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16 novembre 2013 6 16 /11 /novembre /2013 18:38

LE SENTIMENT D'AVOIR FAIT QUELQUE CHOSE

 

1.
Le sentiment d'avoir fait quelque chose est moins illusoire que le sentiment d'être quelque chose.

 

2.
Il faut que la phrase soit pleine comme un oeuf, que vous aurez l'obligeance d'aller vous faire cuire.

 

3.
Il faut que la phrase soit pleine comme un oeuf, que j'aurai, moi aussi, l'obligeance d'aller me faire cuire.

 

4.
"Allez vous faire conférer !" m'a lancé un jour un élève de méchante humeur et d'esprit vif.

 

5.
"dans de petits plis, les plis dans un frisson"
(Henri Michaux, Vers la sérénité)

 

Dans de petis plis, je -
De petits plis, je vais - les
Petits plis de - les petits
Plis du réel qui se froisse; dedans,
Les plis de ma face, les
Plis de moi qui passe
Dans un long et lent froissement,
Un long éparpillement, un lent
Frisson de moi passant sans y faire attention.

 

6.
"les yeux d'encre" (Michaux, Les Yeux)

 

Elle était blanche comme page vierge, avec de grands yeux d'encre.

 

7.
Ecrire dans une langue insomniaque.

 

8.
"Qu'est-ce que le cerveau ne tue pas ? On se le demande vraiment." (Henri Michaux, "L'Ether").

 

9.
La bibliothèque aux foudres calmes, que traverse la créature des possibles.

 

10.
J'écris trop bref pour être mis en musique, pour être déclamé. A peine serai-je cité. A titre anonyme.

 

11.
"un garçon doux et estimé de ses camarades que la vue d'un ver dans la belle pomme qu'il mordait aura transformé en bête nuisible." (Agatha Christie traduit par Claire Durivaux, "La Fête du potiron", Club des Masque n°174, p.69).

 

12.
Potiron : il y a du grotesque dans ce mot, comme s'il allait en surgir quelque guignol diable.

 

13.
Les philosophes ont l'art de se tromper tout en ayant raison.

 

14.
On ne séduit pas un peuple avec des expertises, des bilans comptables, des notes de service.

 

15.
"si longtemps pour en parler" : les mots, parfois, restent coincés dans l'autrefois d'une gorge.

 

16.
La fin du XXème siècle fut marquée par l'effondrement d'un mur qui entraîna l'effondrement d'un empire.

 

17.
"L'Homme" des philosophes, une parfaite marionnette qui, librement, accepterait l'esclavage des impératifs.

 

18.
Nous voyons par les gouffres et rêvons des sommets.

 

19.
"ce qu'il prit d'abord pour un effet de lumière dans les feuillages" (Agatha Christie traduit par Claire Durivaux, "La Fête du potiron", Club des Masques n°174, p.84).
 

Ah tiens, Fantômas a pris un coup de soleil.

 

20.
"des jeunes gens barbus, chevelus, excentriques ou cocasses" (Agatha Christie traduit par Claire Durivaux, "La Fête du potiron", Club des Masques n°174, p.124).

 

Quoi qu'c'est ? Un groupe de rock psychédélique à la fin des années 60 ?

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 16 novembre 2013.

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16 novembre 2013 6 16 /11 /novembre /2013 15:45

RESTE LE CHEMIN

 

1.
Pour les êtres quantiques, le néant est un couteau dont le manche a été muni d'une lame.

 

2.
Les corps sont pleins de dégoûts couverts par une élégance de masque.

 

3.
Pour le tyran, un pays, c'est d'abord une carte sur laquelle il étend sa main.

 

4.
L'informatique prouve qu'entre le 0 et le 1 se niche l'infini.

 

5.
Leur sexualité est anthropo-oculaire. C'est par notre oeil que les quantiques croissent et se multiplient.

 

6.
Les chansons peuplent nos solitudes de paroles idiotes, de serments, de promesses, de poudre à sottise, de bouches sans visage.

 

7.
C'est étonnant ce qu'une poignée de notes et quelques figures rythmiques peuvent faire : j'aime les chansons pour les micro-mondes qu'elles suggèrent.

