! partout la mer ! des flots, des flots encor"). C'est que notre terre, c'est d'l'eau surtout. Avec des poissons et des noyés dedans. C'est une réciprocité. A poisson mangé, noyé bouffé.

 

3.
En vers de sept syllabes, je relève dans la partie III, ceci d'enthousiasmant :
"Les vierges aux seins d'ébène,
Belles comme les beaux soirs,
Riaient de se voir à peine
Dans le cuivre des miroirs"
Ce qui les fait rire, c'est que le réel déforme leur image, soumet leur beauté au traitement de l'anamorphose, à l'indifférence du cuivre. Auraient-elles le même rire, ces filles, si elles se miraient telles qu'elles sont ? Peut-être s'admireraient-elles ? Ou se trouveraient-elles des défauts ? Ou elles riraient tout de même de se voir si belles en ces miroirs.

 

4.
Victor Hugo a l'art du détail inattendu. Ainsi, dans la partie IV, ces vers surprenants :
"On entendait mugir le semoun meurtrier,
Et sur les cailloux blancs les écailles crier
Sous le ventre des crocodiles."
Franchement, vous y penseriez-vous ? Au frisson des herbes sous l'ondulation de la vipère ; au clapotis sous le saut du crapaud ; au claquement de la tique que l'on fait éclater dans un bout de papier enflammé ; au frottis de la moustache sous le peigne ; au grincement du dentier de l'archiduchesse qui constate consternée que ses chaussettes ne sont pas sèches ; au pet de nonne dans la vitrine, oui, à ça, on peut y penser, ça fait partie des choses raisonnables mais le cri des écailles du crocodile qui se meut sur les cailloux blancs, franchement, faut avoir la tête à Totor pour y penser, à ça.

 

5.
J'ai une faim à manger un loup ; ça tombe bien, il fait un froid à faire cuire un canard.

 

6.
Dans la partie V, ce sont des caravanes qui passent (donc des chiens aboient), des caravanes "D'Ophir ou de Membré" et sans doute d'autres noms à faire rêver, et puis il y a un "oeil de loin", qui "suit leur foule / Qui sur l'ardente houle / Ondule et se déroule / Comme un serpent marbré." L'effet sonore induit par la séquence "houle ondule et se déroule" est épatant. La prononciation semble se délier après la dureté du "h" et, plus fluide, glisse, par la grâce de la liquide "l", d'une modulation l'autre ("houl", l'on", "ule", "roul"). Ne dirait-on point quelque serpent ondulant sur la dune ? - Si fait, si fait, me répondit le cobra.

 

7.
Partie VI, Hugo évoque la "spirale infinie" de la tour de Babel, c'est que "sur le globe entier Babel devait un jour / Asseoir sa spirale infinie." L'infini... l'infini... ce qui ne peut se dire qu'avec des symboles... d'ailleurs, le réel, qui est une tension vers l'infini, lui aussi ne peut se dire que par des symboles, et ne peut se calculer que par des chiffres. La lucidité, c'est la maîtrise des symboles, et non pas cette fameuse connaissance que les mystiques cherchent dans la méditation. L'humain tend à maîtriser le réel symbolique, à l'utiliser comme outil de production, et c'est ainsi qu'il transforme ce qu'il appelle le réel. Mais rien ne se révèle à lui que ce qui relève des symboles. Le monde est sans connaissance.

 

8.
Dans le même passage, évoquant les ruines de Babel :
"Des éléphants passaient aux fentes de ses murs" écrit le génie. Ce qui me fait penser à l'expression "passer comme un éléphant à travers une fente." On peut donner à cette expression plusieurs sens. Ainsi, elle peut signifier que l'on force un passage, ou encore que l'on est très maladroit (à rapprocher donc du fameux "éléphant dans un magasin de porcelaines).

 

9.
Dans la partie VII, on peut noter que "l'oeil perdu" s'effraye des "profonds détours" que font les ponts, les aqueducs, les arcs et les rondes tours. C'est que, lorsqu'on laisse vadrouiller son oeil dans les couloirs, il faut s'attendre à ce qu'il se perde. Aussi, moi, je ne le laisse sortir que tenu à ma personne par un fil invisible qui ne tranche même pas les ombres.

 

10.
La partie huit est composée en vers de cinq syllabes. Voilà qui zèbre le ciel poétique des éclairs de la nuée qui éclate. Ce ne sont pas seulement des éclairs, mais des langues de feu qui jaillissent des "gueules" de "l'ardente nuée", je cite :
"Gomorrhe ! Sodome !
De quel brûlant dôme
Vos murs sont couverts !
L'ardente nuée
Sur vous s'est ruée,
O peuple pervers !
Et ses larges gueules
Sur vos têtes seules
Soufflent leurs éclairs !"

 

11.
"Se peut-il qu'on fuie
Devant l'horrible pluie ?"
Déjà quand il flotte dru et qu'on est tête nue, voilà qu'on s'abrite, alors pensez, s'il pleut du feu...

 

12.
"En vain quelques mages
Portent les images
Des dieux du haut lieu"
Oui, ça, on a beau faire, on a beau dire, c'est pas une image qui empêchera le rat de bouffer le fromage.

 

13.
Le passage de la mort du grand prêtre est saisissant :
"Le grand prêtre arrive
Sur l'ardente rive
D'où le reste a fui.
Soudain sa tiare
Prend feu comme un phare,
Et pâle, ébloui,
Sa main qui l'arrache
A son front s'attache,
Et brûle avec lui."
Morale, quand on a la cafetière grosse comme un phare, on finit par se cramer.

