LES TRENTE GLORIEUSES
On appelle Trente Glorieuses les trente années de prospérité économique qui ont succédé à la seconde guerre mondiale. Nous devons cette expression désormais célèbre à l'économiste Jean Fourastié (1907-1990, auteur de : Les Trente Glorieuses ou la Révolution invisible, 1979).
Cette période commence donc dans l'après-guerre, concerne toute l'économie mondiale et se termine dans les années 70 avec les chocs pétroliers de 1973 et de 1979.
Si cette période fut favorable à l'ensemble des économies, elle fut initiée (commencée) par les pays industrialisés et libéraux (=non communistes) et profita surtout à :
- l'Europe de l'Ouest
- l'Amérique du Nord
- l'Asie du Sud-Est.
Il est à remarquer que l'ensemble de ces pays forme ce que l'on appelle actuellement "la Triade", c'est-à-dire l'ensemble des trois plus puissantes zones économiques organisatrices du commerce mondial.
Les Trente Glorieuses furent marquées par "le plein emploi" (peu de chômage), une augmentation générale du niveau de vie (des salaires en constante augmentation), une croissance continue (augmentation constante et soutenue de la production).
Cette période est remarquable par la concrétisation d'un type de société qui s'est imposé comme étant actuellement le modèle dominant : la société de consommation.
La société de consommation : Le principe est simple. Pour continuer à produire et donc à capitaliser de l'argent (à s'enrichir), il faut soutenir la consommation des ménages. Tout est donc fait pour favoriser cette consommation :
- développement de la publicité : il s'agit de pousser les clients à consommer toujours plus en leur proposant de nouveaux produits dans des gammes de plus en plus larges. Dans cette perspective, l'innovation est donc un facteur important et la publicité ne peut réellement s'appuyer que sur la qualité des innovations proposées.
- développement du crédit à la consommation : la mise en place de la "carte bleue" permet aux consommateurs de dépenser plus facilement. Pour cela, des "autorisations de découvert" sont généralisées dans l'ensemble des banques privées.
- de plus, les commerçants mettent à la disposition des clients des "offres de crédit" qui permettent d'étaler le paiement des achats.
L'augmentation de la consommation entraîne une augmentation de la production.
L'augmentation de la production entraîne l'augmentation du nombre d'heures supplémentaires d'où des salaires qui furent en nette augmentation, en particulier dans les années 70.
Bien entendu, en période de hausse de la consommation, les prix des produits augmentent car ils sont très demandés : c'est ce que l'on appelle l'inflation.
inflation = hausse générale des prix.
Pour pallier (= limiter) les effets de l'inflation, les salaires des Trente Glorieuses étaient indexés sur l'augmentation du prix des produits. En clair, plus l'inflation était élevée, plus les salaires augmentaient.
Cette indexation s'est montrée efficace jusque dans les années 70 où elle fut arrêtée suite aux débuts de la crise économique.
Cette augmentation continue des salaires entraîne à son tour une augmentation de la production, et ainsi de suite...
C'est ce que l'on appelle le "cercle vertueux de la croissance."
Cette période est surtout marquée par le faible coût de la matière première moteur de la croissance économique : le pétrole.
Que reste-t-il des Trente Glorieuses ?
- D'abord, des profits colossaux qui ont enrichi le monde comme jamais il ne l'avait été auparavant.
- Des avancées technologiques considérables. Le but du libéralisme économique étant la création de richesses, il est clair que ce libéralisme tant décrié a été le moteur de l'innovation qui nous permet, nous les héritiers, de publier via internet des textes au moment même de leur conception et ainsi d'assurer la libre circulation des idées à peu près partout dans le monde. Dans tous les secteurs de la vie des hommes, les investissements en argent, en temps et en matière grise furent tels que nous bénéficions aujourd'hui d'équipements qui nous permettent de mieux nous soigner, mieux apprendre, se former, s'informer, mieux travailler, mieux nous protéger. L'espérance de vie des pays industrialisés ne cesse d'augmenter prouvant ainsi le bien-fondé de ces investissements.
- Un état d'esprit. La société de consommation et l'innovation constante ont fait de nous des clients exigeants. La nécessité d'être mobile, disponible et entreprenant, puisque Les Trente Glorieuses ont appris à nos parents à aller chercher mieux ailleurs s'il le fallait, ont fait de nous des individualistes et le fait de gagner de l'argent est actuellement considéré comme une valeur en soi. La démocratisation des institutions, la libre circulation des idées ainsi que la multiplication des supports de l'information ont fait de nous des points de vue critiques et il n'est guère actuellement d'institution qui échappe aux attaques de tout type, qu'elles soient liées à l'exercice de la démocratie par le droit d'expression ou qu'elles procèdent de la remise en cause radicale, informelle et parfois violente.
- Une amertume. Nés "trop tard", pourrait-on penser, dans un monde où le travail se raréfie et où il semble que la Vieille Europe doive bientôt céder sa place de leader à l'ensemble des pays asiatiques (60% de la population mondiale !), il nous apparaît de plus en plus clairement que ce que nos parents ont pris pour un mode de vie pérenne, une mondialisation de "l'american way of life" avec ses variantes locales ne fut en fait qu'une période exceptionnelle dans l'histoire des hommes. Le conflit actuel entre une partie du monde musulman et nos démocraties occidentales est sans doute un effet certain de cette frustration devant ce que l'on peut appeler un échec : les Trente Glorieuses si brillantes et innovantes n'ont pas réussi à faire en sorte que la création continue des richesses profite à tous.
C'est à cet échec que nous devons certainement bon nombre de nos déboires actuels, à commencer par cette crise pétrolière qui n'en finit plus de menacer l'équilibre de nos économies.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 6 mars 2006