 

8.
Le sujet se construit par des intensités que la langue a pour but de mettre à distance.

 

9.
A la radio parfois, ils en invitent un qui vient faire son solo de sartre.

 

10.
"le besoin de l'Autre, l'introuvable Autre" : cette formule de Michaux rappelle que, comme les chevaliers de la Table Ronde étaient voués au Graal, nous sommes voués à l'introuvable.

 

11.
Et dire que j'aurais mis cinquante ans à comprendre les vertus du silence.

 

12.
Et "si l'assassin était parmi les invités" est une question que, à chaque fois que je suis convié à l'un de ces dîners que prétendent nous imposer les conventions sociales, je ne peux m'empêcher de penser.

 

13.
Quand je me sens seul, j'écris. C'est ainsi que j'apprivoise l'absence.

 

14.
L'absence est une fidélité.

 

15.
J'écris parfois à en avoir mal au bras, - le gauche, celui du coeur.

 

16.
Entendu sur France Culture, Alain Badiou au détour d'une phrase: "...le nombre est une affaire incertaine." Il a certainement raison.

 

17.
Entendu dans une fiction radiophonique, cette phrase :"Ich vergehe. Ich bin die Zeit." (Je passe. Je suis le temps). Comme en allemand, cela sonne tout de suite plus profond, plus philosophique ! Et puis, bien sûr, de mauvaise foi, je note que le pronom identitaire "ich" s'incarne aisément dans la figure du temps, tandis que le "je" français ne fait que suivre.

 

18.
Le politique s'entoure parfois de gens aussi fidèles que l'ombre de leur chien.

 

19.
"frapper l'ours, toucher le rhinocéros" (Michaux, "Nous autres") : Euh... vaut mieux pas.

 

20.
"Plus de chemin ne trouve que le chemin de l'éternel regret" (Michaux, "Vers la sérénité") : La beauté de cette phrase tient à l'absence. Elle en relève presque. Le pronom disparu, reste le chemin.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 16 novembre 2013

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16 novembre 2013 6 16 /11 /novembre /2013 14:27

ACROBATE ZOOMORPHE ET AUTRES BREFS

 

1.
Au fond, les économistes se divisent en deux camps : ceux qui croient en la relance par la consommation, et ceux qui croient en la relance par l'investissement. Les uns jouent à la roulette, les autres tiennent le casino.

 

2.
Le problème est que, peu à peu, nous en arrivons à emprunter de l'argent au commerçant lui-même, qui est donc gagnant deux fois: en touchant des intérêts et en nous vendant sa marchandise.

 

3.
Le chuchotis dans chaque bouche insinue ses cigales.

 

4.
Parfois, je ne vois dans la pluie qu'un découragement, une lassitude du ciel.

 

5.
L'amour se fiche dans l'oeil comme un compas déréglé.

 

6.
Le soleil, un encouragement persistant à ne rien faire. Que de romans, que de romances même a-t-il ainsi cramés !

 

7.
La nuit, le jour : jamais Chronos n'a les deux yeux ouverts en même temps.

 

8.
Je finis souvent par m'endormir dans la pensée que je pense.

 

9.
Être seul, c'est remplir le jour d'une multitude de visages de plus en plus lointains.

 

10.
Les fleurs, une patiente, obstinée, solitaire attente d'elle-mêmes. Comme les jeunes filles, sans doute.

 

11.
C'est dans les angles d'où l'on voit passer notre belle indifférente que parfois l'on ressent le poids froid de la solitude.

 

12.
La solitude étire sa longue perspective d'avenue vide vers la mer.

 

13.
Après tout ce que je n'ai pas fait pour toi.

 

14.
"acrobate zoomorphe" : cette expression saisie au vol des ondes me ravit. J'imagine la belle et charpentée voltigeuse mimant la bête souple, élégante, fabuleuse, rimbaldienne.

 

15.
Nous finissons tous par du vide qu'abandonnent nos mains.

 

16.
Je regarde la ville comme un noeud de rues où passe ma belle déliée.

 

17.
La fronde de novembre 2013 en France : bonnet rouge contre bonnet d'âne.

 

18.
Coeur sec, et l'âme nerveuse : tout pour déplaire.

 

19.
Je songe que les fantômes nous contemplent, derrière leur miroir sans rien.

 

20.
Les êtres quantiques alternent être et néant avec l'aisance d'une danseuse de corde, ou celle d'un jongleur de poignards.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 16 novembre 2013

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12 novembre 2013 2 12 /11 /novembre /2013 06:48

AUTRES QUANTIQUES

 

1.
Les êtres quantiques, les pierres d'un jeu de go, toujours la même et toujours différente.

 

2.
Pour les êtres quantiques, le principe d'identité n'a pas plus de sens que le principe d'indivisibilité et d'unicité. Ils sont tous singuliers et nombreux, tous divisibles parce qu'indivisibles, tous identiques parce qu'incohérents.