 

14.
Le dernier vers de cette partie :
"L'enfer dans les cieux !"
Vrai, quand on "croit voir l'enfer dans les cieux", c'est que bientôt on va les paumer, ses yeux, et puis tout le reste autour.

 

15.
Dans la partie IX, il y a un "étrange mystère", d'un "grand bruit qui remplit le monde épouvanté". Je me demande ce que c'est qu'un mystère pas étrange. Un mystère familier. Remarquez qu'on vit au milieu de ces mystères familiers que sont les autres. Des fois, c'est quand même bien bizarre, les autres. Et soi-même, des fois, ce qu'on est étrange, qu'on se sent quand même pas bien en accord avec soi-même... qu'on dérive vers cet autre-là qu'on aime pas tant, pourtant.

 

16.
Dans la dernière partie, la X, cette "ardente nuée" qui fit bien des dégats alors est renommée "vent inconnu qui souffla cette nuit." Vent inconnu souffle la nuit. Ce qui peut se comprendre comme on voudra.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 1er janvier 2013

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31 décembre 2012 1 31 /12 /décembre /2012 09:43

ET DANS CES DECHIRURES
Notes sur la "Préface à l'édition originale des Orientales", de Victor Hugo, cf Victor Hugo, Les Orientales / Les Feuilles d'automne, Poésie/Gallimard, p. 19 à 24. Les citations figurent ici entre guillemets.

 

1.
"L'espace et le temps sont au poète" écrit Victor Hugo dans la préface de janvier 1829 des Orientales. Une expérience spatio-temporelle, la poésie. Certes, sans doute, en effet. Il est aussi que chaque humain est un vécu spatio-temporel. L'histoire de l'humanité peut se percevoir comme une multiplication des expériences. Voilà de quoi vous filer le vertige. Au moment où j'écris ces lignes, des gens passent dans des espaces et des temps auxquels je ne peux, par définition, avoir accés. D'une certaine manière, l'expérience de l'autre est unique et inaccessible et ce n'est sans doute que par convention qu'elle paraît compréhensible. La révolution industrielle, la production en série, la mondialisation, auraient pour effet apparent d'uniformiser les comportements et d'aplanir les idéologies. C'est, je pense, le contraire qui se déroule sous nos yeux : les tissus sociaux se déchirent et dans ces déchirures apparaissent d'autres espaces et d'autres temps infiniment inquiétants parce qu'irréductiblement humains.

 

2.
L'administration ne peut empêcher les déchirures, elle ne peut qu'en gérer l'intensité. Ce ne sont pas les "pôles emplois" qui peuvent réduire les taux de chômage, c'est l'accroissement de la production, laquelle a pour but apparent d'uniformiser les consommations, et pour but réel d'accroître les distinctions de plus en plus subtiles entre les groupes sociaux. On pensait la révolution industrielle en termes d'intégration ; il est sans doute qu'elle est essentiellement communautariste.

 

3.
"Pourquoi avez-vous fait ce livre ? Pourquoi ce sujet ? Ne voyez-vous pas que l'idée première est horrible, grotesque, absurde (n'importe !), et que le sujet chevauche hors des limites de l'art ?"Donnant la parole à certains de ses critiques - une sorte de prosopopée -, Victor Hugo imagine (pléonasme) que son sujet, ses sujets, pourrait-on dire, chevauchent hors des limites de l'art. Je veux, mon neveu !Qu'ils galopent, les gothiques, baroques, romans, horribles, grotesques, absurdes, qu'ils aillent à la chasse au fantasque, qu'ils battent la campagne à monts et merveilles, puisque, franchement, comment voulez-vous loger une pareille armée, une chevalerie si fantastique dans les maisons sérieuses et bien ordonnées de la raison pratique ?

 

4.
"... tous portant leur destination écrite dans leur architecture ; marchés pleins de peuple et de bruit ; cimetières où les vivants se taisent comme les morts ; ici, le théâtre avec ses clinquants, sa fanfare et ses oripeaux" : il y a donc une architecture lisible ; et donc une illisible aussi, une occulte, une fermée au regard, une invisible parfois, celle des rues qui disparaissent dans les nouvelles de Jean Ray, et cette architecture de Malpertuis qui n'en finit pas, masquée par la boutique d'un marchand de couleurs, de se démesurer.

 

5.
Cependant, la ville lisible à la Hugo est, elle aussi, assez mystérieuse : "rues étroites, tortueuses, quelquefois obscures, où se lient les unes aux autres mille maisons de toute forme, de tout âge, hautes, basses, noires, blanches, peintes, sculptées; labyrinthes d'édifices dressés côte à côte, pêle-mêle, palais" : qu'on arrête là l'énumération ; elle est assez étrange pour avoir l'air d'être surgie du passé, cette ville. Ce qui était encore familier aux gens du XIXème siècle, on a besoin nous autres de l'agrémenter de tourisme, de couleur locale, de merchandising folklorique, sinon, ça vous prend vite de ces airs de lieu qui veut pas vraiment de vous, ces vieilles architectures, ces places à énigmes, à heures inquiétes, à ombres.

