QUANTIQUES
1.
"Les autres forment l'homme" écrit Montaigne [Essais, III,2]. C'est que chacun se figure chacun et que l'ensemble de ces figures hante les syllabes, d'où nous tirons des leçons sur le fantôme.
2.
"Le roi, plantant fièrement et rigoureusement les yeux sur lui" [Montaigne, Essais, III,6] : J'aime que la langue prévoit que nous puissions planter des yeux sur quelqu'un, de telle sorte que, où qu'il aille, ce regard le suit, comme un poisson d'avril ou le fantôme d'une douleur à venir.
3.
Nietzsche fait "plonger les yeux dans l'abîme" [Par-delà le bien et le mal, 146], d'où ils ne remontent parfois que chargés d'indicible.
4.
Certains humains laissent leur regard ailleurs, dans leur passé, et vont dans la vie avec des yeux fantômes.
5.
Pensée idiote du dimanche matin (surtout qu'on est lundi) : Ce n'est pas parce que l'on se goullafre de gaufres qu'on finit gaufrier.
6.
Ce sont des spectres bien crédules que ceux qui croient au réel.
7.
Ce qui étonne peut-être les êtres quantiques, c'est que nous ayons l'air plus vivants que morts.
8.
Chez les êtres quantiques, la vérité se trouve quand elle est déjà ailleurs.
9.
Pour les êtres quantiques, peut-être ne sommes-nous qu'une hypothèse, un postulat.
10.
Pour les êtres quantiques, ce que les êtres humains nomment conscience est une sorcellerie, un cas d'école, un sortilège.
11.
Peut-être, chez les êtres quantiques, se moque-t-on sans rire de ceux qui croient en l'existence des humains.
12.
Pour les êtres quantiques, l'être est discontinu, aléatoire et simultané, et il ne peut reposer que sur du vide. Penser le contraire est hérétique.
13.
Les êtres quantiques vont vers le passé et reviennent du futur.
14.
Les êtres quantiques n'ont pas de présent et ne conjuguent leurs temps qu'au conditionnel.
15.
Le temps quantique est le conjoncturel de l'indicatif. Tous les subjonctifs y sont admis, y compris le subjonctif d'improbabilité.
16.
Les êtres quantiques sont des puces sur un chien fantôme. Certains pensent d'ailleurs que ce chien, c'est nos truffes. D'autres font aussi remarquer que le chien ne se pose pas la question des trajectoires de ses puces, alors que l'humain... Enfin, certains petits malins essaient de faire rentrer ces puces dans l'opaque boîte à
17.
Les thèses des êtres quantiques sont paradoxales et effondrent toute bibliothèque.
18.
Les êtres quantiques, des yeux simultanés et aléatoires. Ainsi tournoient-ils sans tournoyer, et fondent-ils le réel et son hasard.
19.
Les êtres quantiques tirent leur substance du peut-être, du cela est, et du cela n'est pas.
Patrice Houzeau
Hondeghem, le 11 novembre 2013