 

3.
Dans l'univers quantique, les morts portent les vivants. Ils appellent cela "exister".

 

4.
Les êtres quantiques, des points sur les faces du jeu de dés  auquel Dieu est censé ne pas jouer.

 

5.
Pour les êtres quantiques, le réel est un jeu auquel un dieu qui existe et qui n'existe pas joue et ne joue pas.

 

6.
Pour les quantiques, Madame Bovary, c'est lui.

 

7.
Dans l'univers quantique, quand il pleut, le ciel est plein de flaques.

 

8.
Pour les quantiques, se mettre en quatre n'est pas une figure de style.

 

9.
Dans l'univers quantique, on n'a aucun avantage à être le lièvre plutôt que la tortue. D'ailleurs, "vitesse et précipitation" n'y font ni pire ni mieux que "patience et longueur de temps". On peut s'y précipiter avec patience et s'y hâter lentement.

 

10.
Dans l'univers quantique, on peut se connaître soi-même tout en étant un autre.

 

11.
Dans l'univers quantique, ce sont les exceptions qui font les règles et les jurisprudences la loi.

 

12.
Par définition, toute loi quantique est rétroactive.

 

13.
Dans l'univers quantique, les chats rebondissent, et ce sont leurs balles qui leur courent après.

 

14.
Cioran est un humoriste fort apprécié des êtres quantiques. Nietzsche aussi. Lewis Carroll y est un dieu vivant.

 

15.
Dans l'univers quantique, les cas de folie chez les chefs de gare sont très courants. Aussi n'y a-t-il ni train, ni gare.

 

16.
Sans doute, les êtres quantiques nous font-ils des signes. Nous appelons ça des "pensées".

 

17.
Les personnages quantiques crèent leur auteur. Aussi les enferme-t-on dans des livres d'où ils s'échappent sans cesse pour contaminer le réel.

 

18.
On dit qu'un mathématicien quantique a fait une dépression nerveuse après avoir démontré que de deux propositions contraires, l'une au moins était fausse.

 

19.
Si ça se trouve, les êtres quantiques sont si loin, si loin que, lorsque soudain, ils nous sauteront à la gorge, on verra alors qu'ils ont des gueules énormes, et de ces crocs !

 

20.
Pour l'instant, ils ne sont pas assez nombreux pour dévorer le chien, mais vous verrez, vous verrez...

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 11 novembre 2013

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11 novembre 2013 1 11 /11 /novembre /2013 15:11

QUANTIQUES

 

1.
"Les autres forment l'homme" écrit Montaigne [Essais, III,2]. C'est que chacun se figure chacun et que l'ensemble de ces figures hante les syllabes, d'où nous tirons des leçons sur le fantôme.

 

2.
"Le roi, plantant fièrement et rigoureusement les yeux sur lui" [Montaigne, Essais, III,6] : J'aime que la langue prévoit que nous puissions planter des yeux sur quelqu'un, de telle sorte que, où qu'il aille, ce regard le suit, comme un poisson d'avril ou le fantôme d'une douleur à venir.

 

3.
Nietzsche fait "plonger les yeux dans l'abîme" [Par-delà le bien et le mal, 146], d'où ils ne remontent parfois que chargés d'indicible.

 

4.
Certains humains laissent leur regard ailleurs, dans leur passé, et vont dans la vie avec des yeux fantômes.

 

5.
Pensée idiote du dimanche matin (surtout qu'on est lundi) : Ce n'est pas parce que l'on se goullafre de gaufres qu'on finit gaufrier.

 

6.
Ce sont des spectres bien crédules que ceux qui croient au réel.

 

7.
Ce qui étonne peut-être les êtres quantiques, c'est que nous ayons l'air plus vivants que morts.

 

8.
Chez les êtres quantiques, la vérité se trouve quand elle est déjà ailleurs.

 

9.
Pour les êtres quantiques, peut-être ne sommes-nous qu'une hypothèse, un postulat.

 

10.
Pour les êtres quantiques, ce que les êtres humains nomment conscience est une sorcellerie, un cas d'école, un sortilège.