 

6.
"C'est là une des imaginations les plus folles où l'on se puisse aventurer." L'imagination est donc une aventure, et l'écrivain un aventurier du fantasme, du "désordre", de la "profusion", de la "bizarrerie" et du "mauvais goût" : dans ces quatre termes toute la modernité littéraire. Hugo a vu juste : l'imagination va s'emparer des esprits et pousser son arbre dément dans les cervelles. Cela a-t-il déstabilisé l'ordre social ? On peut en douter. Il est plutôt que l'étrangeté littéraire va rendre compte de l'étrange folie des humains qui, devenant de plus nombreux, de plus en plus rapides, de plus en plus efficaces, semblent courir après une paix qu'ils ne trouveront plus et qui n'a peut-être jamais existé.

 

7.
La littérature est la voix même de Cassandre. On l'écoute, on ne la croit pas, et on fonce dans le mur.

 

8.
"Jamais tant d'intelligences n'ont fouillé à la fois ce grand abîme de l'Asie." : Evidemment, à notre époque, où la Chine est en passe de dominer le réel, et où le Proche et le Moyen-Orient décident de la paix du monde, l'expression "grand abîme de l'Asie" rappelle que ce grand abîme là pourrait bien nous engloutir.

 

9.
Dans le dernier paragraphe de cette préface de janvier 1829, cette prémonition encore : "Tout le continent penche à l'Orient. Nous verrons de grandes choses. La vieille barbarie asiatique n'est peut-être pas aussi dépourvue d'hommes supérieurs que notre civilisation le veut croire." Tu l'as dit, Toto.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 31 décembre 2012

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30 décembre 2012 7 30 /12 /décembre /2012 00:12

ET LE NOM QUE PORTE CE DEUIL

 

1.
L'humain, ce zéro dans lequel se débattent les idées de Dieu et du Diable.

 

2.
Ce clavecin rendait un son si métallique qu'il devait y avoir, planqué dedans, un gnome en armure.

 

3.
J'écris ce que j'aimerais lire. Je suppose que c'est le cas de presque tous les auteurs. Cependant, certains sont si mauvais que s'ils aiment ce qu'ils écrivent, c'est qu'ils sont apparemment aussi mauvais lecteurs que mauvais auteurs.

 

4.
Certaines têtes pensantes ne doivent pas se pardonner d'être si carriéristes pour être si souvent de mauvaise humeur, et arrogantes donc ; en outre, quand elles ne sont ni de mauvaise humeur, ni arrogantes, elles se montrent d'une condescendance à gifler.

 

5.
J'ai parfois scrupule à attaquer des gens qui ne me sont rien, et qui donc ne sont rien. Je ne les vaux pas.

 

6.
Le désir d'être inutile... Non ! La nécessité d'être inutile...

 

7.
Dieu est atteint du syndrome de la personnalité multiple, et toutes ces personnalités multiples qui se débattent dans l'être, ce sont nos pommes.

 

8.
Un arbre généalogique est souvent cette espèce d'arbre dont les branches se jalousent perpétuellement.

 

9.
Le monde est un sac d'angles qui usent la toile jusqu'à la déchirer.

 

10.
Je ne pense pas être aussi méchant et cynique qu'on le dit. Néanmoins, je me comporte souvent en méchant et en cynique. C'est que donc je dois l'être quelque peu. Et puis, ils ne faut pas décourager les autres dans la bêtise de leur jugement, ils risqueraient de vous en vouloir plus encore de les détromper sur ce qu'ils tenaient pour un acquis de leur merveilleuse clairvoyance.

 

11.
Il me semble parfois que dieu fait des grimaces dans mon dos. J'en suis certain maintenant : dieu fait des grimaces dans le dos des humains, et il rit, comme nous. Comme quoi, Dieu est certainement d'une simplicité infinie.

 

12.
J'apprends en regardant un téléfilm sur Alexandra David-Néel que l'aventurière eut l'occasion d'être en contact avec la "chambre de Dieu", et qu'était cette chambre ? Une pièce vide. Il n'y a donc pas de dieu au dehors ; il n'y a de dieu que dans l'illusion de notre propre être. En conséquence, nous ne pouvons pas mieux connaître Dieu que nous nous connaissons nous-même.

 

13.
"Dieu est une chambre vide." Quelle belle formulation ! On la doit, semble-t-il, à Alexandra David-Néel. Elle exprime l'absence physique de toute divinité et aussi que l'être se définit par cette absence ; et aussi que l'être se définit par toute absence ; et aussi que l'être se définit par le deuil, et le nom que porte ce deuil.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 29 décembre 2012

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29 décembre 2012 6 29 /12 /décembre /2012 22:09

NOTES SUR LA PREMIERE PAGE D'UNE SAISON EN ENFER
Les citations du texte d'Arthur Rimbaud figurent ici entre guillemets et/ou en italiques.

 

1.
Le narrateur d'Une saison en enfer commence par évoquer son jadis (1er mot du texte et convocation d'un passé fabuleux, un passé "festin où s'ouvraient tous les coeurs, où tous les vins coulaient").

 

2.
Cette situation initiale est perturbée par l'événement suivant :
"Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. - Et je l'ai trouvée amère. - Et je l'ai injuriée." Où l'on voit que Rimbaud a commencé par composer son texte sur le modèle du conte.

