GARAGE PSYCHEDELIC BLUES BAND
La guitare aux accents de sable
Aux accents de sable et de fumée
Sonne le rappel des fantômes de la fable
Des fantômes de la fable et de l'été
La pluie passée le vent aux lèvres mal séchées
Aux lèvres mal séchées des statues dissipées
Et puis soudain c'est un grand faucon déployé
Un grand faucon déployé dans un ciel déchiré
Dans un ciel foudroyé qui bat qui bat qui bat
Sa batterie cinglée scintillant fracas
Qui bat qui bat qui bat le rappel des fantômes
Sa batterie cinglée scintillant fracas
De soleils frappés
De lunes fouettées
La guitare aux accents de sable
Aux accents de sable et de sang séché
Se met à siffler les fées vives de la fable
Les fées vives de la fable et de la ville en été
Tandis que bat le coeur
Tandis que bat le coeur
Du voyageur pressé par la pluie du piano
Par la pluie du piano et le cri des oiseaux
Dans le silence on voit passer l'oeil du corbeau
Puis la féerie fait flamber ses électriques
Fait flamber ses vaisseaux et ses électriques
Couplets la gueule ouverte et la phrase ironique
Et la phrase de fontaine moquerie, ironique
Les accords du piano sont les sauts d'un chien fou
D'un chien fou dans un palais mort
Et la guitare aboie (wah-wah !) à chaque coup
A chaque coup de caisse claire
Sonnante tonnante
Retentissante
Eclair
Jaillissant d'entre les profondeurs de la basse
Et l'éclat de la voix comme un corbeau qui passe.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 23 décembre 2005
Note sur le poème Eprise de René Char (cf Eloge d'une Soupçonnée précédé d'autres poèmes, Poésie/Gallimard, p.77).
Les citations faites du texte figurent en italiques et en caractères gras.
Il évoque chaque carreau de la fenêtre et ce qui est au-delà de cette fenêtre : un morceau de mur en face.
Principe d'identité poétique : le médium se confond avec la vision, chaque carreau d'une fenêtre est un morceau de mur . Cette vision se précise d'ailleurs au fil du texte de la même manière que se révèlent les détails d'un tableau, d'une photographie au fur et à mesure que l'analyse se fait plus aiguë :
chaque pierre scellée du mur une recluse bienheureuse
Chamanisme.
Métaphore : la pierre est bienheureuse, généreuse qui nous éclaire matin, soir, de poudre d'or à ses sables mélangée.
Le temps efface les visions : Le vent aime à y tailler et ainsi, cette fortune de poudre d'or se volatilise dans l'étroit espace d'une petite rue au-dessous dont nous n'apercevons pas le pavé.
Cette petite rue est donc invisible où file la féérie d'une poudre d'or, féérie, oui, vraiment puisque :
Qui y passe emporte ce qu'il désire.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 7 juillet 2005
LA POÉSIE N'EST PAS AUX CIEUX
Notes sur Ni gagnants, ni perdants de Lut de Block
La poésie n'est pas aux cieux, avec les anges joufflus ou les anges gardiens ; elle est irrémédiablement sur terre, avec les hommes de plus ou moins bonne volonté ; elle est dans l'ordre des choses humaines :
Ik heb je niet begraven, vader,
ik sleep je jaren op mijn rug.
Je ne t'ai pas enterré, père,
je t'ai traîné sur le dos pendant des années.
Ainsi commence le recueil Ni gagnants, ni perdants que Lut de Block publia dans la collection de poésie européenne de la Maison de la Poésie Nord/Pas-de-Calais (édition bilingue flamand/français dans une traduction de Liliane Wouters, novembre 2000).
Et, ayant affaire avec les choses humaines, la poésie se souvient des scènes de l'enfance. Evoquant la mère, la maman dans la lumière de l'aube, l'auteur écrit :
Ze baadde zich in tegenlicht,
ik lag haar stiekem te begluren.
Ze kleedde zich in koelen kleren van de dag. (1)
Elle se présentait à contre-jour,
et je restais à l'épier sournoisement
Enfilant les vêtement froids de l'aube.
Oui, décidément, la poésie est une terrienne et puisque les mots ne sont jamais que les outils que nous fabriquons pour pouvoir continuer à remuer les lèvres et à produire ce que nous pensons être du sens, -et qui n'est peut-être pas plus intelligible que le bruissement des feuillages dans la tempête -, nous constatons avec une amère ironie :
Vaders vallen altijd ruggelings
in zwarte gaten. Hoe kan je die
hiaten vullen ? (2)
Les pères tombent toujours sur le dos
dans des trous noirs. Comment pouvoir
combler cette lacune ?