 

11.
Peut-être, chez les êtres quantiques, se moque-t-on sans rire de ceux qui croient en l'existence des humains.

 

12.
Pour les êtres quantiques, l'être est discontinu, aléatoire et simultané, et il ne peut reposer que sur du vide. Penser le contraire est hérétique.

 

13.
Les êtres quantiques vont vers le passé et reviennent du futur.

 

14.
Les êtres quantiques n'ont pas de présent et ne conjuguent leurs temps qu'au conditionnel.

 

15.
Le temps quantique est le conjoncturel de l'indicatif. Tous les subjonctifs y sont admis, y compris le subjonctif d'improbabilité.

 

16.
Les êtres quantiques sont des puces sur un chien fantôme. Certains pensent d'ailleurs que ce chien, c'est nos truffes. D'autres font aussi remarquer que le chien ne se pose pas la question des trajectoires de ses puces, alors que l'humain... Enfin, certains petits malins essaient de faire rentrer ces puces dans l'opaque boîte à chat zombie, ce qui revient à faire disparaître l'homme invisible.

 

17.
Les thèses des êtres quantiques sont paradoxales et effondrent toute bibliothèque.

 

18.
Les êtres quantiques, des yeux simultanés et aléatoires. Ainsi tournoient-ils sans tournoyer, et fondent-ils le réel et son hasard.

 

19.
Les êtres quantiques tirent leur substance du peut-être, du cela est, et du cela n'est pas.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 11 novembre 2013

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11 novembre 2013 1 11 /11 /novembre /2013 02:04

CHORUS

 

Chorus : "En jazz, improvisation sur la durée du thème." (Le Robert, 1997).

 

1.
Le coq dresse sa crête de vieille lézarde tandis que la poule a l'air de vouloir pondre par votre bouche.

 

2.
Le mur rapproche les lèvres de la passante qui, de son index vertical, vous recommande le silence.

 

3.
L'orage ouvre sa mâchoire d'éclairs.

 

4.
L'assassin siffle en secret ses menaçantes serinades.

 

5.
La voyageuse, légère, frisotte.

 

6.
Les poules du couvent couvent, et soupirent.

 

7.
La flûte, parfois, rappelle qu'elle est la fille fêlée du vent.

 

8.
La batterie scande ses soleils, des soleils que ne démentent pas les sourcils du tonnerre.

 

9.
La tête s'entête à vouloir toute liberté de s'entêter.

 

10.
Le sphinx, sec qu'il grince et vous claque une énigme.
La sphinge grince moins que le sphinx; elle a sans doute plus que lui besoin de se venger.

 

11.
Ecrire, exercer sa lente griffe sur la peau du papier.

 

12.
Le vent, une course de relais, de temps sec à temps d'chien.

 

13.
La note bleue est nocturne par définition, et secrète comme la beauté qu'un seul voit.

 

14.
La trompette égrène ses ombres de fête perdue, mais, parfois, la trompette crie sa joie, et vous rit au nez.

 

15.
Le train lance ses reins d'acier, longe la paix des vaches.

 

16.
La mélancolie met au lit la jeune fille et ses soupirs.

 

17.
Le temps, évidemment, referme ses crocs sur vos osses.

 

18.
La pluie plisse les flaques, brouille les visages, remplit les silences.

 

19.
La nuit dit à peine oui; elle est plus pudique qu'on le dit.

 

20.
Le jazz jette sa note étrange dans l'été étale comme un corps.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 11 novembre 2013.

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10 novembre 2013 7 10 /11 /novembre /2013 22:21

INFINIS DANS LA TENEBRUSQUE

 

"Lente poitrine bleue où bat le coeur du temps"
(André Breton, "Il n'y a pas à sortir de là", in Clair de terre)

 

1.
"Mon passé : c'est ce que j'oublie.
La seule chose qui me lie
C'est ma main dans mon autre main."
(Tristan Corbière, Paria)

 

Je suis une main dans ma propre main; voilà en quoi je suis libre.

 

2.
Si vous croisez de la "herse hérissant rouillée" [Corbière] se dandinant dans le chemin, c'est qu'il y a sans doute quelqu'un derrière; sinon, inquiétez vous.