 

3.
Comme il avait commis une sorte de délit, puisqu'il avait injurié la Beauté, il s'est donc trouvé dans la nécessité de s'armer contre la justice, et même de s'enfuir, confiant son trésor aux "sorcières", à la "misère" et à la "haine" :
"Je me suis armé contre la justice.
Je me suis enfui. Ô sorcières, ô misère, ô haine, c'est à vous que mon trésor a été confié !"
Notons que c'est là courir un grand risque que de faire confiance aux sorcières, à la misère et à la haine. Le narrateur veut-il ainsi signifier qu'il n'avait pas d'autre choix, que les mages bienveillants, la fortune et l'amour auraient refusé de lui rendre ce service. C'est qu'il a insulté "la Beauté", c'est-à-dire l'en-soi, et donc l'être lui-même.

 

4.
C'est ce diable de Céline, dans cette espèce de "saison en enfer" que fut une partie de son existence, qui évoque un trésor enfoui et dérobé. Il est curieux de constater que l'auteur du Voyage au bout de la nuit a lui aussi confié un trésor aux sorcières, à la misère, à la haine. Les liens entre le narrateur célinien, qui s'est réellement perdu dans la noirceur de sa légende, et l'auteur de l'infernale saison, qui a fini par révoquer la sorcière de l'écriture pour refaire sa vie ailleurs, sont certainement assez étroits. Ces deux écrivains ont eu en commun l'errance, le départ volontaire et l'exil forcé ; ils ont aussi tous deux voulu rythmer l'écriture, la musiquer, l'enluminer, l'illuminer, comme si tous deux s'étaient persuadés qu'il y avait réellement une "alchimie du Verbe" assez puissante pour transcender ici et maintenant le réel le plus décevant .

 

5.
Puisqu'il s'est lui-même mis au ban de l'humain, en doutant de son être, il faut bien qu'il fasse "s'évanouir dans son esprit toute l'espèrance humaine". Ainsi se fait-il "bête féroce" et, souple comme jaguar totem, il bondit sourdement "sur toute joie pour l'étrangler."

 

6.
Le voilà bête assez férocement désespérée pour appeler les bourreaux, et, "en périssant, mordre la crosse de leurs fusils." Bête d'orgueil, le rimbaldien, tendance christique : "J'ai appelé les fléaux, pour m'étouffer avec le sable, le sang." Ce sable et ce sang, c'est la guerre sans doute ; c'est le sable du temps qui boit le sang des hommes.

 

7.
Je disais tendance christique. Il y a de ça dans l'errant rimbaldien, avant qu'il se décide à envoyer valser la valseuse écriture aux mains d'autres écrivains ; c'est qu'il a dû galérer, le bonhomme. "Le malheur a été mon dieu" qu'il dit. Christ d'un dieu de malheur donc, à s'en allonger dans la boue, à s'en sécher à l'air du crime, à en jouer de bons tours à la folie.

 

8.
Mais à Pâques, il n'y eut pas de résurrection, il y eut "l'affreux rire de l'idiot."

 

9.
Bête, d'un orgueil fou, idiot, le voilà bien près, en effet, "du dernier couac !". Il serait temps alors de retourner au jadis initial, au "festin ancien" car il a perdu l'appétit pour les choses présentes, et rêve de la clef qui lui rouvrirait son passé.

 

10.
Le festin ancien, c'est celui des Noces, celles de Canaa, d'autres encore, celles du miracle et de l'humain. Il y a un mot pour cela, c'est "la charité". Est-il idiot vraiment ? La charité, l'empathie, la compassion, en voilà des humanités. Or, ce narrateur-là n'est plus humain depuis qu'il a injurié la Beauté et fui la justice des hommes. Il vit en hyène, c'est ce que lui rappelle celui qui tenta de l'endormir avec l'opium du peuple ; je cite : "Tu resteras hyène, etc...", se récrie le démon qui me couronna de si aimables pavots." Et ce démon - car c'est bien un démon qui inspire si mal les humains - de lui conseiller, puisqu'il se refuse à céder devant la charité, de ne plus chercher à gagner sa vie, mais à se tourner vers le néant ; je cite : "Gagne la mort avec tous tes appétits, et ton égoïsme et tous les péchés capitaux."

 

11.
"Ah ! j'en ai trop pris" s'écrie-t-il, le rimbaldien... pris de quoi ? - Des "aimables pavots". Il dira plus loin dans la saison qu'il a "avalé une fameuse gorgée de poison." Tant pis, damné, condamné... qu'il aille au diable, à "Satan" et "sa prunelle irritée"... Mais il sait tout cela car il peut l'écrire... Seuls les écrivains qui n'égarent pas leur énigme dans les "facultés desciptives ou instructives" peuvent s'adresser directement à Dieu, à Satan, c'est-à-dire à l'être lui-même pour dire combien l'humain se sait damné.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 29 décembre 2012

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29 décembre 2012 6 29 /12 /décembre /2012 12:03

SIFFLANTS SERPENTS

 

1.
Dieu est la promesse du diable.

 

2.
Dans une vision sexiste des rapports humains, un homme ne doit jamais se comporter comme doit toujours se comporter une femme. Autrement dit, dans une vision sexiste des rapports humains, l'homme est un travail, et la femme un état.

 

3.
Si mes pensées se dressaient sur ma tête, certainement qu'elles se hérisseraient, sifflants serpents.

 

4.
Qui trop pense a souvent panse vide.

 

5.
D'untel, je pense qu'il pense, certainement, c'est-à-dire qu'il pèse de tout son poids sur le pour afin que personne ne soit contre.

 

6.
"Je vomis les gens" dit l'anthropophage à son gastroentérologue.

 

7.
Le sociologue a pour objet de faire correspondre des humains à des chiffres. Quand il pense y être arrivé, il dit n'importe quoi, et on en parle dans les journaux.