Mais de cette ironie, cet humour froid comme la brume, le brouillard où s'enlisent les rues de nos villes du Nord, mais de cette lame bien aiguisée surgissent des phrases claires et tranchantes comme les lames des outils agricoles :
Aarde, goed dat je bij me ligt.
Soms hou ik hout vast, dan weer steen
waarin een hart klopt. De dood is een reëel gemis. (3)
Terre, il est bon de te sentir tout contre moi.
Tantôt je tiens du bois et tantôt de la pierre
dans laquelle un coeur bat. La mort est un manque réel. (4)
Et ce qui sur la terre vient à manquer, n'est pas au ciel mais dans le ventre des mots.
Notes : (1) : Lut de Block, Vader ("Père") in Ni gagnants, ni perdants, Maison de la Poésie Nord/Pas-de-Calais, novembre 2000, p.12-13.
(2) Lut de Block, Landziek ("Mal de terre"), op. cit., p.24-25.
(3) Lut de Block, Tumulus Newgrange, op. cit., p.36-37.
(4) Les passages en italiques sont extraits de la traduction de Lilane Wouters.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 27 septembre 2005.
Les trois premiers mots du recueil :
L'homme fuit l'asphyxie.
sonnent comme un postulat. A partir de là, toute poésie tient nécessairement pour implicite l'exigence de la liberté.
D'où l'opposition entre "la prison" et "la transhumance", l'opposition entre "la mort" et le "Verbe" :
Aux uns la prison et la mort. Aux autres la transhumance du Verbe.
D'où l'opposition aussi entre "le rossignol diabolique" et "la clé angélique".
Mais l'opposition est filon trop facile pour celui qui creuse le langage à coups d'énigmes :
Nous tenons l'anneau où sont enchaînés côte à côte, d'une part le rossignol diabolique, d'autre part la clé angélique.
Antithèse certes mais antithèse aux éléments liés ensemble, à la manière de l'oxymore, (cf "enchaînés côte à côte, d'une part le rossignol diabolique, d'autre part la clé angélique"), éléments mis sur un même plan, celui de l'étrange adverbe "aoûtement" :
Aoûtement. Une dimension franchit le fruit de l'autre. Dimensions adversaires. Déporté de l'attelage et des noces, je bats le fer des fermoirs invisibles.
L'été dans ce qu'il a de plus intemporel, sa qualité de manière d'être au monde puisque le néologisme "aoûtement" se présente comme un adverbe de manière.
La langue est source de néologismes, outils à passer outre "les dimensions adversaires", outils à résoudre les apparences de l'antithèse "rossignol diabolique" et "clé angélique", outils à "franchir le fruit de l'autre", outils à "fuir l'asphyxie", outils à la forge des sons : fuir l'asphyxie, se calfeutrer, sans finir, être le faiseur de pain, franchir le fruit de l'autre, battre le fer des fermoirs.
Cependant, il ne s'agit pas d'être pur esprit. L'artisan, -celui qui manie l'outil, qui "se délivrera par les mains", "le faiseur de pain"-, reste à mesure d'homme, dans les demeures du réel , pour reprendre l'expression de Georges Rose (cf Georges Rose, Les demeures du réel in Ecrit(s) du Nord n°8, octobre 2002, p.80).
Ainsi, "déporté de l'attelage et des noces", l'homme de l'art d'être humain est-il lié au combat, au heurt, à la confrontation :
Déporté de l'attelage et des noces, je bats le fer des fermoirs invisibles.
C'est à cette condition que peut s'accomplir le "devoir de toute lumière":
Déborder l'économie de la création, agrandir le sang des gestes, devoir de toute lumière.
Ceci pour "la clé angélique".
Quant au "rossignol diabolique", il est de l'adverbe "aoûtement" et de cette "dimension qui franchit le fruit de l'autre".
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 11 juin 2005
L'adverbe "Aoûtement" n'est pas un néologisme, il existe et a pour signification : "porté à maturité par le soleil." :)
Les poignets déliés, la pluie
entre les moines, la nuit;
pendant l'herbe
carillonnent les fièvres.
Patrice Houzeau
hondeghem, le 2 juillet 2005