 

3.
"Le voyou siffle - vilain merle -"
(Tristan Corbière, Idylle coupée)

 

Jeune fille qui passe, voyou qui siffle, vilain merle, joli canard.

 

4.
Toi qui viens, ne reviens pas.

 

5.
La politique est l'art de masquer par l'arlequin des promesses le "beaucoup trop à l'un, beaucoup trop peu à l'autre" [Nietzsche].

 

6.
"de l'antique Asie et de son petit promontoire avancé, l'Europe" [Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, 52]

 

Prémonitoire, le Friedrich !

 

7.
"il nous est beaucoup plus facile d'imaginer un à-peu-près d'arbre..." [Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, 192]

 

Nous ne manquons d'ailleurs pas d'experts pointus et d'analystes subtils de l'à-peu-près qui arrivera sans doute si, bien que, en dépit de, par contre, en revanche et sans doute.

 

8.
Lorsqu'entrant dans une pièce, on dit :"Excusez-moi, je croyais qu'il n'y avait personne...", voyez-vous, il est vexé, l'homme invisible.

 

9.
On ne peut jeter la lune par la fenêtre.

 

10.
Si le soleil est une tête tranchée tournoyant dans le ciel, je me demande où est le reste du corps ? Les ogres de l'infini l'auraient-ils dévoré ?

 

11.
L'infini nous grignote. D'où notre mortalité.

 

12.
Le penseur commence par reconnaître qu'il ne sait pas. Sinon, il n'y penserait même pas.

 

13.
Et si la lune était la pièce de monnaie symbolique avec laquelle le diable a payé nos âmes ?

 

14.
Le hasard, ce chien qui trouve toujours son os.

 

15.
Alors les éclairs du surréalisme révélèrent que la nuit n'était pas noire, mais blanche comme la fiancée de la page, et pleine d'ombres, de silhouettes étrangement familières et crachant des couleurs.

 

16.
Le ténébrusque - il me semble que Michel de Ghelderode déjà a eu cette trouvaille -, le ténébrusque, c'est du ténébreux, mais en plus rapide.

 

17.
Le tonnerre gouverne d'une main de foudre.

 

18.
Trois infinis :
- l'infiniment passé (l'archive)
- l'infiniment présent (le syntagme)
- l'infiniment futur (le paradigme).

 

19.
Aux jambes d'océan, à la chanson d'écailles,
Aux yeux de pluie frappant la mer, aux yeux de seul.

 

20.
On dit que c'est le vent, mais si ça se trouve, ce sont les têtes sous-terre qui se hochent et secouent la giflée de leurs syllabes.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 10 novembre 2013

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10 novembre 2013 7 10 /11 /novembre /2013 18:44

VADE RETRO, HUMANITAS

 

1.
"Vade retro, humanitas !" comme dit l'autre, devant son miroir.

 

2.
Comme je suis d'accord avec Nietzsche qui veut qu'il y ait "de l'art dans la moindre phrase bien faite, un art qu'il faut deviner si l'on veut comprendre la phrase" [Par-delà le bien et le mal, 246]; ainsi se posent les énigmes, ainsi déchiffre-t-on le sphinx.

 

3.
La guerre de cent ans, une poignée de batailles dans une longue période de troubles. Le temps de la guerre n'est pas le temps de la paix, il peut se concentrer en quelques années, quelques mois, semaines ou jours, comme il peut s'étirer dans les espaces divisés. 

 

4.
L'expression "mépris impersonnel", que je relève dans un volume de Nietzsche, me semble s'accorder avec cette sorte de mépris, de nausée que doit éprouver le dieu des créations lorsqu'il regarde par-delà sa barbe se tourmenter l'humanité. S'il ne nous met pas tous dans le même sac, c'est qu'il a de l'éternité à perdre. Vous me direz qu'il y a les Justes et les Saints. Ce sont les exceptions qui, justement, saintement, confirment la règle.