 

8.
Certains êtres, me semble-t-il, sont tristes d'une tristesse sans existence, d'une tristesse d'être.

 

9.
L'ombre est la plus fidèle des assassines.

 

10.
Nous sommes si liés à notre ombre que nous finissons par nous y confondre.

 

11.
Un assassin en série est celui qui revient toujours sur les lieux des meurtres qu'il n'a pas encore commis.

 

12.
L'humain semble avoir oublié qu'il s'est immunisé contre l'immortalité.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 29 décembre 2012

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29 décembre 2012 6 29 /12 /décembre /2012 10:18

PENSER, PASSER
En feuilletant le volume "Humain, trop humain", Nietzsche traduit par Desrousseaux et Albert, traduction revue par Kremer-Marietti, Le Livre de Poche, "Les Classiques de la Philosophie", n°4634.

 

1.
Penser, ce n'est pas revenir sur soi, penser, c'est passer sur soi même en coup de vent.

 

2.
"... atteint un point où l'âme est pleine comme un tonneau..." et dans ce tonneau de l'âme, il y a ce nous-même qui se demande comment il a fait pour se laisser enfermer.

 

3.
p.343. Nietzsche affirme que "l'auteur raisonnable" écrit "pour sa propre vieillesse". Et le déraisonnable écrit pour la jeunesse des peuples. Ou croit écrire pour.

 

4.
p.376. "... toute la philosophie est désormais tombée dans le domaine de l'histoire." Comme dans un puits, d'où elle ressort parfois, armée jusqu'aux dents, et férocement affamée.

 

5.
p.377. Nietzsche appelle "Besace des métaphyciens" le sac à bon Dieu et à "aimable immortalité" qu'ils trimballent, les échotiers du gouffre, derrière leur grande science du rien. Il est curieux que certains humains se passionnent pour l'être parfait et l'infini de sa perfection, dont il y a si peu à attendre, cependant que, par définition, nous sommes si éphémères et tellement imparfaits, que c'est dire qu'il y en a du boulot du côté de nous autres.

 

6.
p.405. "...sa créature faite à son image..." : ça fait beaucoup pour un seul dieu, non ?

 

7.
Le polythéisme est une manière de frivolité métaphysique. Nous ne pouvons nous satisfaire d'un dieu si parfait - surtout qu'il prétend être notre Père -, aussi allons nous dans l'ailleurs si divertissant et si imprévisible des autres dieux. Ou fantômes. Ou génies.

 

8.
p.121. "Le sens du culte religieux est de déterminer la nature..." Ainsi, l'humain finit-il par penser que la nature lui est prédestinée, et refuse de voir que l'humanité est une longue et pénible adaptation à l'inhumain.

 

9.
Le diable s'est pris de passion pour les humains, et il est tellement fasciné qu'il ne peut se passer de notre présence. Il ne nous lâche plus.

 

10.
Celui qui invoque le diable n'est déçu qu'en raison de l'incognito qu'il prend parfois, le malin, quand il va chez les gens.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 29 décembre 2012

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27 décembre 2012 4 27 /12 /décembre /2012 14:32

ET A MAUBEUGE AUSSI

 

"Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer

Répétant après moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent

 

Il n'y a pas d'amour heureux"

  

(Louis Aragon, Il n'y a pas d'amour heureux)

 

Je t'aime.

 

Beaucoup utilisent ce verbe sans s'interroger sur son sens.

 

Examinons l'affaire :

"Je" : pronom qui définit le locuteur.

Si je dis « Je », je parle de moi, je ne parle pas d'un autre... Quoique si je commence par le pronom "tu", on pourrait avoir un "tu j'aime(s)" incongru à l'oral, mais possible à l'écrit, surtout chez un poète chevelu du genre Patrice Houzeau.

Dans cette phrase pleine de sens, et même lourde de sens -surtout si on l'a quelque peu sensible, le mou dans l'intercostal (je pique ce mou là au grand Marcel Aymé) - le «Je» est essentiel.

Il s'orne même d'une majuscule. Celui qui l'utilise est l'objet premier de sa propre phrase. D'ailleurs, mon chien ne dit pas "je", mais fait bêtement "ouah", au lieu que moi, je fais wah quand je croise une jolie fille, et comme je suis discret, je me le dis dans le dedans de moi-même. En outre, je ne remue pas la queue. Pour le reste, je dis "je" - même le dimanche, qui est pourtant le Jour du Seigneur - et j'aime bien l'album blanc des Beatles.

Si j'aime l'autre, comme le laisse présupposer cette phrase, il faudrait que je mette un autre pronom en exergue. Notons que notre distingué collègue, en soulignant le présupposé d'un amour qui motive la condition "si j'aime l'autre" jette là-dedans quelque éclat de doute qui nous fait songer que l'amour, comme dieu, la clé des champs, le dragon du temps, les tapis volants, sont avant d'exister, et même sont sans exister du tout. C'est la grande leçon de la phrase justement célèbre : "Il n'y a pas d'amour ; il n'y a que des preuves d'amour".

 

Par le « Je », c'est moi que j'aime !!!

 

« Je T' ». Là, c'est qu'on a été interrompu par un fâcheux quelconque, ou une fâcheuse, qui nous demande si on aurait pas des fois une choucroutière à lui prêter, ou une parmentière à hachis.

Le Je est une exérèse qui ampute l'action de donner son amour. C'est le cancer. Certes, mais il faut bien un "je" pour qu'il y ait un "tu". Ou alors, je crains le pire grand tout asexué, la grande communauté des âmes, la gidouille métaphysique, la moulinette à métempsychoses, qui tendrait à nous faire oublier que si nous aimons quelque "tu", c'est bien parce qu'elle a des poils comme nous, bien que beaucoup plus fins et séparables de la tendreté de la peau par la pratique régulière de l'épilation. Il y a aussi qu'elle tient à nous faire part et de ses contentements et de ses mécontentements à notre égard, ce qui passe le temps, pousse au renouvellement de la vaisselle, fait une histoire, dite "histoire d'amour", ou plus sobrement "vie privée", et qui nous console de ne pas être plus que ce que nous ne sommes même pas.

 

A ce titre, il faut s'interroger sur le fait que l'on donne De l'amour ou Son amour, ce qui sont d'ailleurs deux choses différentes, mais je reviendrai sur ce point plus tard.

 

« T », vingtième lettre de l’alphabet.

Dans ma phrase première c'est une abréviation du pronom "Tu". On dit alors que le pronom est élidé.

Ce pronom est lui même le second dans la classification pronominale. Lorsque l'on aime l'autre, ne faudrait-il pas mettre le pronom « Tu » en premier et non pas en second ? J'ai traité ce point plus haut, je n'y reviens pas.
Je note cependant que "commencer par « Je », c'est se regarder le nombril.
Et aussi que si « Je est un autre... », tu es moi (à condition que tu sois un autre, car tu es aussi l'autre de l'autre, ce qui fait que je suis l'autre pour l'autre, qui lui-même est l'autre pour cet autre qui m'est tellement autre que, je le croiserais, je ne le reconnaîtrais pas, et cependant nous mangeons trois fois par jour).

 

Arthur tue moi !!! (Cette phrase ne fait pas partie du récit du Capitaine Hastings).

 

« Aime », verbe aimer.

Je viens de taper une phrase sans sujet. Le verbe est l'action, « au commencement était le logos, le verbe... ». La phrase sans verbe, c'est le cœur de la déclaration, de la déclamation, de la communication officielle. Si Dieu existe, c'est un verbe (et même, à mon avis, un syntagme verbal que j'exprime ainsi car telle est ma volonté : "se mettre le doigt dans l'oeil").

Quoi qu'il en sera, il y aura un prix à payer. Et vu que nous sommes en période d'inflation déguisée, qui passe par une baisse masquée des salaires, et tout cela avec le sourire du Président normal et de son normal Premier Ministre, ça risque d'être salé du côté de la douloureuse fiscale.

 

Fort ou faible à la fois, comme dit le chat de Schrödinger à sa boîte.

 

Égalitaire ou totalitaire à la fois, comme ne dit pas le chat de Schrödinger à sa boîte, où depuis le temps qu'il y est, à mon avis, ça doit renarder sec là-dedans.

 

Mélange des conjonctions pour entrer en coordination avec l'être, avec l'autre.

Je raye la mention je t'aime.

Et je la remplace par : « Tu es aimé amour ».

 

« Tu » =) pronom personnel forme 2, qui initie la phrase, en commande le régime, et attire l'attention de tout le monde par l'hypercorrection de sa formulation (même dans les lycées classiques, un professeur qui exprimerait ainsi sa pensée se verrait immédiatement canonisé par des forces aussi académiques que surnaturelles).

 

« es » =) verbe être conjugué au présent qui est le temps de l'actualisation. Dieu, s'il existe, c'est dans un présent, qui n'en finit pas d'être présent, qu'il se met le doigt dans l'oeil.

Sans être pas de vie. Et sans fenêtre pas de vice, comme dit le voyeur à son occuliste.

 

« aimée » =) second verbe, deuxième action de ma phrase qui s'accorde avec le pronom Tu. L'union totale d'une combinaison d'êtres que l'on ne peut déchiffrer qu'en possédant les deux clés. Je ne sais pas pourquoi, ça me fait penser à la grammaire allemande, cette affaire. Je note que s'il y a action, elle est ici exprimée par la voix passive, ce qui est flatteur et qui signifie exactement : "où que tu sois, quoi que tu fasses, mon amour, tu es aimée." Cependant que si je dis "je t'aime", je prédis :
- un complément : je t'aime quand tu viens sous la pluie ruisselante épanouie superbelle qu'on dirait une actrice de la télé ; je t'aime quand tu fais de la tarte aux pommes ; je t'aime quand tu chantes sous la douche, je t'aime quand je suis avec toi (mais je t'en prie, mon amour, arrête de tousser quand je fume, c'est agaçant à la fin). Je prédis aussi que :
- si tu ne m'aimes pas, je serai malheureux comme une choucroute délaissée dans une brasserie alsacienne par une cliente chipoteuse et pourtant si belle.
 

Tandis que, lorsqu'avec cette élégance qui m'est aussi naturelle qu'un cheveu sur la langue, je dis : "tu es aimée, amour", je signifie que je n'attends rien, et n'attendant rien, c'est donc le coeur serein et la conscience légère que je peux aller me faire cuire un oeuf.

 

« amour » =) Répétition du verbe aimer, qui se mute en un nom masculin pour conclure mon propos, lier sans virgule aimé » à « amour », c'est comme faire un enfant. Et en plus, on ne risque pas de fausse couche.

Créer un nouvel être de deux corps, de deux entités. Comme dans Alien.

Et en franglais, la phrase est encore plus pure.

 

You're love amour.