 

5.
Fantômas, tout ce qui, qu'on ne voit pas et qui, soudain, à la gorge.

 

6.
Nietzsche compare la littérature de son temps à un "marécage lentement remué de sons qui ne chantent pas, de rythmes qui ne savent pas danser" [Par-delà le bien et le mal, 246]. Je m'épate, moi aussi, lorsque j'ouvre un volume récemment paru, de lire des phrases sans style, des phrases pâles, ni bonnes, ni mauvaises, si neutres souvent qu'on a envie d'y insérer des fautes de goût, qu'on a envie de les caractériser en les rompant, en les tachant, en les tordant comme des poupées surréalistes. Ce sont, toutes ces phrases grises, rien d'autre que des phrases-outils - je ne doute pas d'ailleurs qu'un logiciel du futur finira par composer des romans tout entiers, des romans "vrais", authentiques et humains, des romans parfaits, c'est-à-dire parfaitement en phase avec les lois du marché - des phrases-outils qui servent au romancier à raconter une histoire dont les chroniqueurs nous disent souvent qu'elle est passionnante, intéressante, palpitante, indispensable. Un roman ne serait alors qu'un conte moderne, qu'une manière de rappeler, d'enseigner, une forme raffinée de didactisme, une fine leçon de morale (pouah !), pire, d'humanisme (vade retro, humanitas !), c'est que ma pomme, je n'ai jamais trop aimé le fatalisme qui préside aux contes - on a beau le lire et le relire, La Belle au bois dormant finit toujours de la même façon -, et j'ai souvent considéré qu'un bonhomme, ou une bonne femme, qui avait si mauvaise haleine et du poil partout, n'avait pas de leçon de morale à me donner ni rien à m'apprendre que je ne puisse trouver dans des livres écrits par d'autres imbéciles.

 

7.
Lorsque les caprices de l'informatique, ou mon incompétence, me font perdre un texte dans les limbes de mon ordinateur, j'arrive la plupart du temps à le recomposer de mémoire. Mais dans ce qui ne me revient pas, ce que je regrette, c'est moins une idée elle-même qu'une alliance particulière de signes, un rythme, un effet de sons, ou de sens. C'est le style qu'on regrette, et non la fausse monnaie des idées.

 

8.
Soyons francs, on regrette moins les grands hommes que leur style. C'est le style seul qui finit par être légendaire.

 

9.
Il est dommage que Magritte n'ait pas pensé à faire suite à sa fameuse toile Ceci n'est pas une pipe par une toile figurant par exemple un hareng saur, et à laquelle il aurait donné le titre de "Ceci n'est pas une pipe non plus". De même, Duchamp aurait pu faire un ready made avec un tuyau de poêle, ou une toile à matelas, et aurait pu avoir l'ingéniosité d'appeler ça Ceci non plus n'est pas une pipe. Vous me direz que tout cela eût fait redondant, pipeau peut-être. Oui.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 10 novembre 2013

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10 novembre 2013 7 10 /11 /novembre /2013 05:12

CE CRIME GRATUIT DE LA PENSEE

 

1.
Fantômas, c'est un regard et beaucoup de nuit.

 

2.
Le suicide est-il une overdose de volonté de puissance ?

 

3.
Le mur est le plus court chemin de l'humain à l'humain. L'ingénieur qui a l'idée de placer une échelle contre ce mur, permettant ainsi à l'humanité de passer l'obstacle, est un bienfaiteur. L'humain grimpe donc à l'échelle, passe le mur, et saute dans le vide.

 

4.
La nature n'a pas de stratégie; Dieu n'a pas de parole; l'humain est une solution sans solution.

 

5.
Aussi souple que son ombre Fantômas passe.

 

Note : J'aime cet alexandrin pour son assonance finale. A quoi bon l'expliquer ? J'ai d'ailleurs toujours trouvé curieux que l'on cherche à donner un sens, une explication logique à l'emploi poétique des effets sonores, que l'on fasse siffler les serpents et ululer le vent, comme si la musique ne suffisait pas en elle-même à nous fasciner. Sont-ce les serpents qui sifflent, ou une bouilloire, ou un aéronef passant au-dessus des têtes tragiques ?

 

6.
L'humain est une solution à un problème que ni Dieu, ni la nature ne se sont posés.

 

7.
L'aristocratie, et son pendant républicain, l'élitisme, sont des injustices justifiées par l'inconscience des peuples.

 

8.
La perte de temps et le gain d'espace sont des signes évidents de la dissolution de l'empire humain dans l'immensité des tâches à accomplir.

 

9.
Le savant dans son étude est infiniment plus puissant que le plus puissant des empereurs. Quelle injustice ! Heureusement, la puissance publique n'a de cesse de sortir le savant de son étude pour un faire un ingénieur, un pédagogue, un conférencier, un auteur, bref, quelqu'un d'utile à l'aliénation du savoir au plus grand nombre.