Que j'aime le mélange des langues. Du reste, je suis persuadé que "You're love amour", bien bidouillé techno-pingouin et balancé avec pin-up, bimbos blondes, pouet-pouet girls à gros lolos et mini-short, ça devrait faire un tube à Ibiza, et à Maubeuge aussi.

 

Dulaurens Jihache - Patrice Houzeau
Décembre 2012

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27 décembre 2012 4 27 /12 /décembre /2012 11:30

CHASSE AU JAMBON ET AUTRES CHOSES CHUINTANTES
Notes en feuilletant les oeuvres d'Arthur Rimbaud. Les citations sont entre guillemets et/ou italiques.

 

"- Celle-là, ce n'est pas un baiser qui l'épeure ! -
Rieuse, m'apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiède, dans un plat colorié,

 

Du jambon rose et blanc parfumé d'une gousse
D'ail, - et m'emplit la chope immense, avec sa mousse
Que dorait un rayon de soleil arriéré."

 

(Arthur Rimbaud, Au Cabaret-Vert)

 

1.
On ne s'étonnera pas que ça puisse avoir un "goût horrible étrangement"... ce réel passé à l'Arthur moulinette... il y a de la Vénus à ulcère à l'anus... l'a rapidement poétisé saumâtre, le réel... l'a ulcéré justement... qu'il s'en est dégoûté j'suis sûr... du coup, il a filé vers l'ailleurs.

 

2.
"Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : "Veux-tu finir !"
(Première soirée)
C'est mignon tout plein ces vers brefs de Rimbaud pour exprimer le vivace des petits pieds de l'amourette qui "se sauvent" des baisers du garçon. On l'imagine assez la fille pousser des petits i ! i !

 

3.
"On sent dans les choses ouvertes / Frémir des chairs"... monde blessé... mécanique organique des ouvertures et des fermetures... bouches, anus, mâchoires, bras... tout poulpe... tout bat et poulpe... l'univers, c'est d'la pieuvre... ça tentacule de tout côté... qu'on y fait même plus attention.

 

4.
"J'irais, pressant / Ton corps, comme une enfant qu'on couche, / Ivre du sang // Qui coule, bleu, sous ta peau blanche / Aux tons rosés"... qu'il raconte dans Les réparties de Nina... et puis il y a "Le sang ! le sang ! la flamme d'or !" C'est clair comme la sorcière du torrent, vampiré, l'Arthur... pressant le corps... comme une orange... Ah le gothique !

 

5.
"Je te parlerais dans ta bouche" : c'est ainsi qu'on prend possession... ça fait fusion... j'imagine le lascar avec les lèvres de la fille à la place de sa goulue lippe... quel collage !

 

6.
... Happent le jambon aux fourchettes... la chasse au jambon, comme on le voit, se pratique à la fourchette. Elle a généralement lieu en famille dans des battues que l'on appelle "repas". Mais on peut tout aussi bien se lancer dans la chasse solitaire au jambon de cuisine, voire aller chasser le jambon dans des réserves de chasse que l'on appelle brasseries. On y fait mouche à tout coup, et de certains chasseurs, on dit même qu'ils ont un bon coup de fourchette... Mais il arrive qu'il se venge, le jambon, et, étranglant l'étourdi, passe dans le trou à tarte, pour asphyxier le malheureux qui, du coup, jamais plus ne mangera de frites, ni n'ira dans le réel bricoler dans les choses et se croire nécessaire.

 

7.
... la vitre cachée, / Qui rit là-bas... des reflets se promènent sans miroir, ni fenêtre... des vitres se camouflent dans les feuillages... on les entend rire de leurs petits rires qu'on croit que ce sont des fées, ou les gamines du voisin qui se fichent de leur cousin, l'Arthur bêbête... en fait, ce sont des vitres cachées.... en général, elles profitent d'un éclat de soleil pour vous aveugler... ou vous attirer dans le piège mortel de la berge... ou vous faire glisser la raison dans un autre monde...

 

8.
K.O. cassé le carreau cassé... Et Arthur détala avec sa fronde coutumière.

 

9.
... chantant des choses.... entre les trous... réel tout troué... tout piqué vaudou... du coup, on chante des choses... c'est tout mystère... ou alors c'est qu'on chuinte de la mâchoire et qu'on dit soudain très philosophique :"Ch'entends des choses entre les trous que fait le chilenche des espaces infinis entre moi et nulle part."

 

10.
"Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffon"... ça doit être un minuscule magique gnome qui, surpris alors qu'il piquait un apéricube, fiche son camp vers les "tilleuls qui sentent bon dans les bons soirs de juin !".

 

11.
"l'avoir dans l'os jusqu'au squelette" : expression que je viens de m'inventer, parce que voilà, et qui signifie qu'ils sont fatals, des fois, les coups du bambou du sort, sur nos caboches si provisoires.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 décembre 2012

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27 décembre 2012 4 27 /12 /décembre /2012 10:46

SALADE DE COEURS SAUTES EN HAILLONS
Notes en feuilletant les oeuvres d'Arthur Rimbaud. Les citations sont entre guillemets et/ou italiques.

 

1.
Les dieux rient et nous pleurons.

 

2.
... divins babillages...j'ai parfois pensé que Dieu Créateur n'était qu'un môme qui avait piqué deux trois trucs dans la remise à outils de son Zeus daron... il aurait pu flanquer le feu à l'univers... on aurait flambé comme ouistiti (ce qui ne veut rien dire, mais je trouve que le mot ouistiti donne assez l'effet d'ambrasement soudain, flambée vive, vlouf!).