 

10.
J'entends régulièrement dire que l'accroissement mondial des populations ne constitue pas un réel problème. Plus cyniquement encore, nos politiques européens s'inquiètent publiquement du vieillissement des générations et de la baisse de la natalité dans les états développés. Il me semble à moi que l'on ne s'y prendrait pas autrement pour préparer à moyen terme un conflit mondial (1). A moins bien sûr que l'on soit assez sottement croyant pour penser que l'humain s'accommodera facilement de vivre en surnombre (2).

 

(1) Certains pensent même qu'il a déjà commencé.
(2) C'est là peut-être le but réel de la mondialisation : la démocratie universelle, c'est-à-dire le contrôle de tous par tous.

 

11.
Ce n'est pas la poésie qui, après les massacres et les charniers, est scandaleuse, c'est l'aphorisme, ce crime gratuit de la pensée.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 10 novembre 2013

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9 novembre 2013 6 09 /11 /novembre /2013 19:51

MELANCOLIES VORACES

 

1.
Le problème de l'ego, c'est qu'il est tout en angles ! Y a des choses qui s'coincent dedans.

 

2.
Il demanda à l'Eglise de lui montrer ses saints et s'étonna de recevoir un coup de crosse !

 

3.
La Camarde, mélancolique aux catacombes : "Que d'os ! Que d'os !".

 

4.
Entendu jadis à la radio ce syntagme qui me laisse songeur : "cette machine aléatoire qu'est mon cerveau".

 

5..
Entendu jadis à la radio et qui me laisse songeur : "Le zéro n'est pas rien ; le zéro, c'est +1 -1".

 

6.
Ma mère, petite fille, chantant : "Un esprit sain dans un corps sage." !

 

7.
Avec une sotte bonne volonté de "croire" [Nietzsche], nous en sommes arrivés à nous persuader qu'il y a un sens à tout ça. 

 

8.
J'aimerais avoir l'âme "liée soit au flegme, soit à la dureté des crânes" [Nietzsche]; hélas, j'ai l'âme flan.

 

9.
Avoir à l'occasion, face à "l'objection même la mieux fondée" cette "volonté d'être stupide" qui caractérise, selon Nietzsche, "les caractères forts", est un trait de certains auteurs que j'apprécie. Les autres sont si sinistrement sérieux ou, pire encore, de si bonne volonté...

 

10.
Avoir "en dédommagement une sorte de considération" [Nietzsche] : c'est ce que l'on nous accorde souvent, à nous autres scribes, encore ferme-t-on les yeux sur notre défiance.

 

11.
Dès que l'on pose la question "Pourquoi ?", on place l'objet dans un état critique qui l'oblige à justifier sa présence et qui, en conséquence, risque bien de lui être fatal.

 

12.
"Au lieu d'y tendre les bras, nous y tendons les griffes."
(Montaigne, Essais, Livre III, chapitre 8)

 

C'est que, n'est-ce-pas, quand on est dragon...

 

13.
"Démosthène combat à outrance la loi de sa ville qui assignait les deniers publics aux pompes des jeux et de leurs fêtes; il veut que leur grandeur se montre en quantité de vaisseaux bien équipés et bonnes armées bien fournies."
(Montaigne, Essais, Livre III, chapitre 6)

 

Outre que les "jeux et leurs fêtes" ne relèvent que du goût, c'est-à-dire de la sphère privée, et que l'armée est bien public, il se trouve que l'on a plus besoin d'un artilleur que d'un jongleur.

 

14.
"Le véritable écrivain écrit sur les êtres, les choses et les événements"
(Cioran, Ecartèlement, Gallimard, 1979, p.103)

 

Et quel être, quelle chose, quel événement que soi-même !

 

15.
Je n'apprécie ni le jongleur - il perd trop de choses ! - ni l'artilleur - il tape trop souvent à côté.

 

16.
Le temps ne se compte que sous sa menace.

 

17.
Cet animal velu et vorace que l'on appelle "moi".

 

18.
"Quoi d'étonnant si nous, "esprits libres", nous ne sommes guère communicatifs ?"
(Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, 44)

 

C'est que, souvent, communiquer vous oblige à répondre, à préciser, à justifier, à perdre son temps et parfois son calme.

 

Patrice Houzeau
Hondeghem, le 9 novembre 2013

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