 

3.
"Je ne dis pas un mot : je regarde toujours"
... dans le poème A la musique qu'on lit ce vers, un des plus beaux de Rimbaud... un des plus contemplatifs toujours... se fait statue, là, le Rimbaud... pose pour l'éternité poétique...

 

4.
"je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules."
(Rimbaud, A la musique)

 

Exactement ce que je reluquais quand, lycéen, je me flanquais au fond de la classe et que je les admirais, les nuques, où elles frisottaient, leurs mèches folles, aux filles.

 

5.
... Cachez les palais morts... ça vous fait un effet de miniaturisation du réel, ces six syllabes... je l'imagine, le géant balai qui les envoie poussière tu retourneras à la poussière les palais morts (avec rois, princes, reines, princesses et falbalas) sous le tapis de l'océan qu'une maousse main soulève dans un crépuscule d'autre monde.

 

6.
"l'enfant tourna ses bras" : expression que j'ai toujours trouvée bizarre, et même tordue, en ce sens que je me demande bien pourquoi l'enfant se met ainsi à se tourner les bras ; vous visualisez le môme dont les bras tournent façon tête à la gamine possédée dans l'Exorciste, sauf qu'ici, c'est pas la tête, c'est les bras...

 

7.
"La morale est la faiblesse de la cervelle" : on lit ça aussi dans Une saison en enfer. C'est dans un paragraphe où il lui prend une parole diabolique... C'est que la langue peut tout... dire le dieu et le diable, le tout et le rien, la gêne qu'il y a de nous parmi les autres... et puis la morale n'a pas toujours à faire avec l'intelligence... en ce sens, l'équation, de l'empathie, elle s'en tamponne l'hypothénuse.

 

8.
... monstruosités hargneuses... elles s'énervent, les chimères... elles profitent des "ombres des soirs" pour se faufiler dans le réel... rodent, grognent et grommellent,s'apprêtent à...

 

9.
...Le sang ! le sang ! la flamme d'or !... il s'hallucine historique... voit des Jeannes et des batailles... Le passé, c'est du feu froid... brûle encore des fois... brûle toujours en fait... feu froid, feu fantôme qui le flanque, le feu, au réel.

 

10.
Dans le sonnet des "morts de Quatre-vingt-douze et de Quatre-vingt-treize" y a des "dont les coeurs sautaient d'amour sous les haillons"... salade de coeurs sautés en haillons, en voilà une recette pour une cuisine diabolique.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 décembre 2012

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27 décembre 2012 4 27 /12 /décembre /2012 10:23

UNE FAMEUSE GORGEE DE POISON
Notes en feuilletant les oeuvres d'Arthur Rimbaud. Les citations sont entre guillemets et/ou italiques.

 

1.
... une fameuse gorgée de poison... de quoi gerber l'enfer... c'est sa poésie elle-même, à Rimbaud, qu'est fameuse gorgée de poison... poétique, l'âpre sac de syllabes avec du réel remuant dedans. De l'étouffe-chrétien.

 

2.
... en hiver, ça s'illunait drôle sur le verglas... concassés les polychromes farfadets... crissants au sol...

 

3.
... amie à l'eau couleur de cendre... ça, c'est quand elle s'est dissoute dans l'eau du jadis... à force de temps passé... reste plus que du gris d'où surgissent des visages dont on se rend compte que l'on ne sait rien...

 

4.
... pleuvant aux rafales de givre... j'aime bien l'enchaînement pluie - rafales - givre... ça fait mouvement... on en a des fois dans le nord des pleuvant aux rafales de givre... c'est pas si rare... moins rare que la neige... pays gris le nord... humide que vous avez l'impression de le porter, de l'avoir déjà sur le dos - mais en dedans, voyez - votre fantôme et son tout frec linceul.

 

5.
... Chers corbeaux délicieux... faut vraiment pas avoir d'amis pour les trouver délicieux, les corbaques...

 

6.
En repassant ses limaces, Fred l'Elégant ne se doutait pas qu'il serait le soir-même repassé par Jo La Limace.

 

7.
"Je tombais dans des sommeils de plusieurs jours" qu'il raconte l'infernal rimbaldien... devait avoir la patate au réveil... ou alors de l'hébétude plein la caboche... de la gueule de néant... du bafouillis fromage blanc...

 

8.
... décors quelconques... quand j'y songe, c'est marrant quand même, cette multiplication des décors qui font qu'on a pas tous la même perception du réel... y a quand même des décors moins quelconques que d'autres... remarquez que ce qui se promène dedans, c'est jamais que du tube digestif qui dispute le bout de gras à un autre tube digestif. Mais c'est vrai aussi qu'il y a quand même des tubes digestifs moins quelconques que d'autres... et même d'assez agréables à regarder...

 

9.
... Pochant l'oeil fou de l'étranger... violent des fois, Tutur... quant àl'oeil, pas étonnant qu'il l'a fou, l'oeil, l'étranger, si vous lui pochez... pour ce qui est de l'étranger, pour quelqu'un comme ma pomme, est étranger tout ce que je n'ai pas dans la peau.

 

10.
"Qu'on me loue enfin ce tombeau, blanchi à la chaux avec les lignes du ciment en relief - très loin sous terre." : Détail peu connu de la bolide existence du poète, il fut un temps représentant en pompes funèbres.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 décembre 